Sport roi, et alors ?

Comment se fait-il que le football soit mieux considéré par rapport à d’autres disciplines ? Cette question est de l’entraîneur national de lancer d’athlétisme, Joël Sévère. Elle était adressée au Directeur des Sports, Nagalingum Pillay Samoo, lors d’un atelier d’explication sur la catégorisation des fédérations, l’Assistance Athlete Scheme et le New Cash Prize Scheme, vendredi dernier à Côte d’Or. La réponse, elle est cinglante ! Si le football est toujours bien vu, notamment au niveau des clubs  — Rs 1M par club de la Super League contre Rs 100 000 à un club d’une autre discipline collective — c’est parce que c’est le sport roi et que c’est une volonté gouvernementale !

- Publicité -

Du coup, on ne sait plus quoi penser, si ce n’est que ce ministère ne cesse de nous surprendre, semaine après semaine, avec des décisions qui sont loin de faire l’unanimité. Aider les clubs rien qu’en estimant que le football est roi relève de la pure hypocrisie, voire du n’importe quoi ! 

Joël Sévère a donc eu raison de toucher ce point sensible que sont les privilèges qui sont accordés au football. Au moins, a-t-il eu le courage de venir dire tout haut ce que beaucoup de dirigeants pensent tout bas. Comme nous d’ailleurs, qui pensons que le gouvernement devrait sérieusement repenser au dossier football, le temps qu’il y ait un certain équilibre avec les autres disciplines, notamment en cette période où il est beaucoup question de performance.

Car pour l’heure, le football est loin d’être le fer de lance de notre sport. Tant sur le terrain qu’au niveau de l’administration de la MFA. Pourquoi alors s’obstiner à continuer à jeter l’argent par les fenêtres ? On ne cessera d’ailleurs de le répéter: donner de l’argent aux clubs, c’est le donner à une fédération qui, jusqu’à preuve du contraire, n’est toujours pas officiellement en conformité avec les lois sportives du pays.

Il ne faut pas non plus oublier que la MFA est loin d’être une fédération crédible. Qui ne se souvient pas du retrait de la sélection nationale de futsal à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) sur ordre du gouvernement mauricien fin janvier dernier ? La MFA ayant approuvé le déplacement d’une équipe nationale sur un territoire pas reconnue par l’Organisation des Nations unies ! Récemment, il y a eu la sanction de quelque Rs 400 000 infligée au Cercle de Joachim — club du président de la MFA, Samir Sobha — par la fédération internationale pour non-respect des procédures de transferts de joueurs étrangers.

Que le gouvernement continue à gaspiller l’argent public sur le football est inacceptable, et on comprend la colère des autres dirigeants. Posez-vous d’ailleurs ces questions et vous comprendriez mieux leur frustration. Combien de fois Maurice s’est-elle qualifiée pour la CAN si ce n’est qu’en 1974 en Egypte ? Combien de clubs mauriciens ont brillé dans les compétitions africaines si ce n’est le Sunrise qui avait failli éliminer, au premier tour, les Egyptiens de Zamalek en 1996 et surtout futur vainqueur de la compétition ? Hormis les deux médailles d’or aux Jeux des Iles de 1985 et de 2003, quel est le palmarès du football mauricien pour mériter autant de millions de roupies du gouvernement ?

Les faits le prouvent. Le football ne mérite, pour l’heure, pas autant de privilèges et considération. Sauf si la Mauritius Football Association démontre, un temps soit peu, une certaine transparence et un minimum de crédibilité. Faut-il encore que le partage des finances se fasse de façon plus juste et raisonnable et non de façon disproportionnée par rapport à d’autres. Car les athlètes des autres disciplines méritent autant, si ce n’est même plus, pour les efforts et l’honneur qu’ils font au pays.

Libre donc au gouvernement de continuer à investir dans ce qui ressemble pour l’heure à une passoire. Mais que cela ne se fasse plus sur le dos du pauvre contribuable. En revanche, il n’est pas interdit au Premier ministre et ses collègues ministres, dont Stephan Toussaint, d’aider le football…à titre personnel.

Car pour le moment, la démarche est contradictoire compte tenu des changements votés par le Conseil des ministres récemment, dont celui ayant trait à l’excellence. La démarche peut même être qualifiée de discriminatoire, quand on voit de quelle façon les athlètes, notamment ceux ayant brillé aux Jeux des Iles — contrairement au football — sont traités actuellement.

Fêtés en héros, il y a tout juste un an, nombreux sont ceux qui ne seront plus bientôt considérés en tant que boursiers de haut niveau. Le défilé national et jour de congé national ayant suivi au lendemain de la cérémonie de clôture faisant désormais partie du passé !

Un véritable drame humain quand on considère qu’ils étaient nombreux à compter sur cette allocation qui leur permettait aussi de pratiquer leurs disciplines de prédilection dans de bonnes conditions. Malheureusement, ceux qui ont pensé ce plan, ont oublié ce détail ô combien important. Le plus révoltant, c’est qu’ils n’ont pas été en mesure de reconnaître que, sans la base, il n’y aura pas d’élite et forcément, on ne peut atteindre l’excellence. Les trois étant indissociables.

En revanche, le football n’a, lui, pas été oublié, en dépit du fait que les résultats ne jouent pas en sa faveur ! Et ça, les « experts » qui dessinent les nouveaux contours d’un sport mauricien 2.0, auraient dû le savoir mieux que nous.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour