L’hiver est chaud

Cet hiver est particulièrement chaud, vous ne trouvez pas ? Les températures actuelles pourraient faire exploser le thermomètre social. Entre les continuelles révélations sur notre Lakwizinn nationale, les démissions à la Telecom Tower et les divulgations de SS, les millions de Rs de drogue saisis, l’augmentation des prix… Selon les dossiers découverts, nous sommes victimes de bouffées de chaleur et de sueurs froides. Tout cela a de quoi donner le vertige : probable “sniffing ”, trafics hautement illégaux et destructeurs, et déstabilisation économique sans précédent.

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Maintenant que nous avons été mis au parfum des confessions de SS, nous attendons tous de voir ce qu’il adviendra de ces déclarations  » hautement  » surprenantes. Je dirai même que nous sommes bien avides de connaître la vérité sur toute cette affaire concernant une possible intervention sur le câble SAFE. Mais cette histoire abracadabrante risque de traîner pendant des semaines, voire des mois, au risque que tout ce qui nous a tant choqué ne passe aux oubliettes au fil du temps.

Quittons les vapeurs qui retiennent notre attention depuis le 1er juillet et parlons un peu de notre hiver. Les anticyclones ne nous ont pas fait de cadeau cette année. Rafales et coup de vent, températures fraîches et vent glacial : nous minimisons nos sorties. C’est dommage car, en fait, ce déchaînement de la nature nous offre un concert des plus inattendus.

Une petite balade dans l’est et le sud ces jours-ci est une promesse de dépaysement et d’aventure. La mer y est mauvaise et a perdu un peu de sa splendeur en laissant son azur habituel à des couleurs moins alléchantes comme du marron et du gris. Les vagues sont infatigables et ne cessent de se monter les unes sur les autres. Lorsque nous les observons pendant un petit moment, un spectacle improbable s’offre à nous : les vagues semblent jouer à saute-moutons.

A Poste-Lafayette, il suffit de marcher sur les rochers qui donnent directement sur la mer houleuse pour entendre le bruit du vent se heurter contre celui des vagues déchaînées. Aucun autre son ne peut rivaliser avec ce duo d’enfer qui engloutit toute parole. Le silence en soi est le mot d’ordre à cet endroit. La cacophonie qui se déroule entre le vent et la houle nous met dans une déconcertante humilité : notre voix se perd et ne peut s’affirmer. Ici, c’est le son de la nature qui s’impose et cela ne sert à rien de crier à haute voix. Notre cri ne voyage pas plus de 50 cm et se dissout immédiatement. Cependant, il est conseillé de laisser crier notre for intérieur en ce lieu où le brouhaha déstructuré de l’endroit nous soumet au silence complet. Quel paradoxe !

Un peu plus loin sur cette côte venteuse où nous nous sommes aventurés, les filaos chantent de manière douce et continue. Sans relâche, le vent souffle au travers des brindilles de ces arbres et la monotonie constante de ce son a un effet enivrant sur les passants. Ces derniers écoutent attentivement tout en essayant tant bien que mal d’entendre des mots, des paroles, et de percevoir un quelconque message venu d’ailleurs pour les réconforter. C’est sans compter sur l’imagination des uns et des autres qui entendent tout, et rien de précis, bien entendu ! Je me laisserai bien bercer encore un peu par ce chant même s’il est répétitif. Mais le vent et la fraîcheur du lieu nous invite à reprendre la route et à aller un peu plus loin.

Emmitouflée dans un pull fuchsia bien chaud, je reprends la route avec mes compagnons. A une petite pause à Vieux Grand Port, nous sommes conviés à un autre concert : celui des bambous de Chine. Ces géants bougent légèrement mais régulièrement sous l’effet de la brise. Alors que les filaos chantaient avec délicatesse, les bambous, eux, crient et semblent nous interpeller pour que nous entendions leurs plaintes. Ces immenses tubes rigides se côtoient serrés les uns contre les autres et donnent l’impression de vouloir sortir de cet espace pour pouvoir respirer. Ces tiges emprisonnées crient : « Liberté, ô liberté, quand donc te verrai-je ?» C’est peut-être pour cela que chacune essaie de grandir plus que sa voisine afin de sortir la tête du lot et avoir accès au grand air et à la pleine lumière.

Des montagnes se dressent devant nous pendant ce coucher de soleil sobre aux couleurs fades.  Pas de tons de roses ni d’oranger en cet après-midi de juillet. Un arbre dénudé se détache du gris argenté du ciel et se dresse sur le bord de la route sans honte, espérant désespérément que ses feuilles et ses fleurs reviennent égayer son quotidien. En attendant, il se tient fièrement sur ce chemin près de Ferney.

Nous faisons un dernier arrêt à Rivière des Créoles et arborons les rues étroites de cet endroit sympathique. Les maisons sont les unes près des autres et, en passant devant elles en voiture, nous avons l’impression de traverser dans la cour des habitants tellement les ruelles sont serrées. En contrebas, une mer repoussante s’étend devant nous. C’est un des emplacements où le goudron du Wakashio avait enveloppé les rochers, les troncs d’arbre et le sol. Rien n’avait résisté à cette horrible matière collante noire.

Le vent ici est particulièrement violent. Il souffle sans répit et nos cheveux s’envolent et dansent dans tous les sens. L’ambiance y est particulière et lorsqu’on reste à l’écoute de la nature, tout ici semble hurler. La mer et les arbres se disputent dans un dialogue de sourd. La nature braille et cela semble être un reflet de notre société qui est dans la peine et qui crie de toutes ses forces, qui hurle, qui vocifère avec toutes ses tripes pour se faire entendre. Elle ne veut pas se taire et veut pouvoir s’exprimer et, surtout, être entendue.

Alors que, pour le moment, elle semble être comme une feuille vulnérable secouée de part et d’autre par les bourrasques de la vie, un jour ou l’autre, elle ne supportera plus de n’être que victime. Un jour ou l’autre la société mauricienne se lèvera et se dressera contre tout abus et toute injustice. Ce jour-là, elle n’aura plus froid aux yeux.

Qu’importe si l’hiver, à ce moment-là, sera froid ou chaud, car ce jour-là, il sera trop tard !

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