Entre contrôle et musellement

Le ministre de la Santé n’arrête pas d’affirmer que la situation sanitaire est sous contrôle. Et qu’il dispose des ressources humaines et des équipements et produits médicaux nécessaires. Mais au fur et à mesure que le temps passe, les faits et les chiffres – les vrais, pas ceux qu’il débite à longueur d’intervention – viennent démontrer le contraire. Une lettre fuitée dans la presse et sur les réseaux sociaux, en fin de semaine, vient de révéler à quel point le ministre de la Santé ne maîtrise pas la situation. Adressée à l’ambassadrice de France, cette lettre du chef de cabinet du ministre de la Santé est un SOS qui commence ainsi « Notre pays a besoin en urgence d’oxygène. » La chef de Cabinet demande à la représentante de la France à Port-Louis de faciliter des importations d’oxygène de La Réunion, des importations « vitales pour notre peuple. » Dans la foulée, le chef de cabinet du ministre, qui affirme contrôler la situation sanitaire, demande si « un prêt de dix respirateurs avec compresseurs, le temps de faire face à la situation actuelle » est possible. Par ailleurs, cette fonctionnaire mauricienne confirme une demande pour « la venue d’un réanimateur senior et d’une infirmière senior de réanimation » pour soutenir l’équipe de l‘hôpital ENT « en charge de patients ayant besoin de soins intensifs, partager les protocoles et dispenser une formation théorique. » C’est maintenant, alors que le nombre de malades graves se multiplie à l’ENT et dans les autres hôpitaux, que le ministère de la Santé entreprend des démarches pour trouver des équipements et des formateurs en emprunt !

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Le premier paragraphe du SOS fait état d’un « besoin en urgence d’oxygène » à Maurice. Il faut savoir que, depuis des années, deux entreprises mauriciennes fabriquent et fournissent les hôpitaux du gouvernement et les cliniques privées en oxygène. En 2015, la donne change avec l’arrivée d’un troisième acteur. Il s’agit d’un ancien ministre dont la spécialité est de changer de champ politique et de récupérer les veilles ferrailles. Le nouveau venu, bien introduit politiquement, rafle tous les contrats. Bien avant le covid 19, la règle selon laquelle les petits copains et les grands coquins proches du pouvoir doivent obtenir les contrats, même s’ils n’ont aucune expérience ou compétence professionnelle nécessaires, est mise en pratique. Il y a deux ans, fatigués de voir leur nouveau concurrent remporter tous les contrats, les deux premières entreprises contestent le dernier contrat attribué au ferrailleur et obtiennent gain de cause. Mais en dépit de ce fait, aucun nouvel appel d’offre n’est lancé pour la fourniture d’oxygène aux hôpitaux. Selon les mauvaises langues bien informées, le fournisseur débouté aurait continué à livrer son oxygène aux hôpitaux comme si de rien n’était. Avec, semble t-il, la bénédiction du ministère de la Santé. Comme si une décision d’un tribunal n’avait aucune importance. Et puis survient le covid 19 qui provoque une augmentation de la demande pour l’oxygène. Les deux entreprises se mettent à la disposition du ministère pour aider, mais ne reçoivent aucune réponse. Il y a deux semaines, avec l’augmentation de cas et « des besoins de soins intensifs et de réanimation », les deux entreprises envoient une lettre au ministère pour, une fois encore, proposer leurs services en soulignant que la fabrication de l’oxygène nécessite une certain délai. Il semble que le ministère n’ait pas retenu leur proposition d’aide puisque le chef de cabinet a écrit à l’ambassadrice de France que Maurice « a besoin en urgence d’oxygène. » Encore une preuve que, comme l’a souvent répété le ministre, repris en chœur par ses collègues et le Premier ministre, que « la situation sanitaire est sous contrôle à Maurice. »
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Pendant que Maurice se retrouve en situation d’urgence sanitaire, le gouvernement continue à faire voter des textes de lois pour essayer de faire taire les critiques à son encontre. C’est le cas des amendements au Cybersecurity and Cyber Crime Bill et à l’Independa nt Braoadcasting Authority Bill débattus cette semaine au Parlement. Dans le premier cas, il s’agit de renforcer les mesures de contrôle – et d’intimidation – sur les internautes critiques du gouvernement, comme cela avait été tenté avec les « propositions » de l’ICTA, il y a quelques mois. Dans le deuxième, il s’agit d’une tentative d’intimider Top FM et de le faire rentrer dans les rangs pour faire, comme la MBC, le modèle de la radio pour le gouvernement. C’est ainsi que le gouvernement pratique la démocratie : en essayant de la museler !

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