Civisme et bravoure : Roy, ce bon samaritain

Cet Operation Manager chez ABC Car Rental qui circulait dans la capitale aide à arrêter un voleur qui avait arraché une chaîne en or à une dame dans China Town

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Il a ouvert la porte de son van, côté passager, pour bloquer le motocycliste qui roulait en sens inverse à la Rue Royale

A-t-il voulu jouer à Superman ? Ou est-il juste un citoyen prêt à tout, même à se mettre en danger, pour aider une victime innocente ? L’intervention spectaculaire de cet homme d’une certaine corpulence, mercredi dernier, démontre qu’à Maurice, le civisme et le courage ne sont pas toujours des vains mots. Roy Ajodha, Operation Manager chez ABC Car Rental, a fait acte de bravoure et agi sur instinct en venant en aide à une dame, qui était en train d’être victime d’un vol à l’arrachée dans les rues de la capitale. Sans son intervention, le voleur, qui circulait à moto, aurait pu s’enfuir avec son butin, une chaîne en or arrachée du cou de la dame. Une fois n’est pas coutume: un héros, malgré lui, a sauvé la belle.

Il y a des journées qui restent gravées dans la mémoire. Et celle de mercredi dernier le sera à jamais pour Vimy, une employée d’une institution para-publique de Port-Louis. Comme à son habitude, Vimy profitait de son heure de déjeuner pour faire quelques courses dans le quartier chinois qu’elle connaît comme sa poche. Ses emplettes terminées, elle prenait le chemin du retour, songeant à faire une halte au niveau du marché central pour acheter quelques légumes. C’est ainsi qu’après un brin de causette avec son habituel marchand de fruits dans China Town, elle longe la rue Royale en direction du centre ville pour bifurquer plus loin et se rendre au bazar. Il était aux alentours de 14h05, témoigne Roy Ajodha, qui revenait d’un rendez-vous.

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Contrairement à son habitude, il se faisait ce jour-là véhiculer dans un van par un chauffeur de l’entreprise, Vikash. De la rue Dr Joseph Rivière, le véhicule emprunta la rue Royale et entra dans China Town. « Mon attention a été attirée par une moto noire qui arrivait en sens inverse parce que la rue Royale est un one-way et la moto roulait à contre-sens. J’ai dit à Vikash : guet sa moto-là ». La circulation étant toujours dense dans ce quartier où transitent également les autobus se dirigeant vers le Nord, Roy Ajodha et le chauffeur se concentrent sur cette moto qui était intrigante. Le motocycliste avait ciblé une dame, chargée de deux sacs, qui se dirigeait vers le centre-ville. Soudain, à une vingtaine de mètres d’eux, les deux employés d’ABC Car Rental voient la moto ralentir au niveau de cette dame et, en une fraction de seconde, « le motocycliste, avec son casque intégral bien vissé sur la tête, avoye so lamain, riss la chaîne madame-là ek démarrer ».

« J’ai ouvert la portière… et le motocycliste s’est retrouvé sur l’asphalte »

« Quand j’ai vu cette action, mon sang n’a fait qu’un tour dans mes veines. Voyant arriver la moto dans notre direction, j’ai anticipé l’action et j’ai ouvert la portière. Sans penser aux dommages. Sans penser aux risques… ». Une action qui a valu que le motocycliste percute de plein fouet la portière du van et se retrouve sur l’asphalte. Les choses se sont passées en une fraction de seconde. « C’était comme dans un film. La dame était affolée et criait au voleur, et nous, nous étions arrêtés et prêts à descendre du véhicule. La dame a couru, avec ses deux sacs au bras, et s’est jetée sur l’homme qu’elle a maîtrisé. Et moi, je suis sorti du van pour l’aider. D’autres passants ont alors accouru et nous ont aidé à maîtriser le voleur qui tentait de s’enfuir », raconte Roy Ajodha.

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C’était exactement comme dans un film, se souvient aussi Vimy qui revient sur cet incident qui l’a traumatisée. « Je marchais dans la rue sans savoir qu’il y avait quelqu’un qui venait vers moi. Puis soudainement, une moto m’a dépassé et s’est arrêté à mon niveau. Je n’ai pas eu le temps de réagir que l’homme avait envoyé la main et avait arraché ma chaîne », dit-elle. Pensant que son alliance était à son cou, elle hurle à mort, dit-elle, pour obtenir secours. « J’ai crié au voleur. Li pe kokin mo la senn. Arret li », raconte Vimy qui ne croyait pas si bien dire car effectivement, alors qu’elle courait derrière la moto, malgré ses lourds sacs et ses talons, elle voit la portière d’un van s’ouvrir et le motocycliste qui l’avait attaqué à terre. Son casque intégral était tombé à côté de lui, laissant ainsi voir son visage. « En quelques secondes, malgré mes talons, j’étais arrivée à la hauteur du voleur qui se relevait et tentait de prendre la fuite. J’ai essayé de le maintenir. Il a lutté pour s’enfuir mais j’ai bloqué ses deux mains et je l’ai coincé avec le van. J’ai continué à crier et à demander de l’aide aux passants qui se groupaient à cet instant autour de nous. L’homme qui avait ouvert la portière du van m’a aidé et d’autres personnes aussi. Même le marchand de fruits avec qui je parlais quelques minutes plus tôt est venu me secourir et a donné une correction au voleur qui demandait pardon pour son acte… », dit-elle encore sous le choc. Un policier qui était dans les parages a ensuite pris les choses en main et conduit le malfrat au poste de police de Trou Fanfaron.

Quelqu’un dans la foule m’a rendu ma chaîne

« J’étais abasourdie. Je ne réalisais pas ce qui était arrivé. Tout ce que je sais, c’est que quelqu’un dans la foule, m’avait rendu ma chaîne », se souvient Vimy. Le bijou en question n’était pas son alliance, comme elle l’avait imaginé au moment de l’attaque. Mais une chaîne en or, avec un pendentif à ses initiales, que lui avaient offert ses parents alors qu’elle était encore au collège il y a plus de 40 ans. « Je ne sais pas comment le voleur a vu cette chaîne car elle était au ras de mon cou et couvert par la veste », dit Vimy.

Provoqué un embouteillage dans le quartier, l’incident avait attiré des badauds qui ont bien assailli le malfrat, dit la quinquagénaire qui, retrouvant un peu de courage, envisage de reprendre le chemin de son bureau dans le centre-ville. « J’avais du travail au bureau. J’étais sortie il y avait un moment et je pensais que je devais vite reprendre mon poste », dit-elle. Cependant, son bon samaritain, Roy Ajodha lui conseille de s’asseoir quelque peu dans son van. D’autant qu’il faudra se rendre au poste de police pour donner une déposition, lui dit-il. Sous le choc toujours, Vimy s’installe et demande au chauffeur le nom de son bon samaritain. Apprenant qu’il s’agit de Roy Ajodha et constatant parallèlement une enveloppe sur le tableau de bord portant le sigle d’ABC Car Rental, elle fait tout de suite la relation : son bon samaritain est celui avec qui elle a souvent été en contact au téléphone et par mail pour des locations de voitures.

« C’était une pure coïncidence. J’ai l’habitude de parler à cette dame et nous avons souvent échangé des mails. Nous ne nous connaissions que de nom et l’incident a fait que nous avons fait connaissance dans des circonstances peu ordinaires », dit Roy Ajodha. Pour lui, il a agi comme tout autre citoyen devrait agir. « Je ne pouvais pas laisser passer ça », dit-il. D’autant que ce qui s’est passé à la rue Royale, mercredi dernier, a fait remonter des souvenirs d’une collègue, victime, il y a une dizaine d’années, d’un vol à l’arrachée, dans les mêmes circonstances que Vimy, mais qui a malheureusement perdu la vie.

« Bondié kinn avoye M. Roy lor mo semin, sa zour-là »

« Notre collègue avait été attaquée par un motocycliste et dans la lutte, elle, elle est tombée et s’est fracturé la tête », dit péniblement Roy Ajodha, ressassant l’événement dont des badauds ont été témoins, dit-il, mais n’ont rien fait. C’est ainsi que c’est par pur réflexe qu’il a entrepris de bloquer le voleur en ouvrant la portière du van. « Je n’ai pas hésité même si cela signifiait d’endommager le véhicule. Car c’était un acte condamnable. Il fallait aider cette dame en détresse », dit-il. Et c’est toujours avec tout son courage qu’il a aidé Vimy à maîtriser le voleur. « Il aurait pu la blesser ou me blesser parce qu’il avait un outil à la main. Mais la dame ne s’est pas laissée faire. Elle a lutté de toutes ses forces », explique Roy Ajodha.

Vimy, elle, n’explique pas d’où lui est venue l’énergie pour se battre avec ce voleur. Sans doute, un moment de rage et de frustration, dit-elle. « J’ai crié. J’ai lutté. Pour moi, il n’y avait qu’une chose, je devais récupérer ma chaîne. Heureusement qu’il y a eu ce bon samaritain sur ma route. Bondié kinn avoye M. Roy lor mo semin sa zour-là », dit-elle ne cessant de remercier son sauveur pour son courage, sa bravoure et son civisme. Encore traumatisée, avec une voix enrouée jusqu’aujourd’hui pour avoir trop hurlé et portant des marques de griffures au cou que lui aurait infligé le voleur au cours de leur lutte, elle dit réaliser aujourd’hui « sa veine »… qu’elle n’avait pas saisi au moment de l’incident. D’ailleurs, après sa déposition à la police, elle a repris le chemin de son bureau. « C’est en voyant mon visage blême que mes collègues m’ont demandé ce qui n’allait pas, que j’ai tout déballé », dit-elle. Et ce n’est que lorsqu’elle est rentrée chez elle plus tard que son mari lui a fait réaliser qu’elle aurait pu avoir été blessée ou même pire…

Aujourd’hui encore, elle revoit le visage de son agresseur. « Je vois son visage et je vois le sang qui coule sur son menton. Ça me traumatisée car il aurait pu m’avoir fait plus de mal », dit Vimy qui ne souhaite à personne, surtout aucune femme, de vivre ce traumatisme. Même si le voleur lui a demandé pardon. « Li dir pardonne-moi, mo dan bez. Pardonne-moi », se souvient Vimy. Mais difficile de pardonner à cet instant. « Pa kapav rod profite lezot dimoun, utilise violence, bouscule ou dan ou trankilité kan ou ou dan bez. Tout le monde a ses problèmes, mais il ne faut pas voler et attaquer », dit Vimy. « Femme, si jamais ça vous arrive de vous faire attaquer, je vous conseille de crier aussi fort que vous pouvez. J’espère que toute autre victime trouvera sur sa route un bon samaritain, comme moi, pour l’aider », ajoute Vimy, louant encore l’acte de bravoure de Roy Ajodha. « Souvent, les gens témoignent des scènes de violence, mais restent les bras croisés. Ils restent là comme des observateurs sans lever le petit doigt, par peur, ou simplement pour ne pas s’en mêler. Au contraire, il faut des gestes citoyens pour que cesse la violence, pour que les voleurs arrêtent leurs actes. Ce qui m’est arrivé peut arriver à n’importe qui. Que l’on soit chef d’entreprise, femme au foyer, boutiquière… Nous sommes tous vulnérables et dans la rue quand nous marchons, nous sommes de simples citoyens, comme n’importe qui. Alors quelle que soit notre position, quelle que soit notre métier ou autre, il faut aider son prochain quand l’autre est en détresse », dit Vimy.

Roy Ajodha, qui ne cesse de recevoir depuis mercredi dernier des félicitations de toutes parts, parle, lui, « d’acte citoyen ». « J’ai fait mon devoir. Et c’est ainsi que devrait agir tout citoyen. Venir en aide aux autres. Braver les risques pour aider son prochain en détresse », dit-il.

Des héros comme lui, il en faut…

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