L’affaire du CEB : le PM pas au courant

Le Premier ministre et ministre de l’Intérieur dit ignorer qu’un rapport de la Banque Africaine de Développent a été envoyé au CEB dénonçant une affaire de corruption impliquant, entre autres, « l’administration mauricienne de l’entreprise » dans l’obtention d’un contrat. Celui de l’installation de quatre turbines à la centrale thermique de St-Louis.

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Faut-il comprendre que la direction du CEB ne fait pas remonter ce genre de courrier au vice-Premier ministre et ministre des Utilités publiques, responsable du secteur ? Faut-il comprendre que ce dernier ne fait pas, lui non-plus, remonter un tel document qui éclabousse Maurice déjà empêtrée dans l’affaire de la liste noire de l’Union européenne  au Premier ministre ? Faut-il comprendre que la police secrète mauricienne, si prompte à aller arrêter des internautes et qui surveille les « antipatriotes », n’était pas au courant de cette information ? Mais il y a eu mieux dans cette sombre affaire de non transmission des informations par l’actuel président du conseil d’administration du CEB. Un président qui démissionna pour poser sa candidature aux dernières élections sous la bannière de l’Alliance Mauricienne fut battu et retrouva son poste de président comme si de rien n’était, avec la bénédiction du gouvernement.

Ce président a déclaré hier qu’il était au courant d’une lettre de la firme qui avait obtenu le contrat mais avait fait ouvrir une enquête sur des allégations de pratique frauduleuse et de corruption. Le président du conseil d’administration du CEB a déclaré hier qu’il n’a pas fait remonter au ministre de tutelle cette lettre datée de février 2019 ! Le Premier ministre, reprenant une variante d’une posture célébrissime de son père, a déclaré que non seulement il n’était pas au courant de cette affaire de corruption, mais qu’il ne pouvait pas répondre pour le conseil d’administration du CEB.

Mais qui donc répond pour le CEB puisque son ministre de tutelle ne le fait pas, puisque le directeur adjoint par intérim a été mis en congé par le conseil d’administration dont le président déclare « que la question de démission ne se pose pas » et de « laisser l’enquête suivre son cours. » ? C’est exactement ce qu’a dit le PM qui semble ne rien savoir de ce qui se passe dans son gouvernement. Mais depuis hier, il ne peut plus entonner ce refrain parce que le leader de l’opposition a révélé sur son compte Facebook que « all relevant information in relation to the fraudulent and corrupt practices have been given to the PM. » La balle est maintenant dans le camp de Pravind Jugnauth, qui ne peut plus dire qu’il n’est pas au courant. Va-t-il demander à la police d’ouvrir une enquête « indépendante » ?

En parlant de police, sachez que celui qui en était le chef contesté jusqu’à la semaine dernière a enfin pris sa retraite, après que son contrat a été renouvelé de mois en mois depuis la fin de l’année dernière. Il n’aura joui de sa retraite que quelques jours seulement, puisque le gouvernement lui a offert, cette semaine, le poste de commissaire des prisons, qui venait tout juste de se libérer. Son ancien titulaire avait eu, comme l’ex-CP, très mauvaise presse pour sa gestion des prisons en foulant aux pieds les Droits de l’Homme et les conventions internationales.

Tout récemment, l’opposition et les ONG spécialisées étaient montées au créneau pour demander sa démission suite à plusieurs décès survenus dans les prisons mauriciennes dans des circonstances suspectes. Ne croyez surtout pas que le gouvernement a réagi aux critiques et demandé à l’ex-commissaire des prisons de prendre sa retraite. Non, l’ex-commissaire des prisons a bénéficié d’une promotion de la part du gouvernement : il est passé de commissaire des prisons à conseiller auprès du Premier ministre en matière de sécurité. Faut-il comprendre que le Premier ministre aime la manière forte avec laquelle l’ex-commissaire gérait les prisons ? Les deux ex-commissaires n’ont pas manqué de remercier le PM pour la confiance qu’il leur manifeste. Même dans les milieux du gouvernement, on se demande ce qui, justement, justifie la confiance du Premier ministre pour ces deux fonctionnaires, dont il semble ne pas pouvoir se séparer. Même quand ils ont atteint l’âge de la retraite.

Autrefois, Ivan Collendavelloo avait démissionné comme parlementaire parce que des accusations avaient été faites contre lui, en raison d’une signature qu’il avait apposée sur un formulaire de demande de nationalité. Il avait alors estimé que son honneur était mis en cause. Aujourd’hui, alors qu’il est responsable d’une institution paraétatique accusée par la Banque Africaine de Développement de corruption et que ses proches collaborateurs sont cités dans cette affaire, il ne bronche pas. Mais sa démission, c’était dans une autre vie. Il était alors dans l’opposition, il est aujourd’hui au gouvernement. Hier il était capable de démissionner sur une question de principe, aujourd’hui il fait tout ce qu’il a passé une partie de sa vie à dénoncer. C’est terrible ce que la politique et le pouvoir peuvent faire des hommes.

Jean-Claude Antoine

PS : On vient d’annoncer, ce samedi soir, que le Premier ministre a révoqué  le board du CEB, y compris  son président. Est-ce qu’il a dû être informé par le leader de l’opposition pour qu’il commence à être au courant du scandale CEB?

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