Comment nous taire devant ces scandales qui n’en finissent pas ? Lane ale, lane vini, c’est la même rengaine ! C’est la même chanson quels que soient les interprètes : juste une légère variation sur un même thème. Lequel est-ce ? Le voici : comment faire des affaires sans scrupules. Le scandale du Molnupiravir, mis au grand jour dans Le Mauricien du 11 décembre 2021, est une fois de plus la preuve que, parmi ceux qui nous gouvernent et ceux qui sont censés être à notre service, quelques requins n’hésitent pas à nous… desservir. Une pilule bien difficile à avaler lorsque nous constatons les contrats alloués avec largesse alors que nous sommes abasourdis par la situation chaotique du pays, au bord du gouffre. C’est honteux, choquant et révoltant pour nous qui sommes victimes de ces braquages à col blanc. Mais pour les acteurs, allez savoir ce qu’il y a dans leurs têtes !
Ne restons pas motus et bouche cousue, et allons dire par toute la terre ce que des fatras commanditaires font, sans être grandement inquiétés et sans être dérangés par leurs actes infects. La presse a encore heureusement la force de chercher, l’audace de dénoncer en respectant sa mission et son devoir d’informer. Mais les récents amendements punitifs de l’IBA tentent d’entraver la liberté d’expression des médias. Ceux-ci n’ont que le choix de scander encore plus haut, plus fort, que sa mission est drôlement gênée en ces temps d’interdits où un vent de non-dits plane. Mais serait-ce là un secret de Polichinelle que le frémissement de toute censure fricote avec un tant soit peu de dictature ? Que nenni !
Allez dire au monde entier que notre paradis a pris un sale coup, comme tous les pays certes, mais aussi à cause de ces sales coups montés qui ne font que remplir les poches de quelques véreux. Allez alerter par-dessus océans et terres que notre démocratie ébranlée vacille à cause de ces sournois coups bas à l’encontre de la liberté d’expression. Hurlons notre rage de voir tout passe-droit, tout enrichissement illicite, et exprimons notre colère face à ceux qui veulent nous clouer le bec !
Par ailleurs, alors que nous vivons dans un État de droit (encore et heureusement !), soyons conscients que le droit n’est pas forcément toujours le bien et que de droit, on peut en donner au peuple ou l’en priver. Cela, il faut bien se le marteler en tête. L’État a le droit de permettre ou d’interdire, et peut se donner le droit d’agir ou pas, mais, nous, nous sommes aussi en droit — n’est-ce pas ? — de nous demander où se situe le devoir des uns et des autres, et surtout celui de ce même État. J’en viens ici à tant de restrictions incohérentes mais m’en tiendrai à un seul exemple. Nous n’avons pas le droit de nous réunir à plus de dix personnes dans un lieu de culte, mais pouvons être plus de cinquante dans un magasin, là où les gens se croisent, se parlent, se frôlent, pour finir par faire la queue à la caisse avec à peine quelques dizaines de centimètres de distanciation. Les autorités semblent fermer les yeux sur cela, mais leur devoir ne serait-il pas de veiller à cela également ?
À force de mettre en place toutes sortes de règles (comme dit ma fille Natasha : « Fouf, ça on a le droit, ça on n’a pas le droit ! » et feu ma grand-mère qui aurait certainement ajouté, les mains bien plantées sur les hanches : « Matin va !!! »), on se réveille un matin — justement — et on constate qu’on se perd entre le droit, le devoir ; le bien, le mal ; la cordialité et l’application à la lettre de ce qu’on a le droit ou pas, même si cela est insensé et illogique. Où est le devoir d’être cohérent (serait-ce conhérent ?), le devoir de se soucier de la santé psychologique d’autrui (surtout celui des jeunes), le devoir de se responsabiliser, le devoir de consolider un État dans une ambiance n’encourageant pas son peuple à la discrimination ? Le devoir de rester juste et de vivre tout simplement.
On en arrive à interdire lorsqu’on n’arrive plus à convaincre. À force, on oblige. À force, on fait taire. À force, on veut vivre quelles qu’en soient les conditions. Au final, le peuple perd confiance. Au final, on se fatigue, on s’éteint.
Mais non ! Ensemble, allons, et exprimons tout haut ce qui choque. Indignations et déshonneurs s’entrechoquent au creux même de ce petit pays où il fait bon vivre. Dégoût ou tristesse ? Comment qualifier ce sentiment qui anime le Mauricien devant ces désordres orchestrés, les certitudes et affirmations inexactes, et les desseins tragiques ?
Notre histoire se dépeint au fur et à mesure, et le dessin illustrant nos vies s’anime au jour le jour, sous l’effet de contradictions et de confusion. Mais elle évolue aussi et surtout sous l’effet d’un souffle nouveau secondé par notre libre arbitre. Gardons notre flamme de vie vive, par l’amour des uns et des autres d’abord, mais aussi par l’instinct de survie qui nous tient et nous garde éveillés.
N’en restons pas aux choses insupportables et n’embrumons pas nos esprits ni avec les mauvais (esprits) ni avec les ignominies qui éclatent et ne surprennent même plus. Crions à la terre entière qu’il n’y a pas que cela qui jalonne notre existence si pleine d’espérance. Puisque les ténèbres de cette vie compromise ne peuvent cacher la lumière qui redonne courage et espoir, clamons avec force tout ce qui est bien et bon, et accueillons, au passage, celui qui est doux et humble de cœur.
À la casse ces routes semées de pavés et de nids de poule. Empruntons ce chemin plus apaisant, où l’herbe fraîche se répand avec vivacité. Là où les arbres déploient leurs branches feuillues avec aisance et où lait et miel coulent en abondance ; là où les boutons de roses blanches grandissent aux côtés des géraniums fuchsia en fleurs, sans craindre ni pluie, ni rayons de soleil, ni escargots non plus ; là où les parfums s’entremêlent et dégagent les douces senteurs que le jardinier a pris soin d’agencer ; là où même les loups respectent l’agneau sous le regard plein de compassion du berger ; là où le fleuve rejoint la rivière dans une joyeuse union qui se veut fusionnelle et distincte à la fois : une union qui invite à aller vers l’eau vive qui étanche toute soif avec douceur et vigueur. Sur ce chemin, fragilité rime avec finesse, beauté et tendresse, et si des fois elle tutoie la faiblesse et la brisure, c’est pour mieux épouser, plus tard, la bonté et la flexibilité.
Allez dire par toute la terre que crises, dérives et scandales finiront par disparaître et qu’ils font bien pâle figure devant la beauté qui anime tout être humain, au plus profond de lui. Ainsi, même la nuit noire se taira devant la lueur de vie qui, elle, ne disparaîtra jamais.