Kisannla pou peye ?

Qui va payer pour tout cela ?

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Question lancinante, et potentiellement explosive, qui parcourt toute notre actualité.

Vendredi, les supermarchés ont connu une affluence style « panique Covid » du début, avec une ruée vers l’huile comestible, au milieu des rumeurs de pénurie à venir. Essence, poulet, riz basmati, produits surgelés, pain : tout augmente et dans des proportions que l’invasion de l’Ukraine par la Russie risque encore de décupler sur un temps qui pourrait être long.

Dans ce contexte, la publication ce mercredi 16 mars du rapport du Public Accounts Committee (PAC), tombe comme un mécontentement additionnel. Cette émanation parlementaire se montre en effet très critique envers les ministères de la Santé et du Commerce, sur la question de l’allocation de contrats depuis le Covid. Son président, le député Reza Uteem, déclare ainsi avoir décelé plusieurs « manquements » dans la manière de fonctionner de certains fonctionnaires.

On peut comprendre qu’il y ait eu urgence face à la pandémie. Mais urgence ne devrait pas équivaloir à copinage et gabegie. Ce qui a manifestement été le cas. Avec, faut-il le rappeler, l’argent public. Pas l’argent du gouvernement, mais l’argent des taxes versées par ces milliers de Mauriciennes et de Mauriciens qui travaillent chaque mois très dur pour toucher un salaire.

Le problème, c’est que comme les innombrables cas de gaspillage et de mal-fonctionnement relevés années après année par le rapport de l’Audit, il n’y aura aucune suite à tout cela. Son président, nous dit-on, a lancé « un appel au gouvernement afin que le rapport soit débattu à l’Assemblée nationale ». A quoi sert donc cette institution, parlementaire rappelons-le, qui elle aussi coûte de l’argent au contribuable, si discuter de son rapport au Parlement dépend du bon (ou du mauvais) vouloir d’un Premier ministre ? A quoi bon gaspiller de l’argent public pour faire un rapport sur le gaspillage de fonds publics qui ne sera suivi d’aucune suite, voire qui ne sera même pas discuté ?

Jusqu’où ira le règne de l’impunité jusqu’à ce que cela explose ?

Parce que si cela peut plus ou moins passer dans l’opinion publique lorsque tout va bien et que les finances sont relativement florissantes, il est bien évident que les circonstances et les restrictions économiques grandissantes que nous vivons depuis le Covid vont vite rendre cela insoutenable.

On arrête, condamne et emprisonne ceux qui commettent un vol dans une maison, dans un magasin, dans une entreprise. Comment se fait-il que l’on considère que rien, strictement rien, ne pourra arriver à ceux qui volent un pays et tous ses citoyens ? Au pire, juste une petite retraite anticipée, avec full priviledge…

Ti dimounn touzour ki peye, disent certains avec une sorte de fatalisme.

Il est clair, de plus en plus, que ce sont ceux en situation déjà défavorable qui vont davantage payer pour tous nos malfonctionnements. Les inondations de cette semaine à Vallée des Prêtres notamment le montrent bien. Il suffit qu’en aval, quelqu’un n’hésite pas, pour construire sa belle maison, à fragiliser la berge d’une rivière, pour qu’en aval tout un quartier se retrouve sous les eaux après une demi-heure de fortes pluies.

Qui va payer pour cela ?

Qui va indemniser ces familles qui ont perdu tous leurs effets durement acquis dans des maisons envahies par l’eau boueuse ; ces personnes âgées et malades traumatisées d’avoir dû être évacuées en catastrophe grâce à la générosité de leurs voisins ; ces personnes dont les voitures, instruments de travail, ont été emportées sous leurs yeux ? Com

Le problème, c’est que non seulement il n’y aura pas de sanctions, mais en plus nous continuons allègrement à faire exactement ce que nous ne sommes plus censés faire.

Plus censés parce qu’avec le réchauffement de la planète, il est évident que l’intensité des phénomènes climatologiques va aller en s’accroissant. Et que non seulement nous devrions muscler nos lois d’urbanisme, mais en plus nous donner les moyens de faire qu’elles soient respectées.

Mais on en est clairement très loin. Alors même qu’il est clair que ces menaces ne vont pas frapper tout le monde de la même façon.

Il n’y a pas uniquement le fait que l’on continue à bétonner à tout va, de façon totalement déraisonnée. Il y a aussi le fait que nous sommes en train d’adopter une stratégie de « développement » qui va de plus en plus repousser les plus faibles économiquement vers des zones plus à risque.

Dans un article en date du 17 mars 2022, le magazine magazine mensuel international Vice.com de Montréal publie un article éclairant intitulé « The Rich and Famous Took Over Australia’s Most Famous Beach Town. The Locals Are Now Homeless. »

L’auteur, Gavin Butler, y met en lumière le cas de Byron Bay, localité située sur la côte est de l’Australie, dans l’état de New South Wales, à deux heures de Brisbane. Une région qui a été l’une des plus impactées par les pluies diluviennes et les inondations qu’a connues l’Australie la semaine dernière. Des champs submergés, des glissements de terrain qui ont emporté des collines, plus de 22 000 maisons détruites par l’eau et la boue.

Mais dans le centre de Byron, la vie va son cours habituel, les cafés sont pleins de monde, le parking du front de mer affiche complet.

Ceux qui habitent les régions périphériques qui ont été inondées sont en fait des habitants qui ont été bottés hors de Byron Bay par de riches acheteurs. Au cours de ces quinze dernières années en effet, ce que l’auteur décrit comme des hordes de « seachangers, property developers, influencers and Hollywood glitterati ». Du coup, les prix de l’immobilier ont flambé. Quadruplant par rapport aux prix de 2013.

“The housing market in Byron Bay has become so inflated that even upper middle class people, such as medical professionals and business owners, are struggling to buy property. Home ownership in Byron is now, almost exclusively, the preserve of the super rich”, souligne l’article. Et les locaux moins fortunés ont été poussés hors des lieux vers des zones moins chères. Moins chères parce que plus vulnérables aux catastrophes environnementales, incendies ou inondations. Comme l’ont prouvé les événements de ces dernières semaines.

Et ce n’est pas un cas isolé. “The ongoing crisis offers a worrisome microcosm of a pattern increasingly seen the world over, where societies’ most vulnerable are also the most heavily impacted by climate catastrophes. It’s no secret that calamities of this scale disproportionately impact society’s most vulnerable, their shockwaves demarcated along the fault lines of class, race and socioeconomic status”, fait ressortir l’article. “We came out of COVID and there’s Teslas and Porsches, and we’re just kind of like, ‘What just happened?”, interroge une ex-habitante de la région.

Bizarrement familier non?

Chez nous, de petites agglomérations, villageoises notamment, sont en train d’être vidées de leur population initiale pour laisser la place à des super développements à l’intention de riches étrangers. Avez-vous vu, sur les réseaux depuis quelques jours, les invitations à investir à Beau Plan ?

« Pourquoi investir à Beau Plan ? Fort potentiel locatif des biens immobiliers. Pas d’impôts sur la plus-value. En quatre ans, les terres de Beau Plan ont pris +60% en valeur » se vante l’annonce…

Avec une telle inflation du foncier, comment les Mauriciens vont-ils arriver, à l’avenir, pas seulement à se loger, mais à se loger de façon qui les mette à l’abri des catastrophes climatiques extrêmes qui vont aller en s’accroissant?

Question lancinante, et potentiellement explosive, qui parcourt toute notre actualité…

 

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