Ne jamais rien lâcher

Non, ici, on ne fera pas comme ceux, nombreux dans le public, qui, désabusés et que l’on comprend parfaitement, choisissent d’ignorer le rapport du directeur l’Audit. Parce que c’est la même rengaine chaque année et que, finalement, absolument rien n’est entrepris pour arrêter le pillage des ressources publiques et le massacre à coups de milliards. Dénoncer est un devoir démocratique et toujours continuer à le faire est une obligation morale. Il ne faut jamais rien lâcher, même si la provocation est la seule réponse qu’offrent certains ministres au certificat d’incompétence qui leur est constamment délivré par l’Audit et le Public Accounts Committee.

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Ce ministre qui est finalement à l’image de celui qui l’a installé à la Santé est un cas particulier. Il a une parade à toutes les critiques. Les fonds publics gaspillés, les appareils défectueux, les achats à grands frais, les médicaments et autres équipements acquis au coin de la rue, de quincailliers et de bijoutiers, rien à cirer pour Kailesh Jagutpal. Ils ont, par contre, raison ceux qui ne le blâment pas mais qui en veulent à son patron de tolérer si ce n’est d’encourager tant de désinvolture, même lorsqu’il s’agit de vie et de mort. Comme sur le dossier des patients dialysés emportés par le Covid. Le ministre de la Santé s’était autorisé, avec la bénédiction de son chef, de se prononcer contre l’institution d’un Fact Finding Committee pour faire la lumière sur les circonstances du décès plus que suspect de 11 patients dialysés en quelques semaines.

Ce n’est qu’après les cris de douleur et d’indignation des proches des défunts que le gouvernement a finalement dû céder et accepter qu’une enquête soit menée sur toute cette affaire. Le rapport bouclé, le ministre ou du moins le gouvernement refuse de le rendre public en invoquant des raisons bancales dans l’irrespect total de la souffrance des familles encore endeuillée par ces pertes inattendues.

La Santé au cœur de tous les scandales, mais pas que. Tous les ministères ou presque sont logés à la même enseigne. Ce qui n’est pas étonnant du tout puisqu’il s’agit d’un système bien rodé mis en place par le régime pour organiser un véritable hold-up sur l’argent du contribuable. Les ministres et députés du gouvernement si prompts à convoquer la presse pour disserter sur le dernier obscur rapport international ou régional flattant Maurice n’ont bizarrement pas jugé utile de venir commenter le rapport de l’Audit, alors qu’il y a beaucoup à dire sur ce document accablant.

Lorsque nous évoquons plus haut un système, notre réflexion est confortée par l’expression insolente d’une autre de ses caractéristiques qui est l’opacité. Le directeur de l’Audit avait, l’année dernière, déploré qu’il n’ait pas eu accès à l’accord à milliards, classé secret, conclut entre Mauritius Telecom — une banque qui opère sans licence — et la police, deux entités pourtant publiques. Et il en existe des tonnes comme ceux-là qui, sous de faux prétextes, cachent en réalité des pratiques suspectes, frauduleuses et condamnables. Secret, l’accord sur Agaléga. Plus le contrat est gros, plus épais le voile du secret qui l’entoure. La notion d’intérêt public a complètement disparu avec ce gouvernement.

Et ce sont ceux qui s’adonnent à ce gaspillage criminel, à un moment où les consommateurs voient de toutes les couleurs et qui piquent Rs 373 millions sur leur essence pour acheter des vaccins, ceux qui ont introduit les consultations/conseils du vrai-faux pharmacien, ceux qui ont ignoré les exigences élémentaires des appels d’offres, qui ont procédé à des dépenses extravagantes et inutiles, ce sont ceux-là mêmes qui avaient osé martyriser les vieux en leur payant leur dû le 7 du mois, jusqu’à ce qu’une opinion outrée et tapageuse ne les fasse capituler.

Les policiers suspendus, 101 au total, qui reçoivent toujours des salaires pour un montant de près de Rs 25 millions, là aussi, rien à dire ? C’est l’argent du Sun Trust ça ? Les loyers mirobolants payés à des copains au lieu d’un programme de construction d’immeubles écologiques pour abriter les services publics, c’est le pognon de la Plate-forme qui ose se décrire militante ça ?

Il faut rendre des comptes et dire quelles sont les mesures qui vont être immédiatement prises pour arrêter ce pillage éhonté. Mais comme dit l’autre, « aret reve kamarad ». Parce que lorsqu’on a des organismes qui sont censés être des régulateurs et qui sont les premiers à donner le mauvais exemple, il n’y a pas grand-chose à attendre de bon pour assainir une situation devenue bien putride. Il en est ainsi de la Gambling Regulatory Authority, organisme sous la tutelle du ministre des Finances et qui veut s’immiscer dans l’organisation des courses à Maurice pour mieux protéger ses favoris. Eh bien, ce régulateur-là n’a pas soumis son bilan financier pour les deux dernières années.

Le directeur de l’audit a aussi, et avec raison et justesse, commenté la gestion globale de l’économie. Il a rejoint ceux qui tirent la sonnette d’alarme sur l’endettement accru, non pas pour des projets de développement utile, mais pour financer les dépenses courantes et procéder à des largesses.

La guerre a bon dos mais elle ne peut en aucun cas occulter les excès du moment, le népotisme, la corruption, les mesures liberticides et la dilapidation des fonds publics dénoncée par le directeur de l’Audit. C’est pourquoi la proposition venue de nulle part de Rama Sithanen, lors d’une sortie médiatique bien orchestrée, sonne comme quelque chose d’indécent. Qu’il ait fait le casting de son gouvernement d’unité nationale imaginaire avec quelques-uns des meilleurs éléments de l’opposition soit, mais choisir, dans les présentes circonstances, d’adouber Pravind Jugnauth et souhaiter le maintenir à ce poste est définitivement une provocation vis-à-vis de la population.

À moins que, derrière cette proposition incongrue, il y ait tout simplement un désir très personnel d’union avec le leader du MSM et, pourquoi pas, revenir là où il avait commencé en 1991. Au Sun Trust.

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