Gavin Glover : « Nous sommes allés jusqu’au bout de ce qui était possible pour sauver cette saison »

« Nous devons être prêts à relever le défi s’il se présente »

« Navin Ramgoolam qui dit-il sait que ‘deux siècles d’histoire est un facteur important pour l’identité de notre pays »

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En prenant l’initiative d’aller rencontrer le Premier ministre, Pravind Kumar Jugnauth le 11 janvier dernier, Gavin Glover, président du Mauritius Turf Club savait qu’il jouer sa dernière carte. Même si le Premier ministre ne lui avait rien promis, il voulait lui donner le bénéfice du doute, espérant un déblocage dans le bon sens pour la MTC Sports and Leisure Limited.

Mais, Gavin Glover a eu tort de croire en un revirement de situation. Déçu, il l’est comme il l’est pour tout ce qui s’est passé depuis le début de l’année avec la COIREC et tout dernièrement avec le People’s Turf PLC. Pour les autorités, il s’agissait d’humilier le MTC/MTCSL et les propos de Dev Beekharry mercredi à la télévision sont venus confirmer ce stratagème, déclare Gavin Glover dans l’entretien qu’il nous a accordé pour s’expliquer aux turfistes. Il a qualifié de ‘du grand n’importe quoi’, le Non Disclosure Agreement que voulait imposer PTP à la MTCSL avant de soumettre le ‘Cost Sharing Agreement’.

En contrepartie, Gavin Glover a noté avec une certaine satisfaction la réaction du Dr Navin Ramgoolam qui dit-il sait que ‘deux siècles d’histoire est un facteur important pour l’identité de notre pays’. Il revient dans cette interview sur les conditions «inacceptables, ridicules et financièrement impossibles à soutenir »qui étaient imposées au club vieux de 210 ans tant dans le cost sharing agreement de PTP que dans le bail de la COIREC. S’il affirme que les membres du club ont été « au bout de tout ce qui possible pour sauver cette saison », il ajoute qu’ils ne vont baisser les bras et que si la possibilité que le MTC réorganisera les courses se présente dans un proche avenir, « nous devons être prêts à relever le défi. »

Gavin Glover, après le vote des membres du MTC pour que la MTCSL n’organise plus les courses, vous avez rencontré les employés mardi, et jeudi il y a eu une réunion avec le ministère du Travail. Où en sommes-nous à l’heure où nous parlons ?
L’assemblée générale extraordinaire du MTC a voté pour que le MTC arrête de jeter de l’argent par la fenêtre et, donc, pour que la MTCSL cesse d’organiser les courses pour la saison 2023, et ce, au vu des conditions inacceptables, ridicules et financièrement impossibles à soutenir, qui étaient imposées tant dans le cost sharing agreement de PTP que dans le bail de la COIREC. La MTCSL aurait engrangé des pertes de plus de Rs 100 millions pour cet exercice si nous allions de l’avant. Légalement, ce n’était plus possible de continuer pour la MTCSL. Je dois ici remercier le board de la MTCSL, plus particulièrement Anne Sophie Julienne, qui s’est dévouée corps et âme ces derniers mois.

Dans votre exposé aux employés, vous avez été clair, net et précis. Certains disent que vous êtes allez trop loin et un peu trop fort, d’autres déclarent que vous êtes allé droit au but. Avec le recul, qu’en pensez-vous ?
Pourquoi ne pas appeler un chat un chat ? Il fallait que les employés comprennent que le fautif n’est certainement pas le MTC-MTCSL. Qui plus est, cette décision, nous ne l’avons pas prise de gaieté de cœur. Nous sommes allés jusqu’au bout de ce qui était possible pour sauver cette saison. Je le redis, légalement aussi, ce n’était pas possible, quoi qu’en disent nos détracteurs, dont la démagogie n’a d’égal que leur haine viscérale pour ce que représente le MTC et ses membres.

Après réflexion, pensez-vous que le MTC-MTCSL aurait dû arrêter ses opérations bien avant, comme l’avait préconisé l’ex-président Jean-Michel Giraud, ou devait-il continuer, et pour quelles raisons ?
Non. L’année dernière, si nous avions fait cavalier seul, nous aurions était plus performant financièrement et nous aurions pu tenir la gageure. Cela nous aurait permis de continuer, encore une fois, seul cette année encore. Nous avons besoin d’un minimum de 35 journées pour être au-devant de nos affaires. Avec 20 journées, c’est extrêmement difficile, voire impossible. Avec 18 journées seulement, c’est la catastrophe assurée. Cette année, nous pouvons expliquer le pourquoi de notre décision, l’année dernière, cela n’était pas possible avant que l’entrée en opération du deuxième opérateur ne devienne une réalité. En avril 2022, mon conseil au MTC a été « live to fight another day ». Mais bon, c’est le passé.

Pensiez-vous pouvoir réellement « sauver » le MTC-MTCSL en vous présentant comme candidat lors des dernières élections et en prenant la présidence du MTC peu après ?
Pardonnez mon impertinence, mais la question aurait dû être formulée autrement. Pourquoi tenter le pari ? Je vais vous le dire : je suis quasiment né ici. À 7-8 ans, j’étais un inconditionnel du crack de l’écurie Ythier, Sharp Pip. Le jour qu’il fut battu pour la première fois, j’ai pleuré et je fus consolé par feu Robert Rey. Voilà d’où vient ma passion. Je me suis jeté dans la bataille pour aider à sauver les courses et notre patrimoine, et pas pour devenir un héros. L’histoire du MTC est liée à celle de notre pays, n’en déplaise à quelques esprits chagrins. En 2011, alors président, j’avais proposé d’ériger une stèle à la place où le drapeau national avait était hissé pour la première fois le 12 mars 1968. Navin Ramgoolam, alors Premier ministre, était d’accord. Feu Marc Daruty avait bénévolement conçu l’œuvre et feu Armand Maudave avait rédigé le texte. Voilà mon engagement, il ne se résume pas à 2022, 2023 ou 2024.

À quoi vous vous attendiez lorsque vous êtes parti rencontrer Pravind Jugnauth à son bureau ?
Il fallait que je lui fasse part des difficultés et pour que l’on ne me dise pas, des mois plus tard, que j’aurais dû aller le voir. Ayant fait ce move, personne n’est en mesure de me montrer du doigt et dire que j’ai été trop orgueilleux et que j’aurais dû aller le rencontrer. Je le répète : j’ai tout fait, j’ai tout tenté.

Quel était votre état d’âme lorsque vous êtes sorti de son bureau ?
Le Premier ministre a été peu loquace, mais je ne divulguerai pas le contenu de notre conversation. Il n’a fait aucune promesse, mais a dit qu’il allait voir le pourquoi du comment avec la COIREC. Donc, mi-figue mi-raisin, rien de concret.

Nous savons tous qu’il ne vous avait rien promis ni avait-il pris des engagements, mais au fond, vous vous attendiez qu’il laisse un peu de lest au MTC, n’est-ce pas ?
Oui, car je lui ai dit clairement que je voyais que nous allions dans le mur et que le board de la MTCSL, une compagnie publique, avait des obligations légales et que sans le fameux Horse Racing Organiser License, c’en était fait de la MTCSL. Je l’ai prévenu que tous les stakeholders et même les caisses du gouvernement souffriraient. Les plus pénalisés seraient les employés. Alalila, pas dir pa’nn dir !

Et votre réaction par rapport à cette passivité ?
Beaucoup de membres l’ont dit pendant l’assemblée générale : « the writings were on the wall ». C’est vrai, mais je me suis dit : donnons le bénéfice du doute à celui qui a accepté de me recevoir et voyons ce qui se passe. Les faits démontrent que j’ai eu tort de croire à un revirement, à mon grand désespoir d’ailleurs.

Certains pensent que la MTCSL a fauté en ne demandant pas le renouvellement de son bail dans le délai. C’est un avis que vous ne partagez pas, n’est-ce pas ?
Je ne rate pas une occasion pour démontrer que de prétendre que nous avons fauté est une aberration. Nonobstant la clause qui stipulait que la demande de renouvellement du bail se fasse trois mois avant l’expiration du bail 2022. Cette demande ne nous garantissait rien, car la COIREC se réservait le droit absolu de nous le refuser quand même que nous aurions fait la demande dans les délais. D’ailleurs, force est de constater que la COIREC nous a finalement proposé un bail, mais assujetti d’une condition inacceptable, celle que nous nous plions aux demandes de People’s Turf PLC dans le cost sharing agreement. Il ne faut pas être un puits de science pour percevoir le machiavélisme derrière tout ça.

Comment réagissez-vous au fait que la COIREC a donné l’exclusivité de l’entretien du Champ de Mars à People’s Turf ?
Le gouvernement a décidé de donner le Champ de Mars à PTP. La COIREC est une émanation du gouvernement et ses directeurs, des public officers nommés par le gouvernement du jour, avec les avantages, mais aussi avec les obligations légales qui vont avec. Nous verrons bien ce qui se passera dans le futur.

Certains voient une sorte d’humiliation que de demander à la MTCSL d’aller négocier le cost sharing agreement avec PTP. Qu’en pensez-vous ?
C’est ce que nous avons ressenti. Nous tous, membres du MTC et tous les turfistes avisés, incluant la plupart des stakeholders, même ceux qui font les yeux doux à PTP, ont compris le stratagème. Humilier le MTC et la MTCSL. D’ailleurs, les propos de M. Dev Beekary à la télévision la semaine dernière étaient on ne peut plus clairs. Si les Mauriciens acceptent ce genre de langage de la part d’un représentant du Premier ministre, notre pays est très mal barré. Je m’attendais que le PM rectifie le tir, mais il ne l’a pas fait… dommage.

Avant de vous soumettre ce cost sharing agreement, PTP vous avait demandé de signer un Non Disclosure Agreement. Pourquoi cette condition pour le moins surprenante ?
Oui, du grand n’importe quoi ! Alors qu’une de nos lettres à PTP s’est retrouvée dans le domaine public, avec des commentaires des plus désagréables et vitrioliques, PTP nous demande de garder le cost sharing agreement secret ! Nous avons fort justement refusé cette demande pour des raisons plus qu’évidentes. Et quand nous avons finalement reçu le cost sharing agreement, nous avons compris pourquoi PTP voulait tout garder secret.

PTP vous a également fait attendre dans pas mal de cas. Est-ce que vous pensez que c’était délibéré et, si oui, pourquoi ?
Oui, et c’est comme dans tout ce qu’on demande. Le but est d’effacer le MTC du paysage hippique et de le remplacer par les visages de PTP. D’ailleurs, jeudi dernier, le représentant du PMO est venu à la MBC pour expliquer que nous sommes les seuls fautifs ; et cela ne s’arrêtera pas là. Mais 210 ans d’histoire ne s’effacent pas le temps de deux mandats gouvernementaux. Make no mistake, we will fight every inch of the way.
Est-ce que vous avez regardé l’interview de Dev Beekharry à la télévision mercredi soir ?
Je ne voudrais pas m’étendre sur la propagande politique de M. Beekharry. Je le laisse à ses propos. Les Mauriciens ont déjà décidé en qui ils ont confiance, et ce n’est certainement pas M. Beekharry.

Les autorités ont-elles essayé de prendre contact avec vous après la décision de la MTCSL de mettre la clé sous le paillasson ?
Non. Il ne faut pas rêver. Mais nous étions convoqués jeudi dernier par le ministère du Travail et le ministre nous a demandé de le rencontrer. Nous l’avons fait et il a pris la mesure des conséquences de la politique gouvernementale à l’égard du MTC-MTCSL, plus particulièrement nos employés.

Vous avez dit que le MTC n’est pas mort. Que voulez-vous dire par là ? Quels sont les départements qui resteront opérationnels ?
Oui, nous resterons en vie tant que nous le pourrons et nous ne fermons pas la porte à un changement radical qui nous permettra de reprendre le flambeau. Deux organisateurs au Champ de Mars, c’est une ineptie. Ne pas rester au Champ de Mars aussi est pour moi un no-brainer, mais c’est mon opinion personnelle et elle n’engage personne d’autre. Nous devons bouger et recommencer ailleurs. Ça, je l’ai dit à Pravind Jugnauth. J’avais commencé ce projet avec mon board en 2011, et le support de Michel Nairac, et nous avions jeté les jalons pour un nouveau centre équestre. The rest is history…

Navin Ramgoolam a dit qu’il rendrait à César ce qui appartient à César s’il revenait au pouvoir. Votre réaction ?
Il est réconfortant que Navin Ramgoolam, qui est un membre du MTC depuis des années, réagisse positivement. Lui au moins il comprend que deux siècles d’histoire à Maurice, c’est important pour notre identité nationale. En contrepartie, certains jouent un jeu malsain en attaquant le MTC sur une base communale, et cela ne peut que nuire à notre cohésion sociale. Ceux-là doivent être sanctionnés par tous les Mauriciens.

Vous croyez sincèrement que le MTC réorganisera les courses dans un proche avenir ? Si oui, sur quoi vous vous basez pour le dire ?
Nous ne pouvons baisser les bras. Nous devons être prêts à relever le défi s’il se présente. PTP, une compagnie publique, a réinvesti récemment plus de Rs 40 M après son investissement initial de Rs 52 M l’année dernière. Allons voir comment il se débrouille cette année. À ce jour, par exemple, une semaine avant la première journée, personne ne sait quels seront les stakesmoney que PTP proposera cette saison maintenant qu’il n’y a pas de compétition. Et puis, nous verrons aussi leur audited accounts pour comprendre comment les choses se passent. Il y a tellement d’impondérables…

 

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