Une journée à la plage

Et si on imaginait, en ce dimanche matin, que nous étions à un pique-nique familial au bord de mer ? Quoi de meilleur et de plus reposant que de se retrouver, petits et grands, entre proches, pour passer une journée à la plage ?

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Chaque famille arrive à son rythme munie de son panier, de son cooler et de ses marmailles. Au fur et à mesure, une multitude de « boîtes » froides de toutes les couleurs – le rouge, le turquoise et le vert ont la côte – se posent les unes contre les autres, en cette douce matinée d’hiver. Chacune contient les boissons et les petites gourmandises propres à chacun, alors que les repas mis dans les paniers ont été préparés avec soin et de manière bien réfléchie afin de ne manquer de rien. Le but ultime étant de partager avec les autres ces petites recettes qu’on affectionne tant et que l’on prend plaisir à voir les autres déguster. Voilà, par exemple, le gadjack inégalable d’une tante qui est le must de toutes les rencontres familiales, le vin rosé bien rafraîchissant tant apprécié, les fritures chaud-chaud préparées sur place, les drinks, les desserts et, surtout, la bonne humeur, cet autre must de ces journées exquises.

Malgré la joyeuse et bruyante cacophonie accompagnant les arrivées et les retrouvailles, on entend quelqu’un lancer : “Où est le poulet rôti que grand-mère a fait ?”, alors qu’un cousin se lèche déjà les doigts, en cachette, après avoir fouillé et trouvé dans la tante bazar, posée sur une petite table, ce délicieux et goûteux snack cuisiné avec amour par la doyenne du jour.

Les “Allo, quelles nouvelles?” et les “Ki manier?” vont bon train, les bavardages aussi. Dans le passé, sur cette plage au sable fin, tant d’histoires ont été racontées, des secrets ont été confiés, des murmures et de douces paroles ont été prononcées. Des gueulantes ont certainement été poussées aussi, mais à quoi cela sert-il de leur donner de l’importance en cette journée qui promet d’être belle et enjouée ? Sans embrouille, on retient le meilleur ; cœur léger ou yeux embrumés, on chérit les joies et les souvenirs. Le bonheur y est palpable et, pour une fois, je ne dirai pas que“l’essentiel est invisible pour les yeux” *.

Cet essentiel aujourd’hui est le bonheur qui est visible sur tous les visages et qui est même palpable dans l’atmosphère. Partout se dégagent des sourires et des yeux lumineux, même chez les plus grognons. Comme cela est beau de voir des groupes se former çà et là pour s’enquérir des dernières naissances, du nouveau job, pour ensuite se défaire et créer, par la suite, d’autres apartés, plus intimes ou plus larges. Ces mouvements de personnes continuent toute l’après-midi faisant la joie de tous, tout comme les vagues discrètes font la joie des tout-petits. Ces derniers s’amusent à faire des dessins au bord de l’eau et attendent les vagues venir effacer les formes et les prénoms écrits en gros. Et puis, avec le même enthousiasme, ils recommencent leurs esquisses.

Échanges de regards, éclats de rire : la journée va bon train sur cette plage, face à la mer calme. Les plus âgés s’assoient confortablement dans leurs chaises. J’imagine le sentiment indescriptible qui doit envahir chacun d’eux devant leurs enfants et leurs compagnons, et leurs petits-enfants qui déboulent à droite à gauche sans cesse, comme de joyeux lurons.

Sur cette plage au sable doré, j’ai envie de m’immiscer entre les gens pour entendre les souvenirs qui s’échangent, les partages sur ce qui inquiète, le réconfort de l’un, la consolation pour l’autre, les encouragements ici et l’écoute là-bas. C’est cela la vraie vie. Elle n’a de valeur que si on se donne sans jamais garder tout, rien que pour soi. La vie se partage, même si c’est parfois avec un peu de retenue. Elle s’estime et se dessine en couleurs par-dessus les frayeurs et les peurs. Toute vie est ô combien valable, mais on ne connaît son prix réellement qu’au contact des autres et lorsque le don de soi est possible. Ce serait bien trop dommage de ne parler qu’à soi et que de soi. Ce serait ridicule de ne sourire qu’à soi et que pour soi. Cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas être heureux et bien seul, bien au contraire, et le bonheur et la joie intense ne dépendent pas de l’autre mais du Tout Autre. Et lorsque l’on est bien avec soi, on est bien avec l’autre. Et vice versa… c’est là un cercle vertueux.

Dans le film de ce jour, une petite fille, rouge à lèvre orange vif aux lèvres, avance toute sûre d’elle entre les différents groupes, pour découvrir les visages de ceux qu’elle ne connaît pas encore. Une autre fillette observe discrètement ses proches qu’elle connaît à peine, alors qu’un bébé blotti dans les bras de sa mère ne cherche des yeux que ceux qu’elle connaît déjà. Des garçonnets vont à la pêche pendant que d’autres creusent le sable ou construisent des châteaux. Quant aux ados, ils font un peu bande à part et on les entend s’esclaffer de temps en temps. Ils sont heureux de raconter les histoires peu banales de jeunes en plein apprentissage de cette vie d’adulte qui effleure déjà leur jeunesse. Ils se comprennent dans un langage propre à eux, et c’est de bon cœur qu’ils nous invitent dans leur conversation. Nos commentaires ne font pas toujours bon ménage avec leur désir et envie de liberté. Et c’est sans clash que les générations discutent. La rigolade bat son plein. L’après-midi touche bientôt à sa fin.

La ribambelle a le soleil plein les yeux et le ciel plein le cœur. Pendant que nous nous regroupons pour une dernière tasse de thé, un beau-père accompagne à la guitare sa belle-fille dans un paisible Elle venait d’avoir 18 ans de Dalida. Des petites voix s’essayent à accompagner ce moment musical aux notes mélancoliques, dans un bruit de fond de fin de conversations.

Pendant que l’on ramasse toute trace de ce joyeux moment, un petit garçon n’en perd pas une miette. Les yeux remplis de souvenirs, il admire ce spectacle venu d’ailleurs et se sent comme pousser des ailes. Une idée lui vient en tête : il va se remplir les poches. Dans l’une, il met un peu de sable fin ; dans l’autre, des brins de ce pique-nique inoubliable. Dans la poche arrière, il glisse des rayons de soleil et saisit une goutte de cette atmosphère qu’il chérira pour toujours. Rien ne sera laissé aux oubliettes.

À cet instant-là, le ciel semble nous avoir rejoints ici-bas…

 

*Le Petit Prince, Saint-Exupéry

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