Planting gouvernemental

— Tu savais que le gouvernement aussi fait du planting ?
— De quoi tu es en train de parler là ?
— Ayo, ce que tu peux être fatigante. Tu n’es jamais au courant de l’actualité : il faut tout t’expliquer.
— Sorry, j’ai pas besoin de l’actualité. Tous les jours si c’est pas Franklin, c’est l’affaire du chassé de Grand-Bassin, si ce n’est pas l’arrestation de Rama Valayden…
— C’est pas de ça que je te parles, moi….
— Tu vois comment tu es : tu ne me laisses même pas parler. Tu es pareille comme le Speaker.
— Hey toi là, ne me compare avec ce… allez, finis ta phrase !
— Si ce n’est pas ce que je viens de dire, c’est la menace de la police ou de l’ICAC pour une prochaine arrestation pour une affaire qui remontre àcinq ans. Ou bien c’est le procès du fils du commissaire de police qui est accusé sous 225 chefs d’accusation.
— C’est pas de tout ça que je veux te parler.
— De quoi tu veux parler alors ?
— De l’actualité parlementaire, toi.
— Ayo ! Avec le Loud-Speaker qui hurle et des députés qui braillent ! Non merci !
— Mais tu ne sais pas ce qui s’est passé mardi dernier, au Parlement : le gouvernement fait du planting.
— Qu’est-ce que tu es en train de raconter ! ?
— Le planting c’est placer un objet ou une substance chez quelqu’un qu’on veut arrêter pour pouvoir le discréditer. Lui faire perdre des points.
— Ça, tout le monde le sait. Comment le gouvernement fait du planting ?
— Un de ses députés chatwa pose une question qui permet au Premier ministre, dans sa réponse, de discréditer et de se moquer de l’adversaire politique dont il a le plus peur : Navin Ramgoolam.
— C’est comme ça que ça se passe ?! Quelle question le gouvernement a fait poser sur Navin ?
— Un député de la majorité, qui fait partie des tap latab, a demandé au PM ce qu’on avait trouvé dans les coffres de Navin Ramgoolam.
— Il y avait Rs 230 millions dans plusieurs monnaies, dont des dollars américains neufs. On n’avait pas besoin de faire poser une question pour avoir cette réponse !
— La question que le député en question avait du mal à lire, ce qui veut dire que c’est pas lui qui l’avait écrite…
— Kisannla qui a écrit la question pour lui alors ?
— Sûrement un des membres de lakwizinn qui passent leur vie à patauger dans les poubelles !
— Ne me dis pas !
— C‘est comme ça qu’ils font de la politique : en attaquant leurs adversaires en dessous de la ceinture. Ils adorent ça, il paraît. Mais parfois ça se retourne contre eux. C’est-à-dire contre Pravind même.
— Ah bon ?
— Tu ne savais pas ? Une fois lakwizinn a fait Pravind dire — pour montrer que contrairement à Navin, il était fidèle — qu’il n’avait qu’une seule madame. Tu sais ce qu’on lui a répondu ?
— Non, dis-moi.
— On lui a demandé si li ti sir ki so madam ena enn sel mari !
— Ça, il l’avait bien rodé ! Mais tu ne m’as toujours pas dit ce que le gouvernement voulait obtenir avec la question du député chatwa. À part de l’argent, qu’est-ce qu’il y avait dans les coffres de Navin ?
— Un sac avec des affaires que Pravind Jugnauth s’est fait un malin plaisir de détailler. Mais avant, il l faut que tu comprennes une chose. En général, la PMQT dure trente minutes, et le PM ne répond qu’à une seule question par séance, en anglais. Mais mardi dernier, il a répondu à trois questions, et la réponse à la dernière était écrite en français.
— Je vois que tu as raison, c’était arrangé, organisé. Comment tu avais dit : planté ? Alors qu’est-ce qu’il y avait comme ça dans le sac qui était dans le coffre-fort de Navin ?
— Il y avait des médicaments, dont des fortifiants que les sportifs prennent pour rester en forme.
— Et alors ? Tout le monde prend des remontants ou des fortifiants.
— Oui, mais le Premier ministre a insisté, lourdement, sur le fait que certains utilisaient ces pilules et ces comprimés pour augmenter leur performance sexuelle. Avec les allusions grossières que je te laisse deviner !
— Tu veux dire qu’en ces temps de crise économique, le Premier ministre a pris le temps du Parlement pour parler des supposées performances sexuelles de son prédécesseur ?
— Oui toi. Sa réponse s’est terminée par ces mots : « Comme si, après une hyperactivité sexuelle rendue possible par des produits dopants, la bête a besoin d’un profond sommeil pour récupérer. Même un Casanova ne pourrait imaginer un tel cocktail. »
— C’est pas possible ! Comme le dirait son défunt papa : c’est une la honte !
— Et tout ças, je peux dire qu’au lieu de ridiculiser Navin Ramgoolam, la réponse de Pravind Jugnauth l’a plutôt rendu sympathique. Tout le monde a condamné Pravind pour sa bassesse, même Mawsi, je te dis !
— Comment tu connais Mawsi toi ?
— Sa nièce, Beti, était au collège avec moi et se voit de temps en temps. Elle m’a dit comment Mawsi a réagi à propos de Pravind et de cette affaire de comprimés.
— Quel commentaire Mawsi a fait ?
— Elle a simplement dit : You know, vre zom pa vey labraget so kamwad. Only frustrated people fer bann zafer koumsa !
J.-C.A.

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