Les tondus permanents

Il ne faut pas croire que les dernières injonctions aussi menaçantes que ridicules de l’Indépendant Broadcasting Authority tombent comme çà du ciel. Même s’il est vrai qu’il y a toujours eu un “cadeau”de décembre de la part de cet organisme politisé qui agit en gendarme des ondes pour le compte du gouvernement.
L’année dernière à la même période il y avait eu des amendements à l’IBA Act pour tenter de forcer les journalistes à révéler leurs sources, pour augmenter les pénalités sanctionnant des infractions à la loi et pour ramener la durée d’une licence de trois ans à une année. Tout cela après que le montant de cette licence ait, elle même, été majorée de Rs 400,000 à Rs 800,000 en avril 2021.
Cette année, l’IBA, se posant en garant de l’impartialité des médias privés tout en feignant d’ignorer que la MBC en est l’anti-modèle caractérisé au quotidien, veut imposer non seulement les voix du gouvernement mais elle s’arroge aussi le droit de vouloir transformer le journaliste en attaché de presse des ministres et des nominés politiques.
Les actes répétés d’intimidation, parce que c’est de cela qu’il s’agit, visent à faire taire les voix qui dénoncent, qui critiquent et qui révèlent ce que certains voudraient voir mis complètement sous le boisseau. Cela gène les puissants que l’on expose leurs travers, leurs actes dictatoriaux et la corruption qu’ils ont institutionnalisé et qui les a enrichi.
Comme les échéances approchent et que les récriminations vont gagner en virulence, le but est de faire peur et d’empêcher les mauriciens de l’exprimer dans les médias. Les mesures impopulaires et le musèlement de tout ce qui n’est à la solde du régime. Voilà leur véritable dessein.
Tout est lié. Ce ne sont pas des décisions qui relèvent de l’anecdote ou du caprice. Il y a une clique bien organisée, qui se croit experte en “spin doctoring” qui a entrepris de faire passer les décisions les plus fâcheuses que le gouvernement prend pour de généreux cadeaux au peuple.
Il est ainsi expliqué que le prix anormalement élevé du carburant payé par tous sans distinction, qu’elle que soit l’épaisseur de son porte-monnaie et qui plombe les coûts de production des petites et moyennes entreprises qui finissent par ne plus avoir les armes pour concurrencer les produits importés, c’est nécéssaire parce que cela permet de payer les pensions et de subventionner les prix du riz et de la farine.
En clair, ce qui ne nous est pas raconté, c’est que le consommateur plumé et celui qui se trouve au plus bas de l’échelle qui paient, en fait, pour tous les autres y compris ceux qui sont fortunés et qui roulent en bolide indécent avec des plaques personnalisées frisant souvent le ridicule. Et on s’étonne que les fractures sociales s’accentuent et que la pauvreté s’accroît.
Et pour ajouter la provocation à l’indécence, voilà que c’est le ministre des Services Publics qui est venu, en personne, nous faire part du cadeau de Noel qu’il a dans sa hotte: une augmentation des tarifs d’électricité applicable au 1 er février, date de la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Tout un symbole!
C’est la Utility Regulatory Authority, censé indépendant, qui a été investi de la responsabilité de déterminer la nouvelle grille tarifaire mais c’est le ministre qui vient annoncer la décision. Si l’augmentation s’appliquait à tous les consommateurs, c’est sans doute l’URA qui aurait eu la délicate tâche de venir en parler au grand public mais comme elle concerne les moyens et gros consommateurs Joe Lesjongard a voulu s’octroyer le beau rôle en disant que les petits ont été épargnés.
Mais les petits devront aussi passer à la caisse lorsque ceux qui auront subi l’augmentation des tarifs de l’électricité vont le répercuter dans les prix qu’ils pratiquent. C’est un cercle vicieux parce que, comme le carburant, toute modification de prix de l’électricité induit des effets en cascade.
Les petits épargnants aussi subir les conséquences de la hausse du taux directeur parce que ceux qui seront affectés par la décision de la banque centrale vont certainement, encore une fois, le passer aux consommateurs. Les tondus permanents quoi. Et les Rs 1,000 qu’ils recevront fin janvier pour compenser la perte de leur pouvoir d’achat du fait d’une inflation qui va tutoyer les 13% pour 2021 ne sera finalement que miettes et mirage.
Et c’est dans ce contexte déjà confus et de perte de confiance dans la parole publique que Navin Ramgoolam est venu, dimanche dernier, avec sa proposition d’accorder un voyage à la Réunion aux plus de 60 ans. Nanni à Salazie, Popo au Piton Maïdo et Mémé à St André: voilà le programme. Abracadabrantesque!
Une proposition d’autant plus surprenante qu’elle intervient en pleins débats sur les bribes électoraux et que le candidat battu du PTr Suren Dayal a fait de l’annonce de la hausse de la pension par Pravin Jugnauth durant la campagne électorale de 2019, un des points sur lesquels il réclame l’invalidation de l’élection des trois candidats de Moka/Quartier Militaire, d’abord devant la cour suprême ici et qu’il entend aller aussi plaider devant le comité d’appel du Privy Council. Ce n’est pas seulement contradictoire, c’est burlesque!
Les surenchères électoralistes ne datent pas d’hier et certains en ont même fait leur seul programme de survie politique. Cela a commencé avec l’éducation gratuite en 1976, s’est poursuivi avec le transport gratuit en 2005 pour s’affiner davantage en 2014 et 2019 avec des annonces d’augmentation de la pension de retraite de base en pleine campagne électorale.
On croyait que le temps d’infantiliser l’électorat et d’embobiner les vieux était révolu. Non, c’est le jeu de qui va offrir le plus qui se perpétue. La rupture annoncée, une feuille de route unitaire, pragmatique, solidaire, humain et réaliste ressemble plutôt à un triste “more of the same”. Désespérant!

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Josie lebrasse

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