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Villageoises : Rivière-Noire, un développement à deux vitesses

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Villageoises : Rivière-Noire, un développement à deux vitesses

Le district de Rivière-Noire s’est transformé depuis des années en un lieu de vie moderne et touristique. En pleine expansion depuis plus de dix ans, ce district est reconnu comme un coin touristique de choix. Parallèlement au développement d’écoles internationales, de centres hospitaliers, de bars et boîtes de nuit, l’on retrouve une autre facette qui mérite une attention particulière des décideurs politiques. Espoir, frustration et indifférence sont les sentiments que partagent les habitants de ces régions.

Rivière-Noire est le troisième district du pays en termes de superficie, mais avec la plus petite population, soit moins de 85 000 habitants. Rivière-Noire couvre 15 régions, soit Albion, Bambous, Cascavelle, Case-Noyale, Chamarel, Flic-en-Flac, Grande-Rivière-Noire, Gros-Cailloux, La Gaulette, Le Morne, Petite-Rivière, Port-Louis (ouest), Quatre Bornes (ouest), Richelieu et Tamarin. Grâce à des projets immobiliers, la construction d’hôtels, de villages touristiques et la préservation du patrimoine local, Rivière-Noire a connu une évolution remarquable durant les dernières années. Si une partie des habitants s’en estime heureuse, tel n’est pas le cas pour d’autres qui sont d’avis qu’il y a eu un développement à deux vitesses et « qu’il n’y a aucun espoir ». Alors que certaines régions connaissent un développement rapide et bénéficient de l’attention méticuleuse des autorités, d’autres ont simplement été oubliées. Mis à l’écart des nouveaux projets, certains quartiers vivent cet abandon avec frustration tandis que cette discrimination influe sur la qualité de vie des habitants.

Qu’est ce qui a changé après les dernières élections villageoises de 2012 ? Certes, il y a eu l’aménagement de nouvelles infrastructures modernes, des centres de loisirs, de grands projets hôtelier et des ERS. Mais la qualité de vie dans certains villages, notamment à Case-Noyale, La Gaulette et au Morne dénote un tableau sombre. Il y a des projets importants, soit la construction de maisons et de routes qui est toujours attendue.
Depuis quelques jours, les villageois reçoivent la visite des candidats qui font du porte-à-porte pour les convaincre de leurs projets. « Tou sa letan la zot pa finn fer nanyen, aster ki zot pou fer », disent les habitants qui estiment que ces élections ne vont rien changer. Des promesses n’ont pas été respectées et c’est un sentiment de ras-le-bol qui prévaut. La pandémie de COVID-19 a été profondément ressentie par ces villages qui dépendent essentiellement des activités touristiques pour leur survie. Les pertes d’emplois et les problèmes sociaux sont plus marquants. « Travay inn tonbe, boukou zena pena rol, se enn danze », soutiennent-ils. Les habitants des petits villages qui vivent toujours dans la pauvreté expliquent que depuis des années, rien n’a été fait pour améliorer leur situation. Beaucoup d’entre eux vivent toujours sans électricité et sans eau. « Les enfants ont à peine le nécessaire pour se rendre à l’école. L’image que projettent certains villages touristiques n’est qu’une facette de la réalité. Les conseillers doivent sortir de leur zone de confort et voir les véritables difficultés auxquelles nous faisons face », font-ils part.

Projets routiers

Flic-en-Flac reste un village hautement prisé où de nombreuses et luxueuses chaînes hôtelières se sont installées. Les habitants gagnent leur vie à travers les activités touristiques mais concèdent que depuis le confinement c’est uniquement le week-end qu’ils travaillent. Durant le week-end, il y a plus d’activités avec les Mauriciens qui se rendent à la plage et dans les hôtels. L’un des problèmes qui perdure dans ce village a trait aux routes. Une seule route traverse le village de Flic-en-Flac. Le gouvernement central a comme priorité de construire des routes sécurisées et favorisant une circulation fluide pour aider les habitants de l’Ouest à se débarrasser du problème d’embouteillage qui perdure. Les habitants attendent avec impatience de voir concrétiser ce projet.
Par ailleurs, les habitants de Flic-en-Flac ne cachent pas leur déception quant aux facilités de santé qui existent dans cet endroit. Il y a, certes, des cliniques privées mais l’Area Health Centre laisse à désirer. En effet, celui de Flic-en-Flac se trouve dans un espace alloué au “village hall”. Dans ce bâtiment restreint où les habitants disposent à peine de place pour se faire soigner, l’on confie que les conseillers auraient dû depuis longtemps remédier à ce problème. « D’autres villages sont dotés de centres de santé digne d’un hôpital. Ici, nous avons à peine de la place pour nous mettre debout. C’est dans la même salle que le médecin voient les patients et que les infirmiers procèdent aux soins. De plus, l’entretien est pitoyable », racontent les patients. Tous les habitants de Flic-en-Flac doivent se rendre à ce même endroit pour avoir des soins. Ces derniers sont d’avis que les nouveaux conseillers doivent accorder une attention particulière à cet aspect du développement dans ce village. Au fil des années, c’est aussi l’indifférence et la frustration qui animent les habitants des villages du district de Rivière-Noire. Ils concèdent que le problème de sécurité des habitants n’a toujours pas été réglé alors que la priorité est accordée aux gros projets au profit des investisseurs. Toutefois, plusieurs habitants et associations de la région remettent en question ces projets qui nuiraient à l’environnement.

Manque de loisirs

Petite-Rivière abrite une zone industrielle, avec de nombreuses usines et compagnies spécialisées dans la manufacture. En effet, ces dernières décennies, on a vu de nombreux projets se concrétiser à Petite-Rivière. La vie des habitants s’est nettement améliorée mais ils concèdent que les jeunes de ce village manquent toujours de loisirs. Pendant plusieurs années, disent ces jeunes, ils attendent l’aménagement d’espaces de loisirs. « Il y a des parcs qui sont payants ainsi que des terrains de football. Nous constatons que la majorité de projets de loisirs qui ont vu le jour sont des facilités réservées à ceux qui ont les moyens. Malheureusement, ces facilités ne sont pas accessibles à tous », font part ces jeunes. En février de cette année, le gouvernement a inauguré un nouvel Area Health Centre à Petite-Rivière au coût de Rs 38 M. Y sont disponibles un service de “family planning”, de soins dentaires, un service dédié aux diabétiques, entre autres. Des spécialistes sont disponibles pour les besoins des habitants.

Problème d’eau

À Bambous, la distribution d’eau est décriée par les habitants avec des robinets à sec dans certains quartiers comme rue Boundary et l’avenue Dragon. « Ena zour delo pa koule ditou. Parfwa apre de zour ki nou gagn delo. Ou swa zot larg delo la katrer di matin. Ki sanla pou leve pou al ranpli tank delo sa ler la ? », fustige Rajiv, un résident. Ce dernier ajoute : « Nou ena enn rezerwar La Ferme, me sa delo la servi pou plantasion. » Il lance un appel aux autorités pour une bonne connexion d’eau, « ou du moins, que des camions-citernes viennent régulièrement pour nous approvisionner ». C’est le même problème pour une dizaine de familles qui résident non loin du centre social de Bambous. Ces derniers ont bénéficié de maisons grâce à la National Empowerment Foundation, mais elles sont dépourvues d’eau et d’électricité. « Nous vivons un véritable calvaire depuis décembre 2015. Jusqu’à ce jour, nous avons fait plusieurs démarches auprès de la Central Water Authority et du Central Electricity Board, mais chacun se revoit la balle », confie un habitant. Et d’ajouter : « An 2020, ena dimounn pe viv san kouran ek delo dan lakaz. » ll dira que des voisins le dépannent de temps et temps, mais « mo pa kapav abize al rod kouran ar zot tou le zour ». Selon cet habitant, des enfants sont obligés d’apprendre à la lueur des bougies le soir. Il lance un appel aux conseillers et aux députés de la circonscription pour remédier à ces problèmes au plus vite.

Un peu plus loin à Cité La Ferme, c’est le problème d’eaux usées qui met les habitants en grogne. « Les eaux usées se déversent dans nos cours car il n’y a pas un véritable système d’évacuation. Cela peut provoquer des problèmes de santé, surtout pour les enfants », déplore Maryse. Cette dernière dit vivre « dans la peur » avec l’arrivée de l’été et les grosses pluies. « Nos maisons sont inondées lors de grosses averses. En janvier, les autorités nous avaient donné des sacs de sable comme mesure préventive pour retarder la montée des eaux. Plusieurs mois se sont écoulés et aucun travail n’a été fait pour remédier à cette situation », se désole-elle.

Les urnes seront décisives le 22 novembre. Les habitants du district de Rivière-Noire souhaitent voir l’aboutissement de projets qui prennent en compte les besoins de tout un chacun. « Avec les problèmes liés à la COVID-19, les villages touristiques devront se réinventer car la vie a changé. Ceux qui prennent des décisions doivent tenir compte de la réalité d’aujourd’hui et investir dans des projets qui bénéficieront à tous les habitants. Les enfants, les femmes, les jeunes ainsi que les personnes âgées doivent être au centre de ces préoccupations. Le développement est une épée à double tranchant », notent les habitants.