Le mélange des genres

C’est un petit cirque ridicule qui perdure. Il s’agit de ce mélange des genres qui consiste pour des ministres à parler de ce qui relève strictement de leurs responsabilités et de leurs obligations envers la population, mais qui en profitent pour faire des commentaires politiques déplacés mais aussi pour se livrer à des attaques contre l’opposition. Comme si la série des récents congrès tapageurs n’avait pas eu les effets escomptés.
Cette semaine a été particulièrement éloquente de cette pratique trouble qui ne fait pas de distinction entre ce qui relève du devoir professionnel et du discours partisan. Avinash Teeluck, qui aurait dû s’occuper en priorité de la culture, des arts, et s’atteler à freiner la liquidation constante du patrimoine, avait déjà tenu son petit meeting politicien, mardi, pour commenter le jugement défavorable à Navin Ramgoolam.
Le but de cette sortie tôt dans la semaine était aussi de préparer l’opinion à des défections orchestrées dans les rangs du Labour par des mercenaires professionnels dont le fond de commerce est la débauche chez l’adversaire. Un commerce des consciences, un asté /vandé, le « viré mam » qui n’est plus un slogan, mais une vraie culture politique développée par le Sun Trust.
On a vu ce qui s’est produit quelques heures plus tard. Kalyanee Jugoo, la secrétaire générale sortante ou sortie du Parti Travailliste, a démissionné pour venir dire qu’elle avait découvert que Pravind Jugnauth était moins injurié que d’autres, alors que le Premier ministre et leader du MSM a, lui-même, déploré qu’on utilise le vulgaire « BLD » à son encontre.
La démissionnaire, qui apparemment n’est douée ni pour les mathématiques ni pour l’histoire, nous a livré une de ses récentes découvertes pour ne pas dire trouvailles insolites : que le pays a eu le plus jeune Premier ministre en la personne de Pravind Jugnauth. Vraiment ?
Non, c’est Navin Ramgoolam qui est devenu, à 48 ans, le plus jeune chef de gouvernement de l’île Maurice en décembre 1995, suivi de son prédécesseur SAJ qui a accédé à ce poste à 52 ans en 1982, tandis que Paul Bérenger est devenu Premier ministre à 58 ans et SSR à 68 ans. Pravind Jugnauth, lui, venait d’avoir 55 ans lorsque son père l’a installé dans le fauteuil ministériel. Il vaut mieux bien réviser les notes dictées par les émissaires du MSM avant de venir avec des déclarations risibles et ridicules.
Hier, rebelote pour ce qui est de la confusion entre devoir de ministre et tentation politicienne. Soodesh Callyhurn, le ministre du Commerce et de l’Industrie, avait des annonces d’intérêt public à faire sur les produits de première nécessité. Il a annoncé l’arrivée du lait Smatch.
Tant mieux, si cela va soulager un peu le porte-monnaie déjà bien défoncé du consommateur, mais on espère quand même que ce ne sera pas une nouvelle saga, comme celle de l’huile du même nom dont la cargaison a mystérieusement disparu entre l’Inde et le Sri Lanka. Et que nombre de consommateurs n’ont pas vu la moindre trace dans tous les commerces où ils se sont rendus.
Mais fallait-il accompagner cette annonce qui se voulait sérieuse et rassurante pour la population d’un énième argumentaire partisan venant toujours du même ministre de la Culture qui a dévoilé une nouvelle bande-annonce d’éventuelles nouvelles défections dans les rangs du PTr.
Gageons que ces « achetés » vont très vite se manifester après la réunion de l’exécutif des rouges demain et que, très frustrés, certains vont vomir sur leur ancien parti et chanter les louanges de ceux qui les ont appâté et hameçonné. Le même scénario ayant été appliqué au MMM et au PMSD.
Avinash Teeluck, qui a eu la grosse tête parce que des « cultureux » intéressés avaient déjà vu en lui le Jack Lang mauricien, a remplacé Bobby Hureeram, Kalpana Koonjoo-Shah, Deepak Balgobin et Maneesh Gobin. Avant que ces derniers ne soient contraints de faire profil bas et de se faire oublier.
On comprend parfaitement ceux qui refusent de se livrer à ce genre d’exercice parce que la réaction du public peut s’avérer souvent impitoyable. On en connait de ces « porte-parole » qui ont été pris dans un engrenage infernal comme, en son temps, Étienne Sinatambou avec son eau et ses biscuits distribués comme des « goodies » exceptionnels dans les centres de refuge, et de Ravi Rutnah et ses propos sexistes et son arithmétique approximative. Leur sort : devenir inéligibles à une prochaine investiture, la machine à broyer et à recycler du Sun Trust fonctionnant toujours à plein régime.
S’ils veulent vraiment mélanger travail ministériel et agenda politique et brasser large pour évoquer tous les sujets d’actualité, ils auraient pu nous parler de Kenny Dhunoo et de ses actes tout aussi indélicats, ici comme ailleurs. Ça aussi, ça mérite des commentaires, les actes publics ou portés à l’attention de la population requérant des explications.
Sinon, il y a plein d’autres sujets d’intérêt général qui doivent être abordés. On pense là à la dernière déclaration du Commissaire de police, déclinée dans une langue assez lourde et nouée sur les « couillons d’avocats de quatre sous » qui attaquent la police dans le cas d’Akil Bissessur.
Et s’ils manquent vraiment de sujets fondamentaux à aborder lors de leur sortie publique, le Premier ministre et ses ministres peuvent expliquer à la population pour quelles raisons un Agaléen, de surcroît un ancien employé de l’Outer Islands Development Corporation (OIDC), décédé ici et dont la famille réclame le rapatriement du corps par le Dornier sur sa terre natale, ne peut bénéficier de cette facilité dont se sont pourtant prévalus un ou deux travailleurs étrangers simplement blessés sur l’île.
Pourquoi cette distinction et cette décision inhumaine infligée à une famille déjà affligée par la douleur de la perte d’un proche ? Voilà les sujets dont on attend que les ministres de la République s’emparent, au lieu de palabrer sur l’opposition. Le Sun Trust ne devrait pas être une annexe du Bâtiment du Trésor. Cette confusion n’a que trop duré !
Josie Lebrasse

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