Qui osera ?

La séquence des célébrations religieuses a pris fin avec l’Eid-ul-Fitr. Elle intervenait après le Cavadee, un Maha Shivratree endeuillé, Ougadi et Guddi Padwa, tous fêtés, selon la formule consacrée, avec ferveur. En attendant le Nouvel An tamoul qui sera observé aujourd’hui dans une ambiance morose.

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Pâques, célébré le 31 mars dernier, fait exception parce que, jusqu’ici, personne n’a été forcé à écouter des politiciens expliquer à ceux qui sont des catholiques pratiquants les enseignements de la bible ou des écritures saintes. À chacun sa paroisse.

Ce qui dérange avec ces célébrations dites nationales, c’est le caractère outrancièrement politique qu’elles ont acquis au fil des années. La politisation atteint des proportions encore plus pernicieuses à mesure que les échéances électorales approchent.

Le summum est atteint lorsque Pravind Jugnauth revendique, comme un exploit personnel, le fait qu’il préside personnellement les « task force » qui organisent ces célébrations. Certains peuvent penser qu’un chef de gouvernement a bien mieux à faire sur le front de la sécurité en général, celle des personnes âgées surtout, mais aussi des usagers de la route et de la drogue, mais non…

Il est d’ailleurs à noter qu’à l’exception de l’Eid-ul-Fitr, des membres de l’opposition sont soigneusement évités à ces célébrations pour ne pas froisser les puissants du jour qui tiennent les cordons de la bourse et les clés qui permettent d’ouvrir le coffre des « facilités » octroyées à ces obséquieux dirigeants socioculturels.

Pour faire bonne mesure et pousser jusqu’à l’absurde, et même si les chrétiens n’ont rien demandé, une autorisation d’absence de deux heures du travail leur a été octroyée le Vendredi Saint, même si la cérémonie de vénération de la croix se déroule généralement en fin d’après-midi.

En sus de leur présence intempestive, ce sont en effet les discours prononcés par les politiques et qui sont déclinés en fonction du profil de l’auditoire qui posent problème.

On parle des relations avec l’Inde et des milliards accordés lors de fonctions religieuses spécifiques, de « compensations » en termes de construction de centres culturels après le vrai « galimatia » de la reprise des terres des Tamouls et de la Palestine et de l’Arabie Saoudite, pour des politiques de tous bords, à l’occasion de l’Eid-ul-Fitr.

C’est le clientélisme dans toute son horreur et qui fait, en plus, des hôtes passifs de ces célébrations de vulgaires mendiants qui se pressent pour solliciter une poignée de main, un selfie ou quémander discrètement des avantages personnels.

C’est dans ce contexte préélectoral où toutes les dérives sectaires sont possibles et redoutées qu’il faut saluer la prise de position du député du PTr Shakeel Mohamed qui, quelques jours après l’Eid-ul-Fitr, a non seulement choisi de poser de nouveau la question de la participation des politiciens aux fêtes religieuses, mais aussi de prévenir contre une « islamisation » de la question palestinienne qu’il a décrite, avec justesse, comme posant avant tout un problème de droits de l’homme.

À ceux qui seraient tentés de rappeler d’anciens propos enflammés du bouillant député, il est aussi nécessaire de souligner qu’il n’est jamais trop tard pour porter une réflexion basée sur la raison, le droit et la justice, plutôt que de communaliser un problème qui revêt un caractère universel et interpellant pour tous les citoyens du monde attachés au respect de la personne humaine et du droit des peuples à vivre en paix dans des frontières internationalement reconnues.

What next maintenant que la question de l’invasion du politique dans la sphère religieuse et socioculturelle a été posée ? Sir Anerood Jugnauth, échaudé par l’épisode de 1995 des pressions socioculturelles qui l’avait conduit à l’humiliante débâcle des 60/0 avait, en 2014, promis de ne plus prendre la parole à des activités religieuses et socioculturelles.

Si le père s’était fait discret sous ce rapport, son successeur a été dans une direction totalement opposée puisqu’il se targue de s’occuper personnellement de l’organisation des célébrations religieuses, cultivant une proximité inédite avec le socioculturel en espérant pouvoir en récolter les dividendes le moment des consultations populaires venu.

S’il n’y a rien à attendre qui assainisse l’instrumentalisation du religieux de la part de ce gouvernement, que feront ceux qui aspirent à le remplacer ? Il est ces jours-ci pourtant question de la révision de la Constitution et de la rédaction des programmes de gouvernement pour les différents participants déclarés aux prochaines élections générales.

Puisque la promesse de rupture et du chambardement du système ont été évoqués, qui osera évoquer la problématique du rapport insidieux et malsain entre le religieux, le socioculturel et la politique, annoncer des mesures innovantes et prononcer enfin ce divorce tant souhaité ?

Ceux qui hésitent encore parce que la proximité est soi-disant bien trop ancrée dans nos moeurs pour envisager toute modification devraient réaliser qu’ils sont les premiers bénéficiaires, puisque libérés d’un énorme poids, celui d’avoir toujours à rendre des comptes pour ce qui a été fait ou pas et ce qui a été donné ou pas.

On a hâte de prendre connaissance des programmes des partis de gouvernement sur plein de sujets, pas juste sur la surenchère de la pension et les petits cadeaux sectoriels bien ciblés. Il est temps pour que le pays se mette véritablement sur la voie de la modernité, celle qui ne peut être résumée à deux ponts, trois routes et quatre complexes sportifs, tous très coûteux et vite dégradés.

Qui osera prendre une décision radicale sur ce qui a contribué durant asans intrusion malsaine ? Qui aura l’audace de laisser à des institutions comme un conseil des religions autonome, sous l’égide d’un président de la République digne de ce nom, décider des subsides et de la manière dont on organise les fêtes religieuses et socioculturelles ? Vite, des réponses…

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