PNQ : Mood consensuel mais approches divergentes

Circonstance oblige ! La Private Notice Question (PNQ) du leader de l’Opposition, Paul Bérenger, adressée au Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, était axée sur les séquelles de la profanation du temple Amma Tookay de Camp-Diable dans la nuit de vendredi à samedi. Lors de cette tranche initiale des travaux de l’Assemblée nationale, les deux protagonistes ont adopté un mood consensuel devant l’urgence de la situation. Mais les approches sont divergentes dans la mesure où le leader de l’Opposition prône dans la conjoncture une « national appeal for unified action », incluant le gouvernement, l’opposition, les syndicats et les forces vives pour faire face à cette tentative de division de la nation mauricienne sur une base ethnique et restaurer la paix et l’harmonie.
De son côté, le chef du gouvernement a maintenu la ligne adoptée depuis hier à l’effet que les actes de profanation perpétrés au temple Amma Tookay en fin de semaine dernière et les incidents subséquents feraient partie d’un complot ourdi au sein de l’opposition « pou fer sa gouvernma-la ale » et mettre un terme au programme de remise en ordre engagé. Dans cette même perspective, il a cité le nom de Rama Valayden, qui vient de se joindre au Parti travailliste et des dirigeants de ce parti comme étant impliqués dans ce « complot ».
Intervenant lors de la tranche des interpellations supplémentaires, le chef de file du Labour à l’Assemblée nationale, Shakeel Mohamed, est intervenu vu la gravité des accusations de complot portées par le Premier ministre. Il a demandé à sir Anerood s’il envisage de consigner une déposition à la police en communiquant les renseignements à sa disposition en vue de diligenter une enquête sur cette affaire. Sur ce, le chef du gouvernement a répondu que « nous étudions la question ».
En ce qui concerne les développements au niveau de l’enquête, les informations communiquées par le commissaire de police Mario Nobin, au Premier ministre étaient qu’à ce matin, huit arrestations, dont un pour le délit sur l’utilisation de l’internet pour disséminer des propos incendiaires, ont été effectuées. Toutefois, avec le travail initié sur le terrain, le nombre d’arrestations est passé à 12 pour le délit très grave de Stirring Up Civil War et une seule sous l’ICTA ou encore le Computer Misuse and Cyber Crime Act de 2003.
Tout au long de son intervention liminaire à la PNQ, le Premier ministre a réitéré sa politique de zéro tolérance contre ceux qui se sont rendus coupables d’actes répréhensibles et portant atteinte à la paix et l’harmonie sociales dans la conjoncture. « I will be ruthless against all evil intervention and troublemakers putting at risk the social peace and harmony. I will not tolerate », devait-il faire comprendre au tout début. « I shall personally ensure that we will kill the demon today so that we do not face the evil tomorrow », devait-il ajouter.
De son côté, le leader de l’opposition a pris à contre-pied les informations fournies par le commissaire de police au Premier ministre au sujet de précédents incidents similaires avant ceux de Tookay. Sir Anerood a fait comprendre à la Chambre qu’il n’y en avait aucun selon la police. Détails à l’appui, Paul Bérenger a cité trois cas de dégâts à des lieux de culte à Goodlands et à Grand-Baie, rapportés à la police les 1er et 2 de ce mois avec le chef du gouvernement prenant bonne note de ce manquement des Casernes centrales. Initialement, le Premier ministre et le leader de l’opposition avaient exprimé leur satisfaction devant le travail accompli jusqu’ici dans cette affaire.
À noter que Madame la Speaker, Maya Hanoomanjee, est de retour au sein de l’hémicycle. Elle a accueilli le vice-président du BJP de l’Inde et Mme Jaddu ainsi qu’une délégation de la Gauteng Provincial Legislature d’Afrique du Sud. Les membres de ces deux délégations avaient pris place dans la galerie des VIPS de l’Assemblée nationale.
Bérenger : Par rapport aux récents incidents survenus au temple Amma Tookay de Camp-Diable et dans les environs, le Premier ministre, peut-il obtenir du commissaire de police les informations suivantes, à savoir le nombre d’arrestations effectuées à ce jour en indiquant si les suspects ont des antécédents d’ordre criminels ou des démêlés avec la justice, les localités où se sont déroulés ces incidents, dont ceux qui avaient précédé ceux du temple Amma Tookay, si des délits d’incitation à la violence par internet ont été établis et s’il a eu des discussions avec le commissaire de police sur la situation et s’il est satisfait du travail abattu par la police à ce jour ?
SAJ : J’ai été informé par le commissaire de police que le 5 septembre 2015, à 6h45, D. C, président de l’Amma Tookay Kovil, sis à Camp-Diable, a rapporté que durant la nuit précédente, des personnes inconnues ont endommagé plusieurs idoles du temple. La police a initié une enquête immédiatement. D. C. a montré à la police des images prises à partir des caméras, ce qui devait confirmer ses dires. Deux suspects ont été identifiés, lesquels avaient été vus dans les rues près du lieu de l’incident. Le même jour, un policier résidant à Vallée-Pitot et un autre suspect, habitant Rivière-des-Anguilles, ont été arrêtés pour acte susceptible d’induire à une guerre civile. Ils ont comparu devant la Bail and Remand Court avant de comparaître devant la Cour de Savanne et de retourner en cellule policière.
« Nous avons tous contribué au social fabric »
Quant à savoir si les deux suspects avaient des antécédents dans leur casier judiciaire, le Premier ministre a indiqué que l’un d’eux avait déjà été trouvé en possession de faux billets de banque. Du 5 au 7 septembre, neuf incidents ayant trait à l’endommagement de maisons et de véhicules ont été rapportés dans les régions suivantes de Camp-Diable, Rivière-des-Anguilles, Batimarais, Rose-Belle, Nouvelle-France et Chemin-Grenier. Sept personnes ont été arrêtées jusqu’ici et ont comparu devant la cour. Elles sont toujours en garde à vue.
Le 7 septembre, le secrétaire permanent du ministère des Technologies a rapporté à la police que des commentaires à portée raciale avaient été postés sur Facebook. Une enquête a été ouverte pour retracer les auteurs. Neuf commentaires de même type ont été relevés et une personne a été arrêtée jusqu’ici. Cette dernière a été provisoirement accusée de poster des commentaires susceptibles de déclencher une guerre civile.
S’agissant de la partie “b” de la question, le Premier ministre a indiqué que, depuis que ces incidents ont été rapportés, il a été en contact constant avec le commissaire de police. Il a affirmé avoir ordonné à la police d’être intransigeante face aux fauteurs de troubles, qui sont en train de menacer la sécurité publique. La SMF, la SSU, le Police Squadron et la NCG ont été mobilisés pour assurer une présence permanente. Des patrouilles circulent dans l’île entière pour parer à tout incident de même nature. La Cyber Crime Unit a été mobilisée et une série d’actions communautaires, de même qu’à des niveaux divers, ont été mises sur pied.
Le Premier ministre s’est dit tout à fait satisfait des travaux de la police dans ce contexte, ajoutant que la situation est sous contrôle. Il a souligné qu’il ne tolérerait aucun acte pareil et a tenu à rappeler à la Chambre et à la population qu’un cadre légal existe déjà pour de tels incidents et que les peines peuvent aller jusqu’à 60 ans d’emprisonnement.
SAJ : Je m’assurerai personnellement que we kill the demon today so that we don’t face the devil tomorrow. J’en appelle à la population pour qu’elle agisse de manière responsable. Le 7 septembre, la Présidente de la République a rencontré des membres du Conseil des Religions de même que quelques chefs religieux de Tyack et de Savanne, ce en présence du ministre Showkutally Soodhun. La présidente a rappelé que nous avons tous contribué au social fabric et a invité à ne pas céder à des représailles mais de penser davantage à l’harmonie sociale.
Nous avons hérité d’une riche histoire faite de plusieurs cultures tricotées ensemble tout en étant rattachées aux religions du monde. En tant que gouvernement responsable, nous entreprenons tous les efforts possibles pour donner forme à une nation prospère. Je lance un appel à tous à maintenir la stabilité sociale, la paix et l’harmonie.
Je rassure la Chambre que je veillerai à ce que tous les fauteurs de troubles soient traînés en justice. Le Premier ministre a cité en exemple la déclaration faite par Rama Valayden à Rose-Hill « lorsqu’il exhorta le public à descendre dans la rue ziska nou fer sa gouvernma-la ale ».
Aussi longtemps que je serai Premier ministre, je ne tolérerai aucun acte répréhensible par quiconque mettant en péril la sécurité de notre nation.
Bérenger : Dans sa réponse, le Premier ministre a fait état de huit arrestations jusqu’ici, soit sept plus un. Est-il en mesure de déposer sur la table de l’Assemblée nationale la liste de ceux qui ont été appréhendés depuis samedi ?
SAJ : I’ll table the list.
Bérenger : Dans cette liste de suspects en détention, il y a également un policier. Peut-on savoir s’il a des antécédents et s’il a été interdit de fonctions au sein de la police ?
SAJ : The police officer has no previous. Autrement, j’en aurai fait état. En ce qui concerne sa suspension de la force policière, l’enquête est toujours en cours et la décision entérinée en temps et lieu. Ce genre d’officier n’est pas digne de faire partie de la police.
Bérenger : Parmi ceux qui ont été appréhendés, il y a un ‘gentleman’, si je peux m’exprimer ainsi, habitant Bois-Chéri. Il est un employé de Mauritius Telecom. Aussi surprenant que cela puisse paraître, il était accusé d’avoir volé un véhicule de Mauritius Telecom. Quand la police a débarqué chez lui, elle a vu le véhicule, qui a été saisi. Comment expliquer cela ?
SAJ : Apparently, this gentleman has been tolerated by the previous government. C’était dans ses habitudes de garer le véhicule chez lui. Nous veillerons que cela ne soit plus le cas dorénavant avec des mesures sévères envisagées contre lui.
Bérenger : Je suis quelque peu surpris par la partie de la réponse du Premier ministre au sujet des incidents précédant l’affaire du temple Amma Tookay. Probablement, la police ne lui a pas communiqué toutes les informations nécessaires. Le 1er septembre à Goodlands, il y a eu des dégâts à un lieu de culte avec une statue de divinité renversée. Deux jours après, les incidents se sont répétés avec la tête     de la divinité coupée…
« What I can say is that it’s a political plot »
SAJ : Peut-être que ces cas n’ont pas été rapportés à la police. Si une déposition avait été consignée, le commissaire m’aurait communiqué les détails…
Bérenger : J’ai en ma possession des détails et des dates des dépositions à la police de Goodlands le 1er septembre et deux jours après. Puis il y a un autre cas commis à Grand-Baie le 2 septembre ?
SAJ : Je demanderai au commissaire de police de se pencher sur ces cas.
Bérenger : Le Premier ministre a-t-il pris le soin de remercier et de féliciter les dirigeants du temple Amma Tookay de Camp-Diable, des mosquées des environs et des membres de forces vives, qui ont agi de manière responsable avec des appels au calme pour éviter toute détérioration ?
SAJ : J’ai remercié tous ceux qui ont collaboré et aidé dans la conjoncture…
Bérenger : Including me (rires au sein de l’hémicycle). A-t-il été conseillé par la police, le State Law Office et même le ministre responsable du dossier des Communications au sujet des manquements dans les trois textes de loi, soit le Code Criminel, l’ICT Act et le Computer Misuse and Cyber Crime Act ? Des amendements s’imposent en vue de les renforcer pour lutter contre les dérives d’incitation à la haine raciale ?
SAJ : We are aware of this. Nous travaillons sur ce dossier.
Bérenger : My feedback is that the police needs to be congratulated for the work done. Mais la performance pourrait peut-être être améliorée ; citons le cas de cette famille de Rivière-des-Anguilles, victime d’agression dans la nuit de samedi à dimanche. Elle a dû attendre des heures pour bénéficier de la protection policière sous la forme de Sentry ?
SAJ : C’est vrai que c’est un reproche par rapport au délai accusé par la police. Mais il faut également savoir qu’il y avait de nombreux cas. Je demanderai au commissaire de police de veiller à ce qu’il y ait un coup d’accélérateur.
Bérenger : Le Premier ministre a fait état de sérieuses allégations de complot politique dans cette affaire ; il a même été jusqu’à citer un nom. Mais pour lui le complot est plus large. Est-il en mesure d’élaborer ?
SAJ :… Je suis en présence d’informations en provenance de ceux qui sont impliqués, avec les discours que tiennent les dirigeants et les agents. What I can say is that it’s a political plot. I’m serious…
Mohamed : Je prendrai le relais là où le leader de l’opposition s’est arrêté. Mes informations sont que le poste de police de Rivière-des-Anguilles est « undermanned ». C’est ce qui explique le délai. Je demanderai au Premier ministre d’apporter des amendements au Code Criminel pour donner à la police le pouvoir de garder confidentiels les noms des suspects. De ce fait, nous ne serions pas exposés à des actes de représailles dans la conjoncture. Cette disposition légale existe en Grande-Bretagne.
SAJ : Pour ce qui est du poste de police de Rivière-des-Anguilles, cette situation ne date pas d’hier mais bien avant les élections du 10 décembre de l’année dernière. Vous étiez ministre du gouvernement à cette époque…
Mohamed : Je n’étais pas le Premier ministre. Vous vous l’êtes…
SAJ : Nous travaillons sur cette question. We are looking into it. Puis peut-on garder un détail secret dans un petit village ?
À ce stade, le leader du Mouvement Patriotique est intervenu pour faire état de la nécessité d’un appel de tous les chefs religieux du pays pour un retour au calme.
Uteem : Lors de son intervention face à la presse, hier, le Premier ministre a été ‘quite forceful’ allant jusqu’à brandir la menace visant à instaurer l’état d’urgence et qu’il détient la majorité pour le faire ? Peut-il déclarer si la situation justifie une telle démarche ?
SAJ : J’ai dit que si le besoin se fait sentir, je le ferai. I won’t hesitate.
Mohamed : Le Premier ministre a fait de sérieuses allégations au sujet d’un éventuel complot politique. Compte-t-il consigner une déposition à la police pour une enquête ? Car enquête, il faudra ?
SAJ : We are still having discussions on that…
Bérenger : La dernière question supplémentaire. Will the Prime Minister agree with me that the way forward is a national appeal for a unified action ? Cette démarche doit inclure le gouvernement, l’opposition, les syndicats et les forces vives pour un appel au calme ; vous vous rappelez qu’à des heures sombres en février 1999, nous, dans l’opposition, sommes allés à la télévision pour faire un appel à la population ?
SAJ : J’ai déjà fait appel à toute la population et dans l’intérêt de tout un chacun…

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