Dos à dos

Si la note finale pour les contribuables, Rs 5,6 milliards n’était pas aussi salée, nous aurions pu rire de la bataille rangée, presque littéralement, après l’épisode du panier de l’obole de la salle à manger de l’Assemblée nationale de jeudi, que se livre le MSM et le PTr.

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Or, pour ceux qui ne sont pas atteints d’Alzheimer, ce qui serait un alibi acceptable, ni d’amnésie sélective, une posture commode et malhonnête, il est extrêmement utile de se rapporter aux faits, lesquels, on va le voir, renvoient les protagonistes du dossier Betamax et d’autres d’ailleurs dos à dos.

Comme ils se ressemblent. C’était le titre de cette rubrique le 3 juin 2019, dans laquelle nous évoquions comment et MSM et PTr au pouvoir avaient les mêmes pratiques. Pour jeter les milliards par les fenêtres, il n’y a pas, dans l’histoire, leur pareil.

Le contrat Betamax est contesté depuis le début. Les PNQ’s de Paul Bérenger ne se comptent pas sur cette affaire depuis 2007, depuis que les bruits provenant de la STC indiquaient que le beau-frère du ministre Rajesh Jeetah qui, lui-même, avait été responsable de cet organisme public, allait mettre la main sur un contrat de transport pétrolier faramineux.

C’était l’époque du lait Amul et des universités marrons qui poussaient comme des champignons. Pas grand-chose de bien différent avec ce qui nous est en ce moment servi en terme de gestion des affaires publiques. Un peu plus, un peu moins, les bases restent tout à fait les mêmes. Et lorsque les intérêts se croisent et s’associent, cela devient encore plus édifiant.

Avant même ce fameux contrat à Betamax, il y avait eu pas mal de milliards jetés ici et là et pour lesquels le peuple a été mis à contribution sans ménagement. Il y avait ainsi eu la folie du hedging. A Air Mauritius, le montant de la décision mal avisée de 2008/2009 était de Rs 5,5 milliards. Rien que pour la firme spécialisée dans les tractations autour de ce type de contrat, Lazard and Co, la coquette somme de Rs 40 millions. Mais comme si cette transaction douteuse n’avait pas servi de leçon, il y a eu, en novembre 2014, un nouvel exercice de hedging qui a coûté Rs 1,6 milliard à la compagnie nationale d’aviation.

A la State Trading Corporation, le hedging sur la même période de 2008/2009 n’est pas moins faramineux : Rs 4,7 milliards. Et c’est sans trembler ni éprouver la moindre gêne que ce fardeau fut directement passé aux consommateurs.

Une première ponction de Rs 1.50 avait été faite sur le litre d’essence vendu à la pompe pour lever des fonds supplémentaires en vue d’éponger les coûts de ce hedging hasardeux. En juillet 2009, ce montant a été majoré à Rs 3. Toujours plus !

En 2009, après ces tristes épisodes-là et lorsque le contrat Betamax était dans sa phase conclusive, Pravind Jugnauth avait déjà brandi son drapeau travailliste à Quartier-Militaire. C’était le 1er mars, après qu’il eut été proclamé vainqueur de la partielle au No 8 avec le soutien du PTr. Lorsque le contrat en béton ou léonin, selon ses préférences langagières, est signé, le MSM est officiellement en alliance avec les rouges.

Ce qui explique qu’après les élections de 2010, Showkutally Soodhun est devenu le grand défenseur du contrat Betamax. N’a-t-il pas dit, en réponse à une PNQ du leader de l’opposition et du MMM d’alors, que « I don’t think there is any problem with the agreement ».

On ne sait pas s’il y a eu un genre de partage de dot ou d’échange de bons procédés lors de la concrétisation de l’alliance PTr/MSM, mais toujours est-il que c’est à la même époque que commencent les négociations pour que le ministère de la Santé achète la clinique d’un autre beau-frère, celui de Pravind Jugnauth et son fameux Medpoint.

En 2015, au retour d’une alliance pilotée par le MSM, il y a un grand ménage annoncé. Des décisions abruptes sont prises ici, la BAI, et là, Betamax. Comme si les parties lésées n’allaient pas chercher réparation. La BAI a déjà coûté Rs 21 milliards aux contribuables, voilà qu’ils devront aussi honorer les Rs 5,6 milliards de Betamax.

En termes de milliards gaspillés, il faut se demander si ces décisions, qui paraissent tellement incongrues et surréalistes, ne cachent pas des faits de corruption. A-t-on le droit de se montrer aussi inconséquent et frivole et considérer le mandat momentané confié par la population comme un chèque en blanc autorisant tous les excès sans, en plus, avoir à rendre des comptes.

C’est comme ça que ça marche depuis la parenthèse de 2000 à 2005. Entre les accords d’intérêt public gardés sous le sceau du secret, Jin Fei et Mangalore, pour les uns, et Agaléga et Safe City pour les autres, les milliards gaspillés et les faveurs octroyées à la famille et aux agents, c’est à un effet miroir que nous sommes confrontés.

Le MSM avait, devant le judiciaire, eu son pactole de Rs 43 millions en 2004 à titre de réparation pour rupture de contrat, le ministère de l’Education ayant déguerpi du Sun Trust avant la fin du contrat de location qui l’engageait. Les soutiens du PTr ont désormais un jackpot de Rs 5,6 milliards qui devrait facilement mobiliser et remplir plus d’un coffre. Ça promet, les prochaines échéances électorales.

Les plus vocaux vont gueuler pendant quelques jours sur les Rs 5,6 milliards à casquer, ils paieront leur Rs 2 supplémentaires sur le litre de carburant dans une semaine, mais, à la veille des élections, il suffira que l’héritier d’une des deux familles régnantes annonce un bribe, le transport gratuit pour tout le monde ou la pension à Rs 15 000 pour que l’électeur oublie tout et se laisse acheter en feignant d’ignorer qu’il aura, lui-même, à payer pour cette générosité.

Bientôt vingt ans de gouvernance dynastique marquée par le népotisme, la corruption et le recul de la démocratie. Cela fait de longues années que l’on est sorti du cercle vertueux pour entrer dans une interminable spirale bien glauque. A quand le vrai miracle ?

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