ENJEU — PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES : La problématique de la réouverture des frontières !

Le tourisme, misant sur un début de visibilité, devra se réconcilier
à un scénario optimiste de fin d’année

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Lakwizinn du PMO, comme l’âne du Biridan, ballottée entre les consignes de prudence sanitaire de l’OMS de ne pas baisser la garde contre la COVID-19 et l’urgence de la reprise des activités économiques

L’Economic Development Board avec le slogan Mauritius, Unique
Lifestyle, tâte le pouls de la filière TIC/BPO affectée par un «niveau élevé de volatilité des affaires»

Il y a six mois exactement, dans le sillage de la déclaration de la pandémie de coronavirus par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Maurice annonçait l’interruption de la desserte aérienne avec la Chine. Depuis, la stratégie d’isolement du territoire en vue de lutter contre la propagation du virus de COVID-19 fait qu’en fin de semaine, le ministère de la Santé annonçait zéro cas actif de COVID-19, avec 762 passagers venant de l’étranger en quarantaine. Mais dans la conjoncture, la question cruciale qui retient l’attention porte sur la reopening of borders strategy toujours en discussion à l’hôtel du gouvernement, de concert avec des stakeholders du secteur privé, principalement du tourisme. Les indications qui transpirent des différentes séances de travail laissent voir que les plus optimistes, qui avaient misé sur une réouverture des frontières au plus tôt le 1er septembre, devront reléguer au second plan leur calendrier des opérations. À ce stade, l’industrie du tourisme, qui aura déjà accumulé un manque à gagner d’au moins Rs 30 milliards sur des recettes potentielles d’un peu plus de Rs 60 milliards, devra se réconcilier au fait qu’il faudra repasser vers la fin de l’année au plus tôt pour une timide reprise du marché touristique. En parallèle, les institutions publiques, dont la Banque de Maurice ou encore l’Economic Development Board (EDB), sont engagées dans des exercices de COVID-19 Economic Firefighting pour éviter tout embrasement sur le front des affaires. En cours de semaine, la Banque centrale est intervenue à deux reprises sur le marché pour vendre des devises à des banques commerciales en vue de parer à toute pénurie. De son côté, l’EDB, qui a adopté comme slogan Mauritius, Unique Lifestyle, s’est mis au chevet de la filère TIC/BPO, un des secteurs les plus vulnérables avec la pandémie de coronavirus.

Dans le camp des opérateurs de l’hôtellerie, l’on semble se rechigner au fait que les recettes touristiques en devises étrangères ne seront pas encore générées au cours de ce troisième trimestre, voire même jusqu’à la fin de cette année. “À ce jour, les conditions externes pour une réouverture des frontières ne sont pas encore réunies et nous voyons mal le gouvernement mettre à risque le bilan de Maurice en tant que COVID-Free Island. D’ailleurs, le Premier ministre l’a concédé publiquement en affirmant que c’est une question complexe à résoudre”, reconnaît-on dans certains milieux au sein de l’industrie hôtelière, dont la préoccupation de l’heure demeure un début de visibilité pour initier sur le plan international la campagne de marketing full blown de la destination de Maurice pour au moins la première haute saison de 2021. Il y a encore la déclaration du ministre des Finances, Renganaden Padayachy, au sujet de la reconduction du Wage Assistance Scheme dans le secteur du tourisme jusqu’à la fin de l’année si le besoin se fait sentir.
Entre-temps, les principaux groupes hôteliers aussi bien que les autres opérateurs dans le secteur comptent se rabattre sur la clientèle locale comme stratégie alternative, avec des campagnes de promotion ciblées et surtout des pratiques de discount. Avec la réouverture du Canonnier du groupe Beachcomber, celle du Tamassa de Lux* Resorts, l’emblématique La Pirogue de Sun Resorts sur la côte ouest se jette à l’eau avec la formule 4Days, 4You, 4Get the Rest pour le prochain week-end de l’Assomption. Dans ces différents cas, le response est encore loin d’être froid.

De son côté, en dépit de la maladresse d’avoir cru nécessaire d’opérer en catimini, soit sans aucune annonce préalable, Voilà Bagatelle a innové avec le Segment 2 de la classification post-COVID-19 agréée entre l’Association des Hôtels et Restaurants de l’Île Maurice et les autorités. Cet établissement hôtelier, opérant à côté du Bagatelle Shopping Mall, s’est transformé en centre de quarantaine accueillant des étrangers débarquant à Maurice pour les besoins d’affaires et cela pour probablement les trois prochains mois. La direction de l’hôtel soutient qu’en étroite collaboration avec le ministère de la Sané, le protocolaire sanitaire est suivi à la lettre et cela sans aucune dérogation.
Ces dernières tendances en termes d’opération dans l’hôtellerie devraient gagner du terrain et en intensité compte tenu de l’incertitude sur une éventuelle réouverture prochaine des frontières. Au sein du National COVID-19 Committee, présidé par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, ceux qui font de la résistance à un retour rapide à la normale au Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport s’appuient sur les dernières directives de prudence émanant du bureau régional (Afrique) de l’OMS. Vu que l’Afrique est sur le point de franchir le cap d’un million de cas positifs de COVID-19, la WHO Regional Director pour l’Afrique, Matshidiso Moeti, a mis en garde en fin de semaine contre toute précipitation en vue de baisser la garde en matière de protection sanitaire et de gestes barrières. “We are concerned that … we will see an increase in cases as we have seen in other countries where restrictions have been eased too soon”, devait-elle faire comprendre.

Risques sanitaires
D’autre part, les stratégies de marketing de l’industrie du tourisme, que ce soit du côté de la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA) ou des groupes hôteliers, devront être ajustées à la lumière des derniers développements sur le plan économique à l’international. L’Agence France Presse, commentant les derniers chiffres de croissance, si ce  n’est de décroissance sur les principaux marchés touristiques de Maurice, note que “les statistiques mondiales, plombées par les restrictions et mesures de confinement dans de nombreux pays, donnent le tournis. La zone euro a enregistré au deuxième trimestre un plongeon historique de 12,1% de son PIB. En France, la chute du 2e trimestre est de 13,8%, en Espagne de 18,5%, en Allemagne, moteur économique de l’Europe, de 10,14%.” Un chapelet époustouflant et un scénario relevant du jamais-vu en matière économique.
À cette morosité structurelle des économies en Europe, la situation sanitaire liée à la propagation de la COVID-19 dans des pays voisins n’encourage nullement la mise en place d’un tremplin régional pour la relance du tourisme à Maurice. “Le marché indien représente un apport non-négigeable pour le tourisme. Mais avec la progression du virus de COVID-19 dans la Grande Péninsule, il est difficilement envisageable de voir un retour de cette clientèle touristique dans l’immédiat. En Afrique du Sud, la situation n’est guère brillante, ce pays représentant à lui seul environ la moitié du total des cas sur le continent. La Réunion et Madagascar constituent encore des risques sanitaires”, confie-t-on dans le camp de ceux qui se posent des questions sur la nécessité de procéder à un re-engineering ou encore un rethinking de ce pilier de l’économie.

Dans l’immédiat, les Majors de l’industrie du tourisme, secteur économique dont l’endettement envers les banques commerciales se monte à la fin de juin à Rs 42 milliards, dont Rs 25 milliards en devises étrangères, sont accrochés aux basques de la Mauritius Investment Corporation. Aux dires du gouverneur de la Banque centrale, Harvesh Seegoolam, le mandat déclaré de cette filiale de la Banque de Maurice est de “support and accelerate economic development and build a value base for the current and future generations of our country”.

Depuis ces trois dernières semaines, les premiers décaissements sont annoncés en faveur des opérateurs dans le tourisme. Toutefois, les tractations sur les fine prints des accords à être signés avec à la clé des Non-Disclosure Agreements entre les parties concernées seraient encore loin d’être conclues malgré une succession de séances de travail à la BoM Tower. La récente annonce officielle du conseil d’administration du groupe Beachcomber visant à annuler le paiement du divident déclaré s’inscrirait dans cette logique, car le non-paiement de dividendes aux actionnaires ferait partie des conditionalities imposées par la Mauritius Investment Corporation.
Du côté du ministère des Finances, tout en évitant d’empiéter sur le territoire d’intervention de la Banque de Maurice et de la filiale de MIC Ltd, l’on se dit confiant que les distressed operators du tourisme vont bénéficier très bientôt de ce ballon d’oxygène susceptible d’atténuer les risques de Non Performing Loans (NPL) dans le secteur bancaire. Cette étape devra également réduire la pression au niveau de l’emploi dans le tourisme. À ce jour, la menace de licenciements et la politique de reduced pay for reduced hours of work sont encore de rigueur dans ce secteur.

Néanmoins, le tourisme n’est pas le seul secteur à subir de plein fouet les séquelles de la COVID-19. La dernière édition de la newsletter de l’Economic Development Board, sur la base d’un survey de 84 entreprises dans l’industrie des TIC/BPO, souligne que “bien que les acteurs des TIC restent relativement résistants dans le contexte de la crise, le niveau élevé de volatilité des affaires est largement déploré”.  Ainsi, plus de 70% des sociétés indiquent avoir subi un impact de niveau faible à moyen sur leurs activités et 17% enregistrant une réduction de leurs revenus et bénéfices dans la fourchette de 10 à 25%.

Pertes d’emplois
“Toutefois, 13% de ces sociétés ont été durement touchées. Elles affirment s’être retrouvées dans l’obligation de fermer définitivement leurs portes et cette situation a engendré des pertes d’emplois”, poursuit l’EDB, qui ajoute que 30% des entreprises connaissent actuellement un ralentissement de leurs activités, 22% n’ont pu renouer de contacts avec leurs clients potentiels et 15% dans l’incapacité d’honorer leurs obligations contractuelles.

Par conséquent, les effets de ces tendances se traduisent sur le niveau d’emplois dans ce secteur des services. “55% reported a stable situation with no lay-off plans and 20% are envisaging laying off less than 20 people. Companies have also initiated several short – medium term cost control measures with 29% halting their current and future hiring plans. 23% do not anticipate any adjustments in their workforce policies and management”, fait comprendre l’Economic Development Board, qui conclut que “with the rapid erosion of the cost arbitrage advantage, it is time to seriously examine the value proposition. On this front, EDB is working closely with the government and industry stakeholders to ensure that the competitive edge of the country is maintained and enhanced.”

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