Pétards et des feux d’artifice: Sans le grand fracas des crépitements ?

De nombreux Mauriciens prêts à sacrifier la tradition compte tenu de la baisse de leur pouvoir d’achat et en signe de respect aux morts du Covid
Alain Fok Shak, Marketing Manager de Wing Tai Chong Ltd : « Des baisses de ventes records en perspective »

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Les fêtes de Noël et de la Saint-Sylvestre devraient normalement se dérouler sans le grand fracas des crépitements des pétards et des feux d’artifice. Il ne s’agit pas de tirer de conclusions hâtives, mais c’est bien l’impression qui se dégage à la lumière des témoignages que Week-End a recueillis aux quatre coins de l’île et auprès des grandes enseignes. Certes, cette coutume, destinée à faire du bruit pour éloigner les « mauvais esprits », ne s’est jamais amenuisée au fil des années, sauf que la multiplication des morts liées au Covid et le calvaire auquel sont confrontés les soignants, épuisés et livrés à leur sort, semblent faire prendre conscience au pays que les grandes réjouissances seraient indécentes cette année. Aussi, les Mauriciens seront nombreux à se résigner à voir leur tradition sacrifiée sur l’autel de l’impact de la crise économique sur leur porte-monnaie.

Selon la Mauritius Revenue Authority (MRA), une valeur de Rs 9,21 millions de pétards et feux d’artifice ont été importés depuis janvier à novembre 2021. Cette tradition bien ancrée dans les mœurs mauriciennes depuis des décennies en cette période de l’année est un marché lucratif pour les importateurs et les commerçants de ces produits. Or, les choses risquent d’être complètement différentes cette année, à en croire Alain Fok Shak, le Marketing Manager de Wing Tai Chong Ltd, le plus grand commerçant de pétards à Maurice. « La tendance s’est inversée depuis le début de la pandémie l’année dernière, car les importations ont diminué de 50%. La flambée des prix de ces produits fait que nous sommes moins enclins à investir. Le tarif d’un conteneur est passé de 800 USD à 2 500 USD, sans compter l’appréciation du dollar. Du coup, les commandes ne sont plus honorées, ce qui crée un déséquilibre sur le marché. »
Alain Fok Shak souligne également que les ventes seront moroses tant que la pandémie n’aura pas complètement disparu. « Certes, les Mauriciens voudront commencer l’année 2022 sur de nouvelles bases, sauf qu’ils auront en tête le désespoir des familles qui ont perdu leurs proches durant cette pandémie, auquel s’ajoute la baisse de leur pouvoir d’achat. Du coup, on s’attend à des ventes encore plus moroses qu’en décembre 2020. J’ai bien peur que la situation ne perdure jusqu’à la fin de la pandémie. Je parierai dans deux ou trois ans au minimum. »
La montée en flèche du coût du fret
Même son de cloche du côté du côté d’Irfan Mohamed, responsable des rayons d’un supermarché à Triolet. « Il est encore trop tôt pour faire des prévisions concernant les ventes, mais en revanche, force est de constater que le supermarché ne dispose pas suffisamment de stock cette année, car notre fournisseur a commandé très peu de produits suite à la montée en flèche du coût du fret. Nous ne comptons pas faire l’impasse sur la vente des pétards cette année, mais le produit ne figure pas parmi nos priorités d’autant que de nombreux Mauriciens auront à cœur de respecter les familles accablées par la mort de leurs proches. »
La tradition pourrait être remise en question pour la St-Sylvestre si l’on se fie aux témoignages qu’on a recueillis aux abords de certains commerces et magasins de l’île. De Rose-Hill à Port-Louis, en passant par Curepipe et Triolet, ils sont nombreux à penser qu’il serait incongru d’inonder les rues de pétards et de feux d’artifice alors que des centaines de familles de victimes du virus pansent encore leurs plaies psychologiques. « Nous devons faire preuve d’une certaine retenue, car il se peut qu’au moment même où on fasse crépiter des pétards, des gens seront entre la vie et la mort. Je ne dis pas qu’il faut occulter la tradition, mais il faut que cela se fasse dans la retenue et d’après les moyens financiers dont on dispose », confie Catherine Permal, qui faisait ses emplettes dans un magasin à Rose-Hill.
À Port-Louis, les pétards et les feux d’artifice fleurissent déjà en cette période sur les étals des différents types de commerces. Or, le contraste est frappant cette année. Les gens s’accordent à dire qu’ils s’organiseront pour préserver la magie de Noël et de la Saint-Sylvestre sans pour autant dépenser des sommes astronomiques sur les pétards.
La prudence
s’impose
« L’augmentation démesurée des prix des denrées alimentaires ont mis à mal mes finances. Oui, je suis une férue de pétards et de feux d’artifice, me sa lane-la zis enn-de petar bo-marse ki mo pou aste. Soyons responsables et pensons aux années sombres qui se profilent », soutient Rajesh, au même titre que Rebecca, qui était accompagnée de ses deux enfants en bas âge : « Par respect pour les morts du Covid et parce que mon pouvoir d’achat a considérablement diminué, il est hors de question que je fasse des folies. Je dépense en moyenne Rs 2 000 chaque année, mais cette fois, ce sera Rs 500. Mes enfants qui sont des fans de pétards et de feux d’artifice ont compris que les choses seront différentes en attendant des jours meilleurs. »
Les importateurs commandent deux types de pétards et de feux d’artifice : pour les familles et pour les grands événements. Sauf que cette année, les hôtels, qui sont durement touchés par la crise, n’entendent pas dépenser des sommes astronomiques pour la Saint-Sylvestre. « On a un stock de feux d’artifice de l’année dernière qu’on utilisera », nous confie le directeur d’un groupe hôtelier situé dans l’ouest de l’île.
Quoi qu’il en soit, la prudence s’impose pour limiter les accidents récurrents qui ponctuent chaque année les festivités. Très prisés surtout des enfants, ces artifices doivent être manipulés avec vigilance et sous la surveillance d’un adulte, d’autant que l’on note depuis quelques années un accroissement insupportable de détonations de pétards pouvant être confondues avec celles de bombes artisanales !

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