Assis sur le bord d’un volcan…

Il y a le volcan social qui couve à la faveur d’une crise démocratique et économique qui ne dit pas son nom mais dont les effets sont chaque jour un peu plus visibles.

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Il y a le volcan politique qui gronde sous les cendres de l’élection du 7 novembre 2019, entachées de très forts soupçons de triche de l’équipe au pouvoir. Cendres ravivées vendredi par la décision de la Cour suprême d’autoriser le recomptage des voix demandé par l’opposition dans la circonscription n°19, qui avait débouché sur l’élection de l’ex-vice Premier ministre Ivan Collendavelloo. Avec seulement 92 voix de moins pour sa concurrente Jenny Adebiro sur un total de 28 169 bulletins dépouillés.

Loin d’être anecdotique, l’affaire a le potentiel d’un tsunami : devant la cour, le Deputy Chief Electoral Officer a admis qu’il y avait eu des « irrégularités » dans certaines salles de dépouillement autorisées à compter plus des 1 200 bulletins de vote habituellement autorisés. Du coup, le pouvoir ne peut plus classer comme intox ou théorie du complot les allégations de l’opposition à l’effet que ces élections ne se seraient pas déroulées « normalement ». Ce qui pourrait remettre en question son existence même…

A côté de cela, il y a un autre volcan. Celui qui, littéralement, a explosé le week-end dernier aux îles Tonga. Et si le Pacifique sud nous semble bien loin de nos préoccupations dans l’océan Indien, nous devrions sans doute là aussi reconsidérer notre vision.

Comme les îles Mascareignes, le Royaume des Tonga vient d’un volcan. Celui-ci a émergé sous la forme de deux îles étroites et rocheuses, connues respectivement sous le nom de Hunga Tonga et Hunga Ha’apai. En 2014, une nouvelle éruption donne naissance à une troisième île qui connecte les deux autres en un seul territoire.

En décembre 2021, le volcan se réveille. Ses projections de cendres et de roches volcaniques agrandissent la partie de l’île jusque-là inhabitée. Et les 15 et 16 janvier 2022, cette partie va cette fois disparaître, sous l’effet d’une saisissante explosion volcanique.

Saisissante, parce que d’une ampleur que l’on n’aurait pas vue depuis l’explosion du Krakatoa en 1883.

Saisissante parce que d’une énergie inédite, estimée par la NASA comme équivalant à 5 ou 6 millions de tonnes de TNT.

Saisissante parce que cette éruption, qui a duré environ une heure, a provoqué un « sonic boom » qui a fait deux fois le tour de la Terre, expulsé des cendres et des gaz qui ont atteint jusqu’à 54 kms dans la stratosphère et généré à travers l’océan Pacifique un tsunami qui a voyagé beaucoup plus vite et beaucoup plus loin que prévu. Et voilà maintenant que l’on parle même de pluies acides pouvant atteindre Maurice dans quelques jours…

Saisissante parce qu’elle soulève bien des mystères et inconnues.

“Everything so far about this eruption is off-the-scale weird,” dit Janine Krippner, vulcanologue au Global Volcanism Program du Smithsonian, dans un article publié le 20 janvier dernier dans National Geographic par Bymaya Wei-Haas.

Les scientifiques vont donc tenter maintenant de comprendre les causes de cette explosion intense, et des tsunamis étonnamment étendus qui ont suivi. La tâche n’est pas simple : la majeure partie du volcan est maintenant sous l’eau, ce qui ne permet pas un monitoring adéquat du système magmatique et de l’activité du volcan, pouvant signaler d’autres éruptions.

L’explosion du week-end dernier montre à quel point on sait peu au sujet des volcans sous-marins. Alors qu’ils présentent un risque dont nous venons d’avoir un aperçu de l’énormité.

En attendant le rétablissement des communications, on ne connaît pas encore le bilan humain de cette éruption dans ces îles comptant 105 000 habitants. Mais les images satellitaires montrent des zones habitées complètement dévastées ou recouvertes de cendres.

L’explosion des îles Tonga montre la nécessité d’améliorer les efforts internationaux pour financer le monitoring des volcans à travers le monde, insiste Janine Krippner dans National Geographic. Disposant de moyens limités, les services des Tonga, se basant uniquement sur des infos visuelles et satellites, avaient alerté d’un risque d’explosion et de tsunami, conseillant à la population de rester loin des plages. Ce qui aura sans doute contribué à sauver des milliers de vies.

Nous avons certainement de quoi nous sentir concernés.

Près de nous, en 2018, les habitants de l’archipel des Comores s’inquiètent d’une série de secousses sismiques ressenties semaine après semaine, et non identifiées. Pour tenter d’en savoir plus, une mission scientifique est déployée en mai 2019. Celle-ci a la surprise de découvrir un nouvel édifice volcanique à 3 300 m de profondeur, à seulement 50kms des côtes de Mayotte. Publié en août 2021, le rapport de cette mission révèle « une éruption sous-marine hors norme, alimentée par un système magmatique très profond qui s’est développé en lien avec la tectonique active régionale ».

Selon ce même rapport, « l’analyse de l’ensemble des données, sismologiques, bathymétriques, géodésiques et géochimiques récoltées par le programme dévoile un système volcanique complexe, sans analogue connu, qui s’enracine très profondément jusque sous la lithosphère en remobilisant des structures tectoniques régionales anciennes et néoformées pour émettre sur le plancher océanique un des plus importants volume de lave de ces derniers siècles. Cette éruption est de loin la plus importante des éruptions sous-marines jamais documentées. Elle est comparable aux éruptions observées au niveau des principaux points chauds de la planète, comme à Hawaii ou en Islande, alors qu’elle ne se situe pas dans le même contexte géodynamique ».

Face à cette inconnue, on a vu l’an dernier la création du REVOSIMA (Réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte), « pour affiner la surveillance et la compréhension de ce système volcano-tectonique complexe et inédit ».

A notre niveau, à Maurice, sommes-nous suffisamment conscients du fait qu’un nouveau volcan sous-marin est en ce moment même en train de naître et se développer de façon accélérée et assez imprévisible juste à côté de nous ?
Nous préparons-nous à l’éventualité non-farfelue qu’un mouvement au niveau d’une des parois de ce volcan sous-marin puisse avoir sur nous des répercussions fulgurantes ?
La question mérite d’être posée alors que se rappelle à nous cette semaine la catastrophe du MVWakashio. Tout et plus a été dit sur l’inaction du gouvernement face à l’échouement du navire japonais battant pavillon panaméen sur les récifs du sud de l’île le 25 juillet 2020, et la marée noire qui en découle 12 jours plus tard. Ce qu’on en retient aussi, c’est la réaction extraordinaire d’une population qui, livrée à elle-même face à cette catastrophe écologique, va déployer des trésors d’ingéniosité, se rassembler, unir ses efforts et travailler sans relâche pour fabriquer des bouées en paille de canne afin de contenir la marée noire.

Or voilà que cette semaine, le ministère des Collectivités locales a mis à exécution sa menace, formulée via le conseil de district de Grand-Port, d’enlever la plaque commémorative posée le 7 août 2021 par Rezistans ek Alternativ sur le Mahébourg Waterfront.

Nul ne peut nier le rôle de fer de lance joué par le parti écologique par rapport à cette mobilisation citoyenne : c’est un de ses membres, David Sauvage, qui le premier a l’idée ce soir-là de fabriquer ces bouées artisanales, ce à quoi s’attellent les militants de ce parti aussitôt rejoints par les habitants de la localité puis par des Mauriciennes et Mauriciens venus des quatre coins de l’île.

Aujourd’hui, le gouvernement a donc enlevé de force cette plaque qui rend hommage à l’ingéniosité et à la solidarité d’un peuple. Parce que cette plaque contiendrait, à la fin, une phrase qui ne lui plait pas, faisant référence à un « crime écologique » et surtout à l’énorme manifestation populaire tenue à Mahébourg le 12 septembre 2020 « kot Lepep reklam nesans Nouvo Moris».

Face à cette action du gouvernement, Rezistans ek Alternativ a signifié son intention d’en appeler à la justice.

Justice décidément très sollicitée, alors que nous sommes clairement assis sur des volcans en puissance…

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