Et c’est reparti !

Pas de répit en ce début d’année. Aucune trêve pour les pratiques mafieuses. C’est même exactement l’opposé. L’affaire Dip vient confirmer que les protections occultes, politiques, policières et quasi-judiciaires n’ont rien à envier aux feuilletons à rebondissements comme  Le Parrain ou celui qui met en exergue les agissements de la Gomorra napolitaine.

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Il y a eu des décisions de la commission de pourvoi en grâce qui n’ont jamais été comprises par le grand public parce qu’elles heurtent, dans l’imaginaire populaire, ce qui constitue la justice la plus naturelle  et l’équité la plus élémentaire.

Les remises de peine, sous l’ancienne Présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim et sous la présidence de la commission de pourvoi en grâce de Sir Victor Glover, en 2017, de Peroumal Veeren, condamné à une lourde peine pour trafic de drogue, avaient fait beaucoup de bruit et surtout choqué l’opinion publique au moment même où la commission d’enquête sur la drogue confirmait le réseau bien organisé du condamné.

Il y a aussi l’affaire Ravin Bappoo condamné à 40 ans de prison pour avoir sauvagement et mortellement agressé son épouse à coups de sabre. L’auteur de cet acte de barbarie avait vu sa peine commuée en 2017 de 15 ans par la commission. Une indulgence qui défiait logique, bon sens et humanité.

Le cas de Christopher Perrine, pour lequel avait ardemment plaidé le cardinal Piat, avait aussi hérissé la population. Il s’agissait d’un multi-récidiviste condamné en 2009 à 18 ans de prison pour le viol d’une touriste handicapée. Et alors qu’il ne devait retrouver la liberté qu’en 2027, il obtint une remise de peine de la commission de pourvoi en grâce toujours présidé par Sir Victor Glover.

Il put ainsi sortir de prison le 18 mai 2018 pour commettre, cinq mois plus tard, le 12 octobre, un vol avec violence au domicile de la Deputy Commissioner of Prisons, Guneeta Aubeeluck. Devant la gravité de la situation, le MMM et le Muvman Liberasion Fam ont réclamé la démission de Sir Victor Glover.

La dernière affaire qui fait débat a au moins le mérite de mettre en lumière cette commission de pourvoi en grâce et la vacuité établie de la fonction présidentielle lorsqu’elle est occupée par des nominés politiques à l’échine inexistante. L’ancien Chef Juge Kheshoe Parsad Matadeen succéda  à Sir Victor Glover à la présidence de la commission en 2020 avec un contrat renouvelé pour deux ans jusqu’en 2024.

Ce juge jadis respecté avait déjà suscité quelques interrogations lorsqu’il avait, en 2016, présidé au procès en appel de Pravind Jugnauth dans l’affaire Medpoint et que lui et son confrère d’alors, le juge Ashraf Caunhye avaient donné une interprétation plutôt conservatrice du conflit d’intérêt et qu’ils avaient renversé la décision de la Cour intermédiaire de condamner le leader du MSM à 12 mois de prison.

D’autres personnes n’ayant aucune maîtrise ni de la loi, ni des droits de l’homme et encore moins de l’univers carcéral complètent cette obscure commission qui n’a de comptes à rendre à personne. Il y a l’avocate Shadmeenee Mootien, une nominée politique qui siège déjà à l’Electoral Supervisory Commission, et une autre activiste de la circonscription de Pravind Jugnauth, Geeantee Toory. C’est cet aréopage hétéroclite et “politically motivated et biaised” qui décide du sort des condamnés et de leur liberté. Il y a de quoi frémir.

Ce genre de situation qu’autorisent nos textes dépassés n’a plus sa raison d’être. Le choix des membres de la commission de pourvoi en grâce devrait être le fait d’un conseil trans-partisan pour que ce soient de vrais connaisseurs qui soient appelés à y siéger.

La décision de la commission autant que celle du Président de la République doivent être rendues publiques et expliquées. On ne décide pas d’une privation de liberté ou de son allègement sur un coup de piston ou à partir d’un caprice.

Entre prisonniers non-méritants mais bénéficiant d’une clémence injustifiée et les politiques qui font jouer de leur proximité avec les autorités ou avec des hommes de loi influents, il y a une seule réaction : exaspération et dégoût chez le citoyen honnête qui constate avec effroi et dépit qu’un voleur de litchis chez un commissaire de police peut être arrêté, traduit le même jour devant les tribunaux et condamné à 6 mois de prison.

Ce type de petits délinquants n’a ni connexion, ni argent pour obtenir le pardon des institutions censées faire respecter la justice dans le sens le plus large du terme. Un vol de litchis n’est pas comparable à un viol, à un trafic de drogue ou à un détournement de fonds. Et pourtant, certains arrivent à s’en sortir.

Comme le fils du Commissaire de police. Qu’il soit resté en poste, lui, censé être le grand garant de l’ordre et du respect de la loi, alors que son fils est condamné en appel pour détournement, était déjà assez singulier et inhabituel, mais que fiston soit gracié dans les circonstances que l’on sait est tout simplement scandaleux.

Il n’est pas étonnant que cette affaire soulève d’innombrables interrogations sur la demande de clémence faite, la date à laquelle elle a été examinée, qu’elle a fait l’objet d’une recommandation et celle à laquelle le président Pradeep Roopun l’a avalisée. Tout semble avoir été exécuté à un rythme de TGV. Il y a comme un timing savamment choisi, la période de fête de fin d’année ayant été jugée propice pour procéder à la manœuvre infâme.

L’affaire Dip ressemble aussi à un retour d’ascenseur à un commissaire de police qui a la main très lourde et paralysée lorsqu’il s’agit de rechercher les assassins de Soopramanien Kistnen et les auteurs, des mignons du pouvoir, d’autres délits et qui a, au contraire, la gâchette facile, le taser blessant ou les produits hallucinants à planter expéditifs lorsqu’il s’agit de personnes de l’opposition où celles qui lui sont réputées proches. C’est, en tout cas, une nouvelle illustration du règne de la mafia.

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