La grande cacophonie

Et ils osent blâmer la population. Quel culot ! Pourquoi attendre la plus grande prudence de la part du citoyen lambda, souvent distrait et négligent, il est vrai, lorsque, en haut lieu, on a fait comme si le Covid avait miraculeusement disparu et qu’en plus, on dit tout et son contraire dans le courant de la même journée ? Avant de s’en prendre à l’incurie des Mauriciens, il faudrait peut-être commencer par mettre au point une action concertée qui embrigade toutes les parties concernées et, surtout, tenir un discours cohérent et clair qui soit bien compris de tous.

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Or, que voit-on ? Un dédale de contradictions et une grande cacophonie. Le summum de cette situation a été parfaitement illustré mardi soir, 9 novembre, à l’Assemblée nationale, lorsqu’un Premier ministre par intérim s’est rendu complètement ridicule en annonçant le contraire de ce que venait de déclarer à la télévision d’État une de ses ministres, à savoir que les écoles allaient rester fermées. Steve Obeegadoo, du haut de sa superbe, avait décrété que la situation n’était nullement chaotique et qu’elle ne nécessitait pas ce genre de décision radicale de fermeture. Il est vrai que le chef n’était pas là et que la cuisine fonctionne de telle façon que les décisions importantes ne sont prises qu’au sein d’un petit noyau de proches, de la famille et des conseillers, de ceux qui, parfois, vont jusqu’à donner des ordres aux ministres ou à leurs communicants.

Madame la ministre de l’Éducation, elle-même, n’est pas à une contradiction près. La veille de son annonce à la télévision, elle avait mis sur le compte de « spéculations » les rumeurs indiquant une prochaine fermeture des établissements éducatifs du fait de la prévalence des cas de Covid dans la communauté des apprenants. C’était le 8 novembre après une réunion de ce fameux comité de haut niveau.

Autre preuve que chacun fait ce qu’il veut dans son coin est la querelle autour des chiffres du tourisme. Le ministre de tutelle, Steve Obeegadoo, a jeté une grosse pierre dans le jardin de Ken Arian en affirmant, toujours à l’Assemblée nationale, mardi, que les chiffres fournis aux médias par ATOL, une des compagnies d’Airports Holding Ltd, ne sont pas conformes aux “UN World Tourism Organisation International Recommendations for Tourism Statistics” et que seuls Statistics Mauritius respecte les critères onusiens de compilation des arrivées touristiques basées sur les données fournies par le bureau des passeports et de l’immigration.

Eh pan ! sur la figure de l’ex-conseiller en chef “konn-tou” de Pravind Jugnauth, hier, employé à bord de MK et, aujourd’hui, grand seigneur du tarmac, même si l’auteur a reçu une plus grosse claque dans la soirée de la part de Leela Devi Dookun-Luchoomun. C’est pour dire comment ça fonctionne à merveille au sein du gouvernement et que la cohésion est décidément sa grande qualité et sa grande force.

Et ça n’a pas changé depuis le retour du chef jeudi après une longue escapade à l’étranger qu’il n’a pas daigné écourter malgré les chiffres inquiétants de la progression de la pandémie. Il est venu annoncer certaines petites restrictions le jour même de son retour pour bien montrer qu’il avait repris la situation en main, mais ce sont les sous-fifres qui ont été envoyés au front pour raconter tout et son contraire.

Confronté à l’incohérence qui consiste à limiter l’assistance dans les lieux de culte pendant que, dans les autobus, ça ressemble plus à la boîte de sardines, c’est Zouberr Joomaye qui est venu avec cette explication ahurissante : pas de problème, les bus ne sont pas aussi bondés parce que les écoles sont fermées et que le télétravail a été réintroduit. Vraiment ? Pas tout à fait puisque les collégiens ne voyagent pas dans le transport en commun et ont leur bus gratuit qui les attend devant leurs établissements respectifs. S’ils étaient sérieux, ils reviendraient à une jauge précise en termes de passagers dans les bus comme dans les vans. On ne peut pas limiter ici et favoriser la densité là-bas.

Le Premier ministre a osé dire qu’il y a eu relâchement et que les récents jours fériés ont attisé la propagation de la pandémie. Peut-être que les Mauriciens ont été naïfs et qu’ils ont cru dans les discours rassurants du Premier ministre et de ses ministres, qu’ils se sont sentis rassérénés après avoir vu nul autre que Pravind Jugnauth lui-même multiplier les sorties avant son départ pour la COP26. Question de ne rien rater des rendez-vous avec les encenseurs patentés et intéressés.

Pravind Jugnauth a annoncé la fermeture des jardins d’enfants jeudi mais, la veille, mercredi, il y avait bien eu un grand tam-tam dans sa propre circonscription l’inauguration d’une aire de jeux au centre communautaire de Bonne Veine avec deux ministres présents, de même que son colistier Yogida Sawmynaden. Ils ont aussi procédé à la distribution de matériel scolaire, le lendemain de la fermeture des écoles. Ça, il faut quand même le faire.

Jeudi, c’était aussi au tour de Steve Obeegadoo de jouer au Père Noël avant l’heure en distribuant du matériel scolaire à la mairie de Curepipe. N’importe quoi en période de pandémie pour avoir une ou deux minutes au journal télévisé et continuer avec sa petite politique politicienne. Et les incohérences officielles ne s’arrêtent pas là. Un ministre, celui du Commerce, et de la Santé; laisse entendre qu’il va peut-être falloir présenter sa carte vaccinale pour pouvoir aller au supermarché mais, après le tollé que cette annonce a soulevé — certains plaisantins allant jusqu’à menacer d’observer une grève de la faim géante au Champ de Mars —, voilà que des clarifications arrivent pour dire le contraire. Et on veut que le Mauricien s’y retrouve.

S’il faut compter ce qui a été dit, redit, puis contredit et démenti, cela prendrait plus d’une colonne de ce titre. « Met enn lord dan zot manti », dit souvent Roshi Bhadain à l’adresse du gouvernement. Il est en effet plus que temps !

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