COVID-19 – Reconfinement en Europe : Ciel assombri en cette fin d’année pour le secteur hôtelier

  • Jean-Michel Pitot (AHRIM): « L’industrie est partie pour une saison estivale extrêmement compliquée »
  • Le secteur touristique qui regroupe 125 00 emplois (directs et indirects) à genoux depuis neuf mois
  • Gilbert Espitalier-Noël (NMH): « L’année 2021 sera extraordinairement difficile »
  • Tommy Wong (Sun Ltd) : « Nos actionnaires doivent être compréhensifs »

En temps normal, chaque année à l’approche du mois de novembre, les hôtels mauriciens se remplissent à vue d’œil en prévision des fêtes de fin d’année, mais cette fin 2020 aura un goût amer. Le secteur touristique est en pleine crise et la quasi-totalité des employés au chômage technique depuis plusieurs mois. De plus, avec le reconfinement dans les principaux marchés en Europe, les perspectives de réouverture des frontières sont désormais utopiques à court et moyen termes.

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Le ciel s’assombrit sur le littoral et l’hémorragie financière est loin de s’arrêter. Lux Island Resorts essuie des pertes massives de Rs 877,6 millions pour l’année financière se terminant au 30 juin 2020. Du jamais-vu depuis bon nombre d’années. Tous les établissements hôteliers sont en situation extrêmement délicate. Hilton Mauritius (dont Gamma est le principal actionnaire) a perdu Rs 74,8 millions pour la période de neuf mois se terminant au 30 septembre. Rien que sur le dernier trimestre, l’établissement évalue ses pertes à Rs 32,9 millions.
Et la situation ne va pas s’arranger dans les prochaines semaines. Un grand nombre de pays européens imposent des restrictions de déplacement à leurs populations pour tenter d’endiguer la deuxième vague de la COVID-19. En France, après des couvre-feux dans les zones les plus touchées dès la mi-octobre, le gouvernement vient d’imposer un reconfinement qui doit durer jusqu’au 1er décembre, au minimum. Les Britanniques, eux, sont reconfinés depuis jeudi pour quatre semaines minimum. Face à un tel constat, le président de l’AHRIM, Jean-Michel Pitot, ne peut que reconnaître que ces événements « repoussent » la reprise dans le secteur. « On est parti pour une saison estivale extrêmement compliquée », dit-il. La progression inéluctable du virus en Europe a littéralement brisé le rêve des hôteliers qui s’attendaient à une réouverture avant la haute saison touristique.
Et il faut se rendre compte que l’absence de touristes dans le pays n’impacte pas que les hôtels, mais a des effets en cascade sur l’économie de tous les petits villages situés aux alentours des hôtels. « Il n’est pas nécessaire d’expliquer aux artisans, aux marchands ou aux planteurs le drame que constitue un manque à gagner de Rs 64 milliards de devises étrangères, les recettes d’une année de travail. Ils le ressentent au quotidien », explique Jean-Michel Pitot.
Et la reprise n’est pas pour demain ! Pas avant 2023, selon les analystes. Certains parlent d’une reprise de 25% des activités en 2021, et peut-être de 50% en 2022. Mais rien n’est sûr à l’ère du “new normal”.
L’AHRIM reconnaît les mérites du Wage Assistance Scheme qui couvre 50% des salaires du personnel, mais s’inquiète pour l’avenir d’autant que cette somme ne représente qu’un quart des dépenses mensuelles des hôteliers. Notons que, sur les six derniers mois, l’Etat a versé aux hôteliers plus de Rs 3,7 milliards, et que les opérateurs ont, eux, déboursé Rs 9 milliards. « Pour survivre à la COVID, les entreprises doivent être agiles, se muscler, se transformer. L’État doit les libérer de toute contrainte qui pourrait gêner cette inévitable transition. Cela relève de l’urgence économique », insiste le président de l’AHRIM.

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Gilbert Espitalier-Noël (NMH) : « L’impact sur les entreprises hôtelières sera considérable »

Comment vivez-vous la situation actuelle ?
La situation est angoissante pour tous les décideurs des entreprises et tous les employés du secteur. Le manque de visibilité est un réel problème. La période festive est généralement notre période de pointe mais elle est clairement ratée. En outre, on n’a pas de visibilité sur une réouverture l’année prochaine, donc nous sommes véritablement en situation de survie. Il est difficile aujourd’hui de savoir quand les frontières vont rouvrir et l’année 2021 va être extraordinairement difficile, tout autant que 2020. On peut espérer une reprise au cours de 2021. Toutefois le nombre de clients que nous aurons en 2021 sera très faible comparé à 2019.

Que représente l’aide de la MIC dans la conjoncture ?
Le Wage Assistance Scheme et les fonds de la MIC sont deux supports essentiels pour notre secteur. La fermeture des hôtels pendant plusieurs mois nous fait encourir des pertes colossales. D’ailleurs, vous le voyez car les comptes de plusieurs entreprises sont publiés actuellement et ceux qui vont sortir dans quelques semaines confirmeront cette tendance. Les banques commerciales sont arrivées à un maximum de ce qu’elles peuvent supporter et le soutien de la MIC s’avère donc essentiel dans la conjoncture, surtout pour des entreprises systémiques qui emploient plusieurs milliers de personnes. Sans le soutien de la MIC, il n’y a pas d’avenir.

Quel est votre message pour vos actionnaires – notamment les petits porteurs – avec la dégringolade des valeurs hôtelières et de l’action NMH qui est passée Rs 14,25 en début d’année à Rs 4,75 vendredi ?
La situation actuelle est évidemment très compliquée. Le manque de visibilité ne nous permet pas de voir l’avenir avec sérénité. Nous ne pouvons que travailler au niveau des coûts pour réussir à survivre, et ce que nous faisons surtout, c’est de nous préparer à tous les niveaux – formation, offre, rénovation des hôtels et réduction des coûts – afin d’être prêts pour une reprise. C’est évident que l’impact de cette crise sur les entreprises hôtelières sera considérable et toutes ces entreprises – y compris NMH – en sortiront affaiblies. Cela nous prendra quelques longues années avant de revenir à un niveau qui permettra aux actionnaires de se retrouver au niveau des dividendes, etc.

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Tommy Wong (Sun Ltd) : « La MIC ne fait aucun cadeau ! »

Pour Tommy Wong de Sun Ltd, il est clair que l’on ne s’attend pas à recevoir beaucoup de touristes. « Peut-être aura-t-on des touristes à long terme mais là, cela concerne un marché beaucoup plus restreint et surtout nouveau, qu’il faudra explorer et exploiter. Pour le moment, il n’est pas encore acquis. Sinon, tant que la quatorzaine demeurera telle qu’elle est, ce sera bien difficile d’accueillir des touristes. Nos actionnaires doivent être très compréhensifs et nous soutenir car nous sommes dans une situation où nous n’avons pas fauté, où les frontières ne peuvent rouvrir et il y a des restrictions dans tous les pays. Nous n’avons pas de revenus, cela ne dépend pas de nous. S’agissant du soutien financier de la MIC, les fonds ne sont pas encore disponibles, car il y a encore des documents à finaliser. Mais il ne faut pas oublier que ce n’est qu’un prêt et que la MIC ne fait aucun cadeau ! Ce prêt nous aidera à supporter nos pertes. » (NdlR : Notons que le groupe Sun est actuellement endetté à hauteur d’environ Rs 9,5 milliards).
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Thierry Montocchio (VLH) : « Grosse inquiétude pour 2021 »

Les trois principaux groupes hôteliers du pays (NMH, Sun et Lux) ont tous sollicité les fonds de la Mauritius Investment Corporation, et le groupe VLH n’est pas en reste. Son CEO, Thierry Montocchio, explique : « On se débrouille un petit peu avec le marché local en attendant la réouverture des frontières mais pour 2021 c’est la grosse inquiétude ! Nous sommes d’ailleurs en discussion avec la MIC pou obtenir des fonds.

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