Tirs croisés : Quel suivi pour les traditions musicales à l’Unesco ?

Le séga tambour des Chagos vient d’être inscrit comme patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Un honneur pour les Chagossiens et pour la République de Maurice, qui voit ainsi une quatrième tradition musicale inscrite à ce registre ces derniers cinq ans. Après le séga tipik en 2014, suivi du “geet gawai” en 2016, le séga tambour de Rodrigues en 2017, c’est au tour des Chagos de bénéficier de la reconnaissance mondiale pour sa musique traditionnelle. Mais quelle est l’importance d’une telle inscription dans le concret ?
Alain Muneean du groupe Abaim, Ravin Sowamber, ancien des Bhojpuri Boys et des Baja Baje Boys, ainsi que Rajni Lallah, musicienne, sont tous d’avis que cette inscription marque « la reconnaissance et la nécessité de préserver ces valeurs culturelles ». Toutefois, ils estiment que les actions ne suivent pas toujours dans le concret. Si la Bhojpuri Speaking Union a ouvert 50 écoles de “geet gawai” à travers l’île, tel n’est pas le cas pour les écoles de ravanne qui peinent à exister. Alain Muneean confie ainsi que malgré tout le sérieux affiché par Abaim dans son travail de recherche et de transmission, le groupe a essuyé un refus du ministère des Arts et du Patrimoine culturel pour un soutien à leurs trois écoles de ravanne, à Beau-Bassin, au Morne et à Grand-Baie. Rajni Lallah observe également un manque d’intérêt des autorités pour la promotion de ces musiques traditionnelles. Elle souligne même l’ironie, du fait que c’est l’Institut français de Maurice (IFM), émanant de l’ancien pouvoir colonial, que contestaient les esclaves à travers le séga, qui a accueilli un concert de Menwar pour marquer l’inscription du séga tipik comme patrimoine immatériel de l’Unesco. Tous sont d’avis que cette inscription à l’Unesco est également synonyme d’un engagement pris par l’Etat mauricien pour protéger, promouvoir et transmettre ces traditions musicales. Ils souhaitent que cet engagement se traduise dans la réalité.
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RAJNI LALLAH (Musicienne) :  « Le “sega tipik” a une valeur théorique qui mérite d’être étudiée »

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Est-il important d’inscrire ses traditions au patrimoine immatériel de l’Unesco ?
J’estime que c’est une bonne initiative d’inscrire notre patrimoine à l’Unesco. Il faut toutefois garder en tête que la World Heritage Convention de 1972 est née dans une grande foulée de lutte pour l’indépendance à travers le monde. C’est une reconnaissance internationale sur le fait que l’héritage culturel était menacé avec les grands changements dans la société et sur le plan économique. C’est pour cela qu’il est important que ces traditions aient une reconnaissance internationale. Pas juste pour Maurice, mais partout ailleurs où elles existent.

C’est donc une manière de reconnaître et de sauvegarder le patrimoine ?
À Maurice, il y a différentes formes musicales nées de la période de la colonisation et en opposition à elle. En même temps, la colonisation elle-même était en opposition à ces formes musicales, de la part des esclaves et travailleurs engagés. Le statut du séga est lié au statut des esclaves et des travailleurs engagés. C’est pour cela aussi que la reconnaissance internationale est importante. Cependant, il y a une mouvance de culture populaire qui représente une menace pour les traditions. L’impact de la colonisation est toujours présent également. C’est le cas aux Chagos, où ceux qui pratiquaient cette culture, reconnue à l’Unesco, ont été déracinés. Il y a comme une nouvelle forme d’oppression pernicieuse. Avec la globalisation capitaliste, la musique a été commercialisée. Les multinationales à l’étranger ont imposé ici, à travers la télévision et la radio, de nouvelles formes musicales.
Par ailleurs, on parle aujourd’hui d’industrie musicale qui peut être une menace pour les formes traditionnelles. Le but de la Convention, justement, c’était que les États reconnaissent ces traditions et assument leurs responsabilités en les popularisant et en les transmettant aux futures générations.

Cela se fait-il à Maurice selon vous ?
C’est là le gros problème. Je me souviens que lorsque le “sega tipik” avait été inscrit à l’Unesco, c’est Menwar, un artiste, qui avait organisé la célébration. Il l’a fait avec ses propres moyens, sans un coup de main de l’État. L’ironie, c’est que c’est l’Institut français de Maurice, qui représente l’ancien pouvoir colonial, qui l’a accueilli et lui a donné les moyens pour cela. Menwar a fait ce qu’il pouvait, mais c’était à l’Etat de prendre les devants, et non pas se contenter d’un discours du ministre des Arts et de la Culture. Cet exemple démontre clairement comment l’inscription à l’Unesco se traduit dans la réalité. Le gouvernement n’a aucune politique en termes de culture. Sa conception de la culture a une dimension communale. On voit d’ailleurs les différents centres culturels et Speaking Unions qui existent. C’est un peu le concept arc-en-ciel où chacun garde ses propres couleurs. En fait, la Convention reconnaît, elle, la valeur universelle de ces traditions ainsi que la propriété collective.

Vous êtes pour une appropriation collective du patrimoine ?
En fait, de nos jours, la musique a une dimension plutôt commerciale. La musique populaire est liée à la propriété privée, à travers les lois sur le copyright. Pour moi, ce genre de loi, qui fait que la propriété collective devienne privée, est une attaque sur le développement de la musique et l’expression populaire. Autre chose que je déplore : la musique traditionnelle est liée au tourisme. Notamment à travers le Festival Kreol, qui se fait sous l’égide du Tourisme. On y trouve un aspect exotique qui va à l’encontre même de l’esprit de la Convention.

Comment promouvoir le « sega tipik » alors ?
Pour reconnaître la vraie valeur de la musique traditionnelle, il ne faut pas se contenter de son aspect folklorique, populaire. Il faut reconnaître sa valeur intellectuelle, académique. En tant que musicienne, je peux vous dire que le “sega tipik” a une valeur théorique qui mérite d’être étudiée. J’estime que toutes les recherches qui ont été faites sur les différentes traditions musicales dans le sillage de la demande d’inscription à l’Unesco devraient être rendues publiques. On devrait les mettre à la portée du public pour consultation. Pourquoi garder ces recherches dans un tiroir quelque part ? On aurait même pu les confier au Mahatma Gandhi Institute, où il y a un département de Mauritian Studies. Cela permettrait de découvrir la richesse historique. Ce serait un genre de reconnaissance de la valeur théorique.
Par ailleurs, les écoles ont aussi un rôle à jouer. Aujourd’hui, il y a une matière qui s’appelle musique, et tout le monde apprend à jouer de la flûte à bec ! On devrait introduire ces quatre musiques traditionnelles inscrites à l’Unesco dès le préscolaire. Quand on regarde le spectacle de ces écoles préscolaires par moments, on se rend compte à quel point c’est complètement aliéné de notre environnement.
Par ailleurs, je pense que le gouvernement aurait dû adapter les halls des collèges, les après-midi, pour permettre aux gens d’apprendre différentes expressions musicales et autres formes d’art. Les municipalités et conseils de district pourraient en faire de même. On n’a pas besoin de grands moyens pour cela.

L’État devrait-il venir en aide aux associations qui font la promotion de ces traditions ?
Certainement. Le travail que fait Abaim, par exemple, est extraordinaire. Ils sont devenus des précurseurs et on aurait dû faire appel à eux pour former les gens dans les écoles. On aurait pu adopter le travail du groupe Abaim pour la sauvegarde du patrimoine comme un projet pilote dans les écoles. Ensuite, on aurait pu développer un syllabus. Abaim a fait tout un travail académique et intellectuel qui est adapté pour un programme scolaire. Il n’y a pas que la ravanne, mais aussi l’analyse des textes. Il est important de préserver ce que nous avons et comprendre comment c’est différent des autres. Par exemple, la ravanne existe aussi ailleurs. Il faut un travail intellectuel pour comprendre comment nous l’utilisons ici et comment c’est différent de ce qui se joue ailleurs.
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ALAIN MUNEEAN (Group Abaim) : « L’État a un engagement à respecter »

Pourquoi était-il important, selon vous, d’inscrire le “sega tipik” comme patrimoine immatériel de l’Unesco ?
Le “sega tipik” a une valeur culturelle, mais aussi une dimension progressiste et développementale. Chez Abaim, nous ne considérons pas uniquement l’aspect de la célébration, mais aussi son utilité dans le développement humain. Le contexte patrimonial existe depuis des siècles. Il y a des traces encore bien vivantes, même si nous avons beaucoup perdu. C’est pour cela qu’il faut faire attention à l’appauvrissement dans sa capacité de développement. Si rien n’est fait, on risque de le perdre. Ceci étant, il n’est pas question de prendre le “sega tipik” et le mettre dans un musée. Il faut s’en servir pour le développement intégral. Il y a une dimension d’ordre psychologique et émotionnel importante. Il y a une dimension d’appartenance. Même si nos ancêtres ont dû laisser derrière eux leurs cultures, ils ont su ici recréer une culture, une appartenance, et la preuve en est notre langue créole.

Que se passe-t-il maintenant que le “sega tipik” est inscrit à l’Unesco ?
Maintenant que c’est inscrit, cela veut dire que l’État mauricien a un engagement envers l’Unesco : c’est l’engagement pris pour protéger ce patrimoine. Il y a une obligation à ce sujet. Cependant, dans la réalité, c’est tout autre chose. C’est pour cela que nous sommes là pour rappeler cette obligation sans cesse. Jusqu’ici, il y a eu des mesures insuffisantes qui n’ont pas beaucoup aidé. Dans certaines fonctions, on joue encore de la ravanne synthétique. Il y a encore des costumes d’ordre plus touristique que patrimonial. Même au niveau de la danse, il n’y a eu aucun effort pour disséminer la véritable danse du “sega tipik”.
C’est pour cela qu’au niveau de la société civile, nous avons mis sur pied une association des pratiquants du “sega tipik” authentique. Nous avons ainsi pu réunir les générations des plus grands ayant pratiqué le “sega tipik”. Nous avons ainsi la tradition Cassambo, à Petite-Rivière; la tradition Fanfan avec ses filles, qui composent le groupe Mazavaroo, à Mahébourg; la tradition de Michel Legris, avec ses enfants, à Goodlands; la tradition Tifrer avec Laval Denis et Mimose Ravaton, à Quartier-Militaire. Ensuite, il y a le groupe Abaim, où les enfants ont pris le contrôle et participent dans cette transmission.
Cette année, nous avons pu réaliser un album avec 12 groupes. L’enregistrement a été fait en Live par Philippe de Magnée. Cela démontre l’intérêt de la société civile pour garder la tradition vivante. D’ailleurs, c’est l’une des reproches que l’Unesco avait faite au gouvernement mauricien concernant le “sega tambour Sagos”. La voix des pratiquants n’avait pas été suffisamment représentée. À notre niveau, nous sommes en train de faire avec les moyens du bord.

Parvenez-vous à toucher un large public en opérant de cette façon ?
La manière dont nous avons identifié les groupes fait que non seulement ils sont les générations des plus grands pratiquants, mais ils viennent aussi de différentes régions. Par exemple, les filles de Fanfan ont organisé un événement à Beau-Vallon, Mahébourg. Elles ont su mobiliser un certain nombre de personnes de toute la région. Tous ces groupes ont besoin d’être encadrés. Il faut leur donner les moyens. Nous avons eu une ou deux rencontres très prometteuses au National Heritage Fund. Nous avons abordé cette question de budget, comment on pouvait aider les groupes. Par la suite, il n’y a rien eu. Par exemple, une école de ravanne comme Abaim n’a aucun soutien du gouvernement. Nous avions fait une demande au ministère des Arts et de la Culture, qui a été rejetée. Pourtant, nous sommes un groupe avec une structure. Nous avons trois écoles, soit à Barkly, Grand-Baie et au Morne. Tout cela est fait par nos propres efforts, avec nos propres moyens. Nous avons remporté le National Arts Award, mais tout ce que nous avons reçu a été réinvesti dans le projet. L’État aurait dû apporter sa contribution.

À votre avis, l’Etat devrait donc s’impliquer davantage ?
Certainement, mais pas seulement. L’État devrait apporter son soutien aux organisations ayant fait leurs preuves dans leurs capacités à garder la tradition vivante. Il y a également une autre dimension au niveau des médias à considérer. Aujourd’hui, il est dommage de constater qu’on n’entend pas le “sega tipik” à la radio, ni à la télévision. Avec toutes les radios privées qu’on a aujourd’hui, la MBC et ses différents supports médias, ainsi que la presse écrite, on aurait pu mettre en valeur le “sega tipik” et les autres traditions inscrites à l’Unesco. S’il faut légiférer pour un droit d’antenne, voire un quota, il faut pouvoir le faire. Malheureusement, c’est le mépris à ce niveau également. C’est vraiment dommage, quand on sait à quel point les gens aiment le “sega tipik”. Il lui faut une place adéquate dans les médias. Cette culture a connu tellement de mépris pendant des siècles. Malheureusement, les responsables des médias n’ont pas encore compris cela. Ils ont aussi une responsabilité à ce niveau.

Est-il important de se réunir pour faire le point sur la question ?
Indépendamment de ce que l’État fait ou pas, il est important d’avoir la reconnaissance de la société civile, véritable porteuse des traditions. Il faut donc unir nos forces. Il ne suffit pas de se contenter d’avoir pu inscrire quatre traditions au patrimoine immatériel de l’Unesco : il faut reconnaître la valeur inestimable de chacune de ces traditions. Il faut donc se regrouper, afin de mieux nous faire entendre des autorités. Nous avons tous le même objectif, indépendamment de notre expression. C’est en unissant nos forces que nous allons avancer.

Quand l’album de l’association de « sega tipik » sera-t-il sur le marché ?
Nous ne voulons pas nous contenter d’enregistrer un album et le lancer dans le public. Il y a tout un travail à faire sur cette tradition. Nous y tenons beaucoup. Il y aura donc un livret accompagnant le CD. Derrière chaque morceau, il y aura une narration afin de nous permettre d’avancer. L’histoire des groupes, les expressions utilisées, les traditions… Il y a encore beaucoup de travail à faire. Pour le moment, nous avons complété l’enregistrement audio. Il nous faut maintenant trouver les moyens nécessaires pour compléter le projet. Nous verrons comment l’État ou le secteur privé pourront apporter leur contribution à cela.
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RAVIN SOWAMBER (Bhojpuri Speaking Union) : « Encourageons les échanges au lieu de travailler chacun dans son coin »

Vous avez collaboré au dossier Geet Gawai pour sa présentation à l’UNESCO. Pourquoi était-ce important pour vous ?
J’ai collaboré à ce dossier d’abord, parce qu’avec les Bhojpuri Boys, puis les Baja Baje Boys, nous avons joué la musique bhojpuri pendant longtemps. C’est ainsi qu’on a fait appel à moi pour la vice-présidence de la Bhojpuri Speaking Union. À ce titre, j’ai collaboré avec la présidente, Sarita Boodhoo, et d’autres officiers du ministère pour la préparation de ce dossier. À l’époque, Mukheshwur Choonee était ministre des Arts et de la Culture. Je constate que, par la suite, le ministre Pradeep Roopun est allé dans la même direction pour continuer à promouvoir nos traditions.
Il était très important pour moi que le Geet Gawai soit inscrit comme patrimoine immatériel de l’UNESCO. Il fallait sauver cette tradition bien ancrée dans la culture indienne à Maurice. Le Geet Gawai, ce n’est pas seulement des morceaux chantés dans les mariages. Il y a toute une histoire derrière. D’abord, le mot Geet Gawai veut dire en créole “Anou sante”. Ensuite, il y a différents types de chants, différents thèmes, pour chaque événement. Par exemple, le vendredi, précédant le mariage, il y a des chants de prière. Le samedi, c’est le rite du safran, comme on dit, on va chanter et danser. Ce n’est pas pareil. Le “Lagan” est chanté pour demander la grâce pour les nouveaux mariés, le “Sumiran” est un chant de dévotion collectif et le “dholak puja” est symbolique et marque le respect à l’instrument qui résonne. Il y a encore toute une liste.
De plus, le Geet Gawai est aussi chanté lors de cérémonies de naissance et autres fêtes familiales. Les “Geetharines” ont su garder cette tradition vivante de génération en génération. C’est aussi une manière de leur rendre hommage. Elles-mêmes ont hérité de ces traditions de leurs mères, dadis, nanis… À nous maintenant de nous assurer que la tradition continue à vivre. Cela fait plus de 182 ans depuis que le “geet gawai” a été introduit à Maurice, avec l’arrivée des travailleurs engagés. Il était donc important de préserver cette tradition et de la transmettre aux jeunes. Il doit en être de même pour le “sega tipik”, le séga tambour de Rodrigues et celui des Chagos.
J’ajouterai que le Geet Gawai ne concerne pas uniquement les hindous. Il y a beaucoup de femmes catholiques ou musulmanes qui viennent aussi participer avec les groupes de Geet Gawai. C’est une culture de partage. Les dames chantent et dansent jusqu’aux petites heures du matin. Le Geet Gawai est une partie indéniable de notre patrimoine linguistique et culturel.

Qu’est-ce qui a changé depuis l’inscription du Geet Gawai à l’UNESCO ?
Aujourd’hui, il y a plusieurs groupes qui pratiquent cette musique. Outre les femmes qui le font dans la pure tradition, il y a aussi des jeunes qui y apportent une touche de modernité avec de nouveaux instruments et font même le métissage. Par exemple, outre le “dholok” et le “lota”, il n’est pas rare de voir un groupe jouer du “djembé” pour donner de la résonance à sa prestation, car le Geet Gawai est pratiqué dans les maisons et il n’y a pas de sonorisation. Je trouve que c’est un bon mélange, tout comme on entend le “tabla” dans les ségas de nos jours. Par ailleurs, le Geet Gawai s’est professionnalisé. Autrefois, les femmes venaient chanter gratuitement. On faisait bouillir des “grammes” qu’on mettait dans les cornets pour partager avec elles. Aujourd’hui, un groupe de Geet Gawai coûte Rs 10 000 à Rs 12 000 pour une prestation.

Y a-t-il suffisamment d’initiatives pour promouvoir les traditions inscrites à l’UNESCO ?
En tout cas, à notre niveau, il y a eu beaucoup de choses qui ont été réalisées. Il y a 50 écoles de Geet Gawai que la Bhojpuri Speaking Union, sous l’égide du ministère des Arts et du Patrimoine culturel, vient de lancer. Ces écoles se trouvent dans différentes régions de l’île. Auparavant, nous avions formé des femmes qui, aujourd’hui, donnent elles-mêmes ces cours dans leurs régions respectives. Il y a un travail de transmission qui se fait. Je ne sais pas trop ce qui se fait pour le “sega tipik” et les autres, mais je pense qu’il serait bien d’avoir de telles initiatives. Il ne faut pas oublier que le séga n’est pas l’affaire de la communauté créole uniquement. Nous aimons tous le séga et, moi, j’aurais aimé que mes enfants aient l’occasion d’apprendre à jouer de la ravanne. Pourquoi pas des écoles de ravanne à travers l’île, dans les centres sociaux, comme nous le faisons pour le Geet Gawai ? Je ne sais pas trop qui est responsable de cela, mais je pense qu’il est important de continuer ce que Marclaine Antoine avait commencé. Il faut sauvegarder la tradition.

L’État a-t-il un rôle à jouer pour cela ?
Bien sûr, l’État a un rôle à jouer. D’abord, je rappelle que nos différentes Speaking Unions et autres centres culturels sont des entités gouvernementales. Mais nous avons un budget restreint. Il faut donner des “incentives” pour aider ces différentes entités à promouvoir ces traditions. Par exemple, les femmes, qui animent les écoles de Geet Gawai, le font par passion. Si elles avaient une allocation, cela les aurait encouragées. Je ne parle pas uniquement pour nous, mais pour les autres aussi.

Pensez-vous qu’il faut réunir les quatre traditions inscrites à l’UNESCO sur une même plate-forme ?
Oui, cela aurait permis des échanges. Pour l’heure, chacun travaille dans son coin. Notre culture, c’est ce qui fait notre richesse. Nous sommes une petite population et sommes appelés à partager nos traditions, nos héritages respectifs. On aurait pu organiser des échanges entre les différentes Speaking Unions et centres culturels qui sont tous sous l’égide du même ministère. À l’époque, Tifrer chantait déjà Ma bole ma, qui est en bhojpuri. Pourquoi pas un CD avec des morceaux de “sega tipik”, de Geet Gawai, de “sega tanbour rodrige” et de séga tambour Sagos, pas nécessairement à vocation commerciale, mais pour la promotion et la sauvegarde de ces patrimoines?

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