Souhaits 2023

Et si on commençait par se résoudre à combattre le chatwarisme. Parce qu’il s’étend dangereusement et partout : dans cette presse, marginale, certes, mais vendue et complaisante, dans les syndicats où certains négocient directement avec les ministres ou les grands commis, dans des organisations qui se présentent comme caritatives ou sociales et dans le secteur privé, où le chatwarisme a connu ces derniers temps une croissance exponentielle.

- Publicité -

S’agissant des organisations, comment ne pas rigoler et en même temps s’indigner que la Chinatown Foundation n’ait rien trouvé de mieux que de récompenser ceux-là même qui symbolisent tout ce que la population abhorre. Il a été question fin 2022 de la distribution de récompenses, des « awards » à faire pâlir les trophées du roi Pelé.

Jugez-en. L’épouse de l’ancien Premier ministre, Lady Sarojini Jugnauth, a obtenu le « Gratitude Award ». Merci pour quoi ? Cette association lui doit beaucoup apparemment. Autre récipiendaire, du, tenez-vous bien, Visionary Award, le vice-président Eddy Boissézon. Homme abordable et pas du tout méchant peut-être, mais visionnaire, il ne faut pas exagérer. Il n’avait même pas vu qu’il allait au casse-pipe à Curepipe aux dernières élections générales ! Le plus inattendu toutefois est celui qui a reçu le Star Initiative Award 2022. Il s’agit d’Ismaël Rawoo, le PPS qui se balade dans sa berline immatriculée IR 13 et qui est l’heureux bénéficiaire avec sa famille de plusieurs arpents de Pas Géométriques à Rivière Noire. Comme modèle et comme « étoile », on a connu définitivement mieux !

Si ces personnes-là sont considérées dignes d’être honorées pour cette association, c’est à se demander quoi offrir à ceux qui sont vraiment utiles à la société et à leurs compatriotes. Mais c’est devenu une culture ancrée chez certains de tout voir à travers le prisme de la caresse dans le sens du poil des locataires de l’hôtel du gouvernement et d’être toujours dans le politiquement correct. C’est comme ça que les autocrates assoient leur pouvoir et qu’ils finissent par en abuser.

On ne sait pas si le MIC, généreux avec les hôteliers et autres grosses entités du privé, est passé par là, mais les grands patrons des conglomérats ont procédé à une véritable bataille pour décrocher le prix du meilleur chatwa. Ils devraient, en fait, finir tous ex-aequo.

Fini le temps où des capitaines d’industrie, patriotiques avant tout, qui trouvaient le courage de dire leur fait aux princes et de mettre en garde lorsque la situation l’exigeait. Des critiques du bout des lèvres, là aussi, par porte-parole interposés, lorsque leurs petites affaires ne vont pas comme prévu, pour ne pas froisser les puissants, mais rien sur les dérives autocratiques et pas un mot sur ce qui se tramait, par exemple, sur la piste piégée du Champ de Mars. La mafia, on passe notre chemin et on regarde ailleurs…

Qu’une écurie comme celle des Gujadhur disparaisse du patrimoine hippique, rien à faire, rien à dire tant que leurs petits desseins, leurs grands projets et leurs chiffres d’affaires s’en trouvent arrondis. Pas de suite à l’agression d’un membre du personnel d’une clinique par un élu de la majorité malgré les images plus qu’éloquentes. Un communiqué ridicule pour annoncer une enquête alors que tout avait déjà été « arrangé ».

Les couards se taisent donc, trop occupés à négocier pour les permis de Smart Cites et de Malls dont la pertinence en matière économique et sociale doit être impérativement posée en 2023. Plus que tous les corps intermédiaires et autres interlocuteurs obligés du gouvernement, ce sont eux qui ont cédé à la politique de la peur et des représailles pour se faire tout petits et se confondre en courbettes.

Ce que ces grands patrons feignent d’ignorer c’est qu’être complices des fossoyeurs de la démocratie c’est participer à la dégradation de l’image du pays. En termes d’image, il n’y a qu’à voir celle que projette notre tourisme. Un affaissement de la qualité du service qui est déjà scandaleux pour les Mauriciens et qui doit être pire pour celui qui paie à grands frais son séjour chez nous. Des serveurs qui se font attendre, des prestations médiocres qui n’ont rien à envier aux snacks du coin de la rue et aux bouis-bouis improvisés du trottoir, des additions posées sur la table comme un ticket de caisse de supermarché sans être glissées dans le moindre contenant.

Or, comme a pu le lire ailleurs, l’addition joue un rôle essentiel dans l’expérience du client et la présentation sur le sérieux du prestataire. Et pourtant, il s’en trouve qui pousse l’élégance jusqu’à la placer dans des objets en rapport avec le storytelling de l’établissement, comme le petit seau en tôle rustique pour un bistrot bien connu pour sa barbe et sa moustache. Et on s’étonne que tous nos voisins fassent mieux que nous en termes de fréquentation touristique !

Le all-inclusive tant décrié est devenu en fait une arme redoutable de marketing, mais aussi de protection, parce que certains hôteliers ont, pour de bonnes raisons, décidé de laisser profiter de leur établissement et de ses prestations indoor plutôt que de laisser leurs clients aller découvrir la crasse dehors, le dumping sauvage, les routes défoncées et les ralentisseurs même pas peints, causant parfois des accidents graves, les embouteillages et les conducteurs agressifs et les chiens errants.

Et on ne parle même pas des commerçants qui pratiquent des prix abusifs et qui manquent carrément les touristes. Il faut aussi s’attarder sur le tout béton de ces dernières années sur le littoral notamment et qui a fini pour faire perdre son âme à la destination rêvée et citée jadis en exemple dans le monde entier.

Nos souhaits pour 2023 ? Qu’elle soit vraiment l’année du beau, de la qualité et de la rupture. Que les Mauriciens fassent à leur niveau ce qui peut aider la société, ces mille et une petites choses qui apportent un peu de réconfort aux faibles et aux démunis sans être des éternels quémandeurs de faveurs. Vaste chantier certes, mais pas irréalisable. Bonne année 2023.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -