De cuisants échecs

Sur le social, le MSM peut trouver quelques arguments pour se défendre et prétendre à un bilan. Sur l’économie, il pourrait faire dire aux chiffres ce qu’ils cachent et tenter de maquiller la réalité. Sur les infrastructures, il y a bien quelques projets qui facilitent la vie des citoyens.

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À quelques mois du rendez-vous incontournable des urnes, à mesure qu’approche l’heure du bilan, il est un fait que ce gouvernement a à son passif de cuisants échecs. On ne parlera pas ici de la dégradation des services de la santé ou de l’éducation, de l’abandon, pour des raisons évidentes, de toute velléité de combattre la corruption, ou de l’absence de volonté de favoriser la transparence et de réinventer la démocratie mauricienne, mais de violence à l’égard des femmes, de la drogue et de la l’insécurité sur nos routes. Des problématiques parfois liées les unes aux autres.

On a, hier, comme tous les ans, eu droit à un discours du Premier ministre sur la violence faite aux femmes. La journée du 25 novembre est consacrée à son élimination. « Bourreaux, barbares » et autres superlatifs, selon le sempiternel refrain du « kas lerin », ont été utilisés pour essayer de masquer une insupportable réalité, celle de l’échec de la politique de la protection des femmes et, des enfants aussi d’ailleurs, contre toute forme de violence.

Au lieu de se présenter comme un Zorro et profiter de ce jour solennel pour jouer au matamore, celui qui est censé présider un comité national consacré à la violence domestique aurait dû entretenir son auditoire des résultats de sa politique et des mesures fortes et déterminées pour combattre ce fléau. Il n’en parle pas. Et la raison, il ne faut pas aller la chercher trop loin. Les chiffres sont désastreux. Le US Country Report de 2022 avait déjà souligné que, si la loi existe, elle n’est pas toujours appliquée dans toute sa rigueur. Durant le seul mois de mars 2023, quatre cas de femmes sauvagement éliminées étaient recensés. Soit un féminicide tous les huit jours.

Et alors que Pravind Jugnauth se pose comme un « rempart pour les victimes », le dernier féminicide enregistré, particulièrement sordide, s’est déroulé dans sa propre circonscription. Vilorsha Sooriah, 39 ans, une habitante de Camp la Serpe, Moka, a été tuée après avoir subi une maltraitance physique et psychologique depuis des années. Le chef du gouvernement n’est pas directement responsable s’il y a des hommes qui se conduisent comme de sales crapules, mais il doit s’interroger sur l’efficacité de sa politique et celle menée par sa ministre Kalpana Koonjoo-Shah.

Personne ne lui demande de réinventer la roue. Maurice pourrait s’inspirer de ce qui a été fait, par exemple, en Espagne, pays où les violences sur les femmes ont sensiblement diminué, avant de connaître un léger rebond. Très concerné depuis quelque temps par ce sujet, le leader de l’opposition avait adressé une Private Notice Question à la ministre Kalpana Koonjoo-Shah. C’est par ce biais que l’on a constaté que la situation, loin de s’améliorer, se détériore gravement et dangereusement. De 2021 à 2022, le nombre total d’agressions sur les femmes est passé de 1 434 à 4 420.

Même si c’est probablement vrai que la campagne de sensibilisation a eu un effet sur le nombre croissant de cas rapportés, le fait demeure que les chiffres restent élevés et que la triste vérité est qu’il y a encore beaucoup de femmes qui, pour des raisons de dépendance financière, d’emprise affective et psychologique ou du supposé désir de la « protection des enfants », n’osent pas dénoncer leurs conjoints, concubins ou petits copains violents.

Et lorsqu’on sait qu’il n’y a eu que 236 cas d’ordonnance de protection des femmes et aucun Occupation Order émis cette année 2023, il est évident qu’il faudra beaucoup plus que de la parlote annuelle et du bla-bla habituel. En commençant par une politique d’éducation des garçons dès le plus jeune âge et en se dotant de moyens pour faire reculer ce terrible drame humain qu’est le féminicide.

La tragédie qui a frappé la famille du petit Clarino Édouard, neuf ans, fauché par un motocycliste de 15 ans, revêt en lui-même de multiples échecs, ceux de la sécurité routière, de la lutte contre la consommation de stupéfiants et des dispositifs mis en place après un accident. La police rapporte que l’adolescent paraissait, au moment de son interpellation, assez confus et comme sous influence d’une substance illicite. Elle ne dit pas si le conducteur du scooter a été soumis à un drug test, le protocole qui, avec l’alcootest, est appliqué lors des contrôles routiers et, de manière invariable, suivant un accident de la route.

Le hasard a voulu que le SAMU n’ait pu venir rapidement secourir l’enfant, encore vivant, après l’accident, l’ambulance étant bloquée dans les embouteillages du Black Friday. Les fly-overs et autres projets coûteux ne semblent décidément d’aucun effet sur le problème de la congestion routière. C’est donc un véhicule de la police régulière qui a transporté le gamin à l’hôpital, lequel a, lui-même, provoqué un accident avec une femme et sa fille.

L’adolescent incriminé n’avait pas de permis, tout comme ce chauffard qui a littéralement écrasé un jeune policier avec son camion à Cascavelle mardi dernier. Comment tous ces fous de l’asphalte font pour passer au travers des filets de la police qui, apparemment, fait usage de la ruse et de voitures banalisées pour traquer ceux qui enfreignent le Code de la route ? Et on s’étonne que le nombre de morts ne cesse d’augmenter.

La drogue maintenant. Plus on additionne les saisies et leur valeur marchande à coups de milliards, plus la drogue se répand. Plus on tarde à prévenir la consommation de drogue, la synthétique surtout, qui est beaucoup trop facilement accessible aux plus jeunes, plus on court le risque de perdre une bonne partie de la génération actuelle des 14-30 ans.

Au-delà des déclarations de satisfecit et des termes creux utilisés pour essayer de se mettre en valeur, ce sont les actes et les résultats qui comptent. Et ils ne sont pas probants.

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