Femme solaire, ayant le contact facile, Rekkha Cowaloosur a un talent inné pour les affaires. Là où elle passe, elle illumine la vie de tout un chacun. Et sa reconversion en femme entrepreneure dans la fabrication de chaussettes l’enchante. Chez Arvani Socks, à Mare-d’Albert, elle a étendu la gamme utilitaire de ses produits : chaussettes médicales, contre le froid et pour les diabétiques.
Avec cette vitalité d’esprit qui la caractérise, Rekkha Cowaloosur se décrit comme « une âme souriante et joyeuse ». Mariée à Raj, un ancien haut cadre retraité qui l’a rejointe dans son entreprise, elle est aussi mère de deux filles, grand-mère, tout en ne négligeant pas ses deux chiens Julius et Caesar. Rekkha est aussi férue de lecture avec pour livres préférés, Baldacci et Ludlum. Arvani Socks, le nom de son entreprise, est un choix bien pensé. « Arvani est en fait un amalgame des prénoms de mes deux filles, Aradhna et Vandana. »
Avec Rekkha, on l’a compris, c’est toujours une note de bonne humeur qui sonne à tous ses rendez-vous. D’ailleurs, elle confie sans détour que cumuler vie professionnelle et vie privée lui permet de surfer sur chacun de ses rôles qu’elle mène toujours avec brio. « Je suis femme entrepreneure, mère, grand-mère, et je passe rapidement de la maison à l’usine. Il y a un esprit de famille qui règne à l’usine. La plupart de mes employées sont avec moi depuis plus de deux décennies. Nous nous connaissons donc très bien, nous connaissons nos familles respectives, nos petits-enfants et tout le reste. Je peux confortablement faire du “vidéo-chat” avec ma petite-fille Eru qui vit aux États-Unis pendant que je travaille à l’usine. En outre, mon mari, qui vient de prendre sa retraite, m’a également rejointe à l’usine. »
Avant de se lancer comme femme entrepreneure, Rekkha raconte avoir travaillé pour Alliance Spinners dans le département administratif. En raison de la distance, elle a choisi de se consacrer à sa famille tout en restant active au sein d’associations féminines locales, en se joignant à des projets communautaires. Voyant que ses filles grandissaient et voulant meubler à son tour ses loisirs, elle décide de canaliser son énergie dans un créneau qui, selon ses dires, pourrait être à la fois productif et rémunérateur sur le long terme.
« Je me souviens du voyage que j’ai fait en Inde avec mon mari et ma famille en 1994, en partie pour les vacances, mais secrètement à l’affût d’opportunités commerciales que je pourrais exploiter. J’ai visité une exposition de produits technologiques et j’ai repéré des machines impressionnantes qui produisaient des chaussettes très élégantes. À cette époque, il n’y avait qu’un ou deux autres fabricants de chaussettes à Maurice. Voulant à tout prix suivre cette voie, j’ai repéré des machines pour fabriquer des chaussettes. Je devais évidemment trouver toutes les machines nécessaires pour une intégration verticale complète, car aucun autre prestataire local ne disposait de machines complémentaires dont j’avais besoin. Arvani Socks a donc vu le jour en 1998. »
C’est la qualité et la durabilité des chaussettes qui font que les clients se tournent vers son usine. Rekkha Cowaloosur a choisi pendant deux années d’approvisionner uniquement le marché local. La taxe ayant été supprimée sur les chaussettes importées, elle a dû se résoudre à revoir sa stratégie. Il lui a fallu réduire les coûts, augmenter la productivité et chercher par tous les moyens à rendre son produit vendable. Pour cela, Rekkha a choisi de miser sur la vente de chaussettes de qualité. Sa stratégie s’est révélée payante au fil des années. Dans sa gamme de produits, elle opte pour le coton, le “modal”, le bambou, le cachemire, le fil d’argent. Il lui a fallu innover aussi avec différentes techniques pour réaliser des chaussettes médicales, des chaussettes pour contrer l’hiver et pour les diabétiques.
Les chaussettes colorées, la grande mode
Chaque client peut se retrouver chez Arvani Socks car les prix sont raisonnables. Au fil des années, avec la persévérance et la volonté, Arvani Socks est devenue une entreprise digne d’une boutique haut de gamme et de moyenne gamme. « Il y a une demande croissante pour les chaussettes colorées et confortables. Dans le monde entier, les gens les appellent les “happy socks”, éponyme de la célèbre marque de chaussettes colorées. D’ailleurs, plus de couleurs dans vos chaussettes signifient aussi une plus grande quantité de fils teints et une plus grande précision du design, ce qui se traduit aussi par un prix plus élevé. »
Arvani Socks fabrique des chaussettes avec le label 100% Made in Moris. Uniquement une partie des fils est importée, et pour donner un look à ses chaussettes, elle a recruté un designer. Rekkha fabrique ses modèles selon la tendance. Mais pour les clients à l’étranger, elle se base sur les modèles de croquis qu’on lui envoie. Elle précise aussi que les tendances en matière de chaussettes sont largement différentes à Maurice et à l’étranger. « Dans le monde, la tendance est aux chaussettes colorées. Que ce soit pour Trudeau ou l’étudiant du coin, les “happy socks” sont le “basic” ! Par contre, à Maurice, nous sommes plus conservateurs en matière de chaussettes. Le noir est la couleur la plus populaire, ainsi que les chaussettes à cheville qui, en raison du climat, sont très appréciées par les jeunes qui portent régulièrement des shorts ou même les “secret socks”, c’est-à-dire les chaussettes invisibles qui sont très tendance en ce moment. »
Ses principaux défis dans l’immédiat consistent à développer sa présence sur le marché local, à réduire le coût des matières premières en raison du fret élevé. Arvani Socks essaie de réduire les importations en provenance de destinations lointaines. Selon Rekkha, les fournisseurs de services textiles ferment à Maurice, et son entreprise se doit de trouver de nouveaux fournisseurs plus proches.
Arvani Socks, après 23 ans de bons et loyaux services, a su s’attirer les compliments de ses clients notamment grâce à la qualité et la durabilité de ses produits. Rekkha Cowaloosur reconnaît que la pandémie de Covid-19 est venue jouer les trouble-fête et qu’il lui a été difficile de maintenir les emplois. D’autant que ses commandes à l’exportation ont été bloquées pendant une année alors que sur le plan local, il y a eu une réduction drastique de la vente. « Malgré une période difficile sur le plan financier, nous avons investi nos économies dans l’acquisition de nouvelles machines de dernière technologie. Entre autres, nous disposons maintenant d’une machine à couture invisible qui ne laisse pas de liasse dans les chaussettes, qui peut causer un agacement au niveau des orteils. C’est très bénéfique pour les personnes diabétiques surtout car cela empêche des coutures de creuser dans la peau. Nous sommes les seuls à posséder cette machine localement. Nous recevons donc de plus en plus de commandes personnalisées. Les clients sont impressionnés par notre équipement de pointe et par la précision et la personnalisation du design que nous offrons. »
Parlant de la réouverture des frontières le 1er octobre, Rekkha trouve que cela lui permettra de reconsidérer les lieux d’où elle s’approvisionne en matériaux et de renouer les liens avec ses fournisseurs. Avec la mise en œuvre de l’ACFTA, elle est d’avis que les affaires vont reprendre dans les destinations africaines. « Nous menons toutes les négociations virtuellement et échangeons des échantillons par courrier. » Rekkha dira : « Les chaussettes en elles-mêmes permettent de nombreuses variations. Nous sommes donc heureux de continuer à nous spécialiser dans les chaussettes à usage plus spécifique. Toutefois, parallèlement à nos activités actuelles, nous avons commencé à développer une nouvelle gamme de vêtements de nuit. » Elle compte développer son entreprise en raison de l’espace qui fait défaut et continuer d’investir dans les technologies plus récentes.
Aux femmes entrepreneurs qui, comme elle, ont cru dans leurs projets, elle dira : « Les temps sont certainement difficiles. Mais n’abandonnez pas. Réinventez-vous. Les femmes ont généralement de nombreux talents, par défaut de nombreux rôles que nous jouons tout au long de notre vie. Si un produit ou un service ne fonctionne pas, formulez quelque chose de nouveau. Vous trouverez chacune votre niche et votre place sous le soleil. »