Priorité koup riban

Il pousse vraiment l’indécence très loin, le Premier ministre. Après avoir dit qu’il n’y avait pas de gros dégâts, le voilà qui est venu, hier, accorder un certificat d’excellence au service météo. Service qui est sous sa responsabilité.
On ne sait pas s’il avait un besoin urgent de relativiser les effets de Batsirai pour pouvoir exercer librement son activité favorite, celle de “koup riban”, cette fois, d’un bus électrique de la CNT, comme si c’était une première mondiale, alors que le pays se battait encore, littéralement, contre vents et marées.
Mais lorsqu’un pauvre travailleur trouve la mort au petit matin sur la chaussée encore obstruée, la décence impose un minimum de solidarité et de respect de la mémoire du défunt. La priorité était un état des lieux et les mesures d’urgence pour remettre le pays en marche. Non, il avait rendez-vous avec son bus électrique. Rien d’autre n’importait.
Oui, il y avait un ruban, fut-il le plus insignifiant, à couper, il fallait qu’il s’y attèle impérativement, et ce, pendant que les Mauriciens constataient les dégâts, déploraient que leurs rues et leurs demeures étaient encore inondées et que ceux qui étaient privés d’eau et d’électricité se tournaient vers les radios pour un peu d’écoute et de solutions et que des sinistrés, eux, appelaient à l’aide.
Le Premier ministre versait dans le ridicule dans son bus électrique, dont est dotée, depuis trois ans déjà, la compagnie Rose-Hill Transport, pendant que des vieux faisaient la queue sous une pluie battante et des vents violents pour toucher leur pension aux bureaux de poste et pour s’entendre ensuite dire que l’exercice débuterait, en fait, le lendemain.
Et ce Premier ministre-là est celui qui préside le comité national qui se penche sur l’organisation nationale lorsqu’une calamité naturelle s’abat sur le pays. S’il est vrai que nous n’avons pas connu de cyclone sévère depuis des décennies, nous avons quand même développé un savoir-faire dans la gestion de ce genre de catastrophe.
Après des cyclones autrement plus violents, le pays s’est, dans le passé, très vite remis debout. Dès que les alertes étaient levées, le pays était quadrillé et débarrasé de ses obstructions pour que la vie normale puisse rapidement reprendre. Non, cette fois, à quatre heures du matin, plus de classe quatre et retour immédiat au travail. Une décision qui a coûté la vie à un habitant du Nord.
Et contrairement à ce que le PM a raconté hier, ce n’est qu’en début de matinée lorsque les Mauriciens commençaient à dire jeudi matin – alors qu’il n’y avait plus d’alerte – qu’ils ressentaient des conditions pires qu’au plus près de nos côtes de Batsirai, que la météo a émis un communiqué officiel pour prévenir contre pluies, vents et houles.
Et si la météo a si bien fait son travail, selon Pravind Jugnauth, pourquoi le directeur a-t-il annoncé, en catastrophe, vendredi, qu’il y aura désormais ce qu’il a appelé “une phase de sauvegarde” avec un système de préconisations précises pour la population un peu sur le modèle de ce qui se fait ailleurs et à La Réunion, notamment, cette île voisine qui a mis ses effectifs en péril pour sauver l’équipage du Tresta Star battant pavillon mauricien et dont on ne sait toujours pas pourquoi il a pris la mer par si mauvais temps.
Et pendant que le cyclone menaçait, le recomptage des voix d’Ivan Collendavelloo et de Jenny Adebiro allait bon train, mardi, jour férié. Si un nouveau dépouillement s’est imposé parce que les chiffres n’étaient pas conformes, l’exercice a livré de nouvelles mauvaises surprises.
Elles sont les suivantes: 73 bulletins manquants par rapport au chiffre de 2019, un bulletin de vote du no 1 qui s’est retrouvé dans la liasse à décompter et deux bulletins considérés comme valides bien que ne portant pas le sceau officiel de la commission électorale.
Le contribuable, l’électeur honnête, le profane, non dénué de logique, se pose quand même une foultitude de questions, comme le choix de garder le même Returning Officer, qui a permis que des chiffres irréconciliables soient acceptés pour le nouveau recomptage, ou encore sur la poursuite du processus mardi même après la découverte de ces nouvelles anomalies sérieuses.
Si des calculs irréconciliables ont conduit à un nouvel exercice de dépouillement, pour quelles raisons les mêmes causes n’ont pas produit les mêmes effets? C’est une interrogation parfaitement légitime. Dans l’ordre naturel de l’administration de la justice, de l’équité et de la transparence, il eut été raisonnable, inévitable même, de tenir un nouveau scrutin partiel, dénué de tout soupçon de manipulation, d’irrégularités et d’erreurs.
Erreurs, parce que c’est comme ça que les appelle ce commissaire électoral, méconnaissable, plus du tout le gentilhomme accessible et aux belles manières, le commis de l’État irréprochable sur tous les plans, ceux de l’objectivité, du sérieux et, surtout, de fair-play. Fini tout ça. Il peut désormais justifier une injustice avec une pirouette et avec désinvolture !
Ses propos devant la presse à l’issue du nouveau recomptage des voix au no 19 sont surprenants, voire scandaleux. Il réclame une enquête policière sur les nouvelles irrégularités découvertes. Ah bon, qu’en est-il, trois ans après, de celles supposément initiées sur les bulletins qui se baladaient dans la nature après le scrutin de 2019 ?
Et quid de celle qui était censée avoir été ouverte après les Kistnen Papers suivant la plainte officielle de Rezistans ek Alternativ? Comme la Special Mobile Force avait la responsabilité de la bonne garde des urnes, la police enquêtera sur elle-même encore là? Faut quand même arrêter de plaisanter !
Et même si un chroniqueur radio qui s’adresse familièrement au Premier ministre en tant que “Pravind” a, hier, accusé l’opposition de “zaper”, c’est-à-dire d’aboyer de manière stérile comme un vulgaire roquet, elle a parfaitement raison de réclamer la démission d’Irfan Rahman. Et ce n’est pas trop tôt !

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