Défaut de protection

Le dernier cas aussi atroce que révoltant a de quoi interpeller. Parce qu’il souligne l’inefficacité des autorités face aux féminicides qui se multiplient dans le pays. Encore une fois, répétons-le, le gouvernement n’est en rien responsable de ce qui se passe dans l’intimité d’un couple mais, dès qu’il y a violence, les agences de la protection des citoyens et des citoyennes en danger ont une obligation d’agir, mais est-ce vraiment ce qui se passe au quotidien et dans la réalité crue et cruelle des femmes en détresse?
La question doit être systématiquement posée jusqu’à ce que les autorités daignent enfin se réveiller et qu’elles se mettent à protéger efficacement celles qui font face à des menaces de mort. Il y a eu d’autres cas où la police a tardé à agir et cela a coûté la vie à des femmes vulnérables et impuissantes sous les coups de leurs époux, conjoints, concubins ou ex-petits copains.
Le plus récent décrit parfaitement la manière dont la police agit et réagit lorsqu’il y a une plainte pour agression. Teena Roy Thupsy avait pris le soin, avant d’aller consciencieusement prendre son poste de receveuse d’autobus à Curepipe, d’alerter la police en ce lundi fatidique des menaces dont elle était victime.
Elle a raconté que son ancien compagnon avait foncé sa voiture sur elle et qu’il avait même essayé de lui déchirer ses vêtements. Deux faits qui ne sont pas déroulés dans la sphère privée-dont on peut d’ailleurs imaginer le degré de violence autant psychologique que physique qui s’y déroule-mais en public.
Lorsque qu’une femme se présente dans un commissariat pour se plaindre de menaces et de la violence, que fait la police? Elle fait comme avec les opposants politiques et les critiques du régime? Elle agit avec une célérité spectaculaire, débarque chez eux à 6 heures du matin, saccage littéralement leur domicile et les embarque, menottes aux poignets, pour les cuisiner, les terroriser, les déshabiller et les agresser sexuellement au taser?
Non, la police dort sur la plainte et elle prend des jours avant de lever le petit doigt. C’est ça la triste réalité des femmes qui ne peuvent pas échapper à leurs bourreaux parce que la police pense avoir mieux à faire.
Imaginons un seul instant si la police avait agi immédiatement, aussitôt la plainte enregistrée et qu’elle avait rendu une visite au concubin et le prévenir de sa prochaine comparution, si ce n’est son interpellation avec une obligation de rester éloigné de la plaignante.
Sans se faire des films, on aurait pu aller jusqu’au bout de cette réflexion et d’un scénario somme toute logique et rassurant et penser que le concubin violent aurait été pisté par la police et qu’elle aurait pu constater qu’il se dirigeait vers le lieu de travail de la plaignante et, peut-être, prévenir le drame survenu au beau milieu de ce lundi 5 décembre.
Et, derrière le défaut de protection des femmes exposées à la violence, il y a, en fait, un machisme ordinaire, une solidarité masculine et un conditionnement culturel et sexiste bien ancré qui considère qu’il est normal qu’un homme impose ses désirs et ses volontés. Et qu’une femme se doit d’être “soumise et obéissante”.
Ce genre de comportement n’a ni classe ni race. Nous sommes nombreux à avoir, un jour ou l’autre, croisé des femmes de notables, souvent grands donneurs de leçons, qui cachaient le traitement violent dont elles étaient les victimes silencieuses et expiatoires parce que cela nuirait à l’image du conjoint et à son statut dans la société et qui se complaisent dans leur vie factice de représentation dans ce qui est considéré comme la bonne société.
Ne pas dénoncer, subir en silence et faire bonne figure et se laisser happer par la “pipolisation” bon chic bon genre.
Ces cas-là sont bien plus nombreux que ce que l’on croit. Hélas! Il y a aussi ces femmes de milieux plus modestes totalement “dépendantes” financièrement qui n’ont ni le choix ni les moyens de se soustraire de l’emprise de leurs tortionnaires parce qu’elles ne pourraient ni payer un logement ni avoir de quoi subvenir aux besoins de leurs enfants.
Les manquements de la police sont connus depuis des lustres mais rien jusqu’ici pour y mettre un terme. Mêmes les policières, lorsqu’elles ont l’occasion de se confier, admettent qu’il y a un problème avec bon nombre de leurs collègues masculins et qu’il y a parmi eux qui maltraitent leurs femmes ou leurs petites amies. Il y a quelques jours, la presse faisait état d’une femme qui a porté plainte contre son époux policier au poste de police de Goodlands.
Il y a deux semaines c’est aussi un policier de 32 ans qui a asséné de plusieurs coups de couteau sa deuxième épouse avant de mettre le feu au véhicule dans lequel le crime a été commis. Et depuis, l’agent, probablement bien formé, a sorti des thèses les unes plus fantaisistes que les autres en venant, par exemple, prétendre que lui et sa compagne voulaient, en fait, se suicider.
Voilà le type de jeunes policiers que l’on retrouve en uniforme, des fabulateurs et des menteurs qui sont capables du pire. On peut imaginer ce qu’aurait été la réaction de ce policier criminel et pyromane si d’aventure une femme victime de violence conjugale était allée le voir pour consigner une déposition et rechercher la protection de la loi.
Il y a la légèreté avec laquelle les plaintes pour violence faites par les femmes sont considérées par la police mais même lorsqu’il lui arrive d’agir et qu’un ordre de protection est émis par les tribunaux, le suivi est souvent inexistant. C’est le cas de la femme carbonisée, tuée par son époux policier.
Voilà un secteur où il faudrait une vraie Striking Team pour mettre au pas ces bougres malades de jalousie et qui ont le coup de poing et le maniement du couteau faciles. On croyait avoir un texte de loi vraiment sérieux pour combattre les féminicides en cette fin 2022 vu l’urgence de la situation. Mais il faudra attendre le 28 mars. Il fait espérer que d’ici cette date il n’y ait pas de nouveaux crimes contre les femmes.

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