Ce que l’histoire retiendra

Quelle trace nos hommes et femmes politiques laisseront-ils dans l’histoire? Quelle représentation se fera-t-on de ce qu’ils ont été, de ce qu’ils ont réalisé, de ce qu’ils laissent en héritage?

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C’est aussi sur cela qu’interroge le dévoilement, cette semaine, des deux portraits de Barack et Michele Obama destinés à entrer à la prestigieuse National Portrait Gallery du Smithsonian Museum, aux côtés des autres présidents et first ladies des États-Unis.

Beaucoup d’intérêt a en effet entouré la présentation, retransmise en direct sur les diverses chaînes de télé, de ces deux portraits. Beaucoup de commentaires, de débats, voire de polémiques ont suivi. A juste titre.

Le portrait de Michele Obama, to start with, est, pour dire le moins, étonnant. On a d’ailleurs clairement pu voir, après qu’elle a dévoilé le tableau censé la représenter, le temps d’hésitation de Michele Obama, avant qu’elle ne se mette finalement à applaudir. Et qu’elle se dise “a little overwhelmed, to say the least”…

Il est en effet curieux ce tableau de l’artiste américaine Amy Sherald, dont les travaux mettent souvent en lumière des questions de justice sociale. On y voit une femme (dont beaucoup questionnent la ressemblance avec Michele Obama) assise, pensive. Elle porte une grande robe blanche à motifs géométriques de couleurs, œuvre de la designer Michelle Smith. Une créatrice connue pour son engagement notamment pour les droits humains, l’égalité raciale, l’émancipation des femmes, la solidarité, les droits LGBTQ.

Pourtant, il est singulier qu’autant d’engagement et de détermination de la part de trois femmes (la first lady, la designer et la peintre) donnent au final ce tableau d’où se dégage a subdued impression. Michele Obama y est peinte en gris (taupe disent certains), elle porte une robe blanche et est représentée sur un fond bleu clair. Rien qui ne dégage ce que Barack Obama a lui-même qualifié de «hotness of the woman I love ».

Et l’on peut regretter qu’il semble manquer à ce portrait the sheer vibrancy qui se dégage de la personne de Michele Obama, de ses engagements, de ses combats.

Le portrait de Barack Obama, par contre, se révèle stunning. Pour le représenter, le 44ème président des États-Unis a choisi Kehinde Wiley, peintre formé à Yale, qui est particulièrement connu pour sa façon de représenter des Afro-Americains dans le style des Anciens Maîtres, mais d’une façon subversive. D’une façon qui, des mots mêmes de Barack Obama, remettent en question notre conception du pouvoir et des privilèges.

Premier artiste noir à être commissionné pour réaliser un portrait présidentiel pour la galerie, Wiley a choisi de casser les codes en représentant Obama, premier président noir des États-Unis, de facon tout à fait unconventional. Loin de le mettre derrière un bureau chargé de documents et entouré de symboles officiels, il a choisi de le montrer assis, dans une posture apparemment décontractée mais avec une expression pleine de gravité et d’intention, sur un fond de verdure. Avec des fleurs emblématiques d’Hawaï, de Chicago et du Kenya, renvoyant aux origines mêlées d’Obama. Un portrait incroyablement vivant, mais pas exubérant, un portrait fort dans sa singularité, dans un pays qui semble aujourd’hui se rendre compte avec effroi des conséquences que peut avoir un vote. Un pays qui, le lendemain, apprenait la 18ème fusillade meurtrière dans un lycée depuis le début de cette année, alors que Donald Trump a assoupli les conditions d’obtention d’une arme à feu imposées par Barack Obama.

Pravin Jugnauth pourra-t-il aspirer à être représenté, comme Barack Obama, sur un magnifique fond de verdure? La façon dont est menée le projet de métro express à Rose Hill en ce moment permet de se le demander. On croyait le ministre Ivan Collendavelloo plus fin que de venir opposer «environnement» et «développement». Comme si un développement réfléchi, intégré, devait se faire en saccageant un des rares espaces verts d’une ville pour y faire passer un métro, en contournant la procédure de dépôt d’une étude d’impact environnemental. Quand un gouvernement s’absout des procédures élémentaires qu’il impose aux autres, cherchez l’erreur.

Les arbres c’est bien beau, mais il faut être réaliste, diront certains. On peut justement saluer ici le réalisme du collectif 270 Lavwa qui mène une opposition structurée au projet de saccage de la promenade Roland Armand et du Jardin Bijoux, avec propo- sitions alternatives à l’appui. Et qui vient cette fois de l’avant avec un EIA Citoyen.

Parce que oui, nous avons besoin d’un mode de transport alternatif, mais il n’y a pas un seul moyen de le faire. Et qu’on ne saurait éventrer une ville sans permettre à ses habitants d’être informés de ce qui les attend. Et de donner des visions alternatives des choses. C’est ce qu’on appelle la démocratie.

Pravin Jugnauth armé d’une hache sur fond gris de béton, ça ferait un beau portrait à léguer aux générations futures?

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