Patrick Assirvaden, président du Ptr : « Tôt ou tard, il faudra un autre leader, mais l’heure n’est pas arrivée »

Le président du PTr, Patrick Assirvaden, s’est confié à Week-End à la veille du congrès d’aujourd’hui, où les travaillistes vont renouveler ou faire évoluer toutes leurs instances, l’exécutif du parti et le leadership en particulier. Si sur un plan personnel il acceptera tout poste qui lui sera attribué, pour le leadership, il pense que Navin Ramgoolam reste la valeur sûre pour assurer ensuite la nécessaire transition pour un plus jeune car, qu’on le veuille ou non, tout le monde est de passage. Il appelle à toutes les forces de l’opposition de se réunir autour du leader des rouges pour faire partir le PM Pravind Jugnauth, qui a la mainmise sur toutes les institutions et le MSM, qui est le parti de la « décadence » et du « népotisme », alors que la population subit fortement les effets de la crise économique.

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À la veille du congrès du PTr qui se tient demain (aujourd’hui), après deux ans de Covid, quel est le mood chez les rouges ?

— Nous avons un mood de combattants. J’ai fait plusieurs réunions à travers le pays et je note un enthousiasme de nos membres. Il y a un engouement des anciens, mais aussi des jeunes, de jeunes cadres, de jeunes de la trentaine passée… qui souhaitent faire quelque chose pour leur pays et désirent intégrer le PTr et être porteurs de cette transition que le parti veut apporter.

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Ce congrès se tient dans la perspective de la restructuration et du renouvellement des instances du PTr. Qu’en attendez-vous ?

— Tout parti qui n’arrive pas à se renouveler, à se reformer et qui ne vient pas avec de nouveaux visages, de nouvelles idées, est voué à l’échec. Il meurt tôt ou tard. Le PTr est condamné à se renouveler, à se reformer. Que ce soit Navin Ramgoolam, Shakeel Mohamed, Arvin Boolell ou moi, nous sommes des gens de passage. Il arrivera un moment où nous allons devoir passer le flambeau. Pour le faire, nous devons nous assurer, en tant que dirigeants responsables, qu’il y ait une pérennité du PTr. Cette pérennité commence avec notre congrès. Il ne s’agit pas seulement de changer un visage ou un nom et d’en mettre un autre. Il y a une philosophie travailliste, une manière de gouverner travailliste, un idéal travailliste… Tout cela doit être transmis aux jeunes pour qu’ils les modernisent afin qu’ils répondent à l’attente de 2022. C’est cela que j’attends.

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— Ces derniers jours, il y a eu de forts lobbies pour intégrer ce qu’on appelle de nouvelles têtes. Qui sont-ils ? Auront-ils vraiment un rôle à jouer dans les hautes instances du parti ?

Il y a toujours eu des lobbies au PTr. Ce n’est pas nouveau. Pour obtenir des tickets pour les élections, pour intégrer l’exécutif, pour le BP… Et cela est sain pour la démocratie, car cela démontre l’engouement, l’envie de servir à travers le PTr. Mais cela ne veut pas dire que nous ne devons pas écouter les lobbies ou que nous devons écouter tout ce que disent les lobbies. C’est à nous, les dirigeants, de savoir faire un bon choix, une bonne balance, en gardant les anciens, ceux expérimentés — je n’aime pas trop le mot ancien, je préfère le mot expérimenté —, car il faut de l’expérience pour diriger un parti comme le PTr. Les nouvelles têtes qui vont faire leur entrée seront encadrées et feront leurs preuves en temps et lieu. Et la clé du PTr sera remise au moment opportun à ces jeunes qui continueront l’histoire du PTr d’une façon pérenne.

Donc, les lobbies ont marché cette semaine ?

— Tout dépend de ce qu’on appelle lobbies. Il ne faut pas prendre le mot lobby comme une mauvaise chose. Quelquefois, c’est nécessaire. Quand nous avions mis un vote aux Nations Unies sur l’affaire des Chagos, Maurice est allée faire un lobby. Il se peut que certains lobbies soient acceptés. Il se peut aussi que certaines choses ne soient pas possibles. La responsabilité repose sur les dirigeants du PTr. Le PTr a un leader, mais ses décisions sont prises, depuis quelque temps, de façon collégiale. Et c’est bien. C’est bien pour le leader. C’est bien pour le parti. C’est bien pour l’avenir du partir. Pa ti ena tro sa lontan. Mais aujourd’hui, Navin Ramgoolam délègue beaucoup de choses.

Allez-vous rempiler à la présidence du parti ?

— Attendons dimanche. Il y a une assemblée avec un agenda de plusieurs choses. L’organising committee du PTr décidera de ce qu’il en est de la présidence, du leadership, des exécutifs qui seront élus. Chaque personne est appelée à servir d’une façon ou d’une autre les instances du parti. J’ai servi le parti humblement en tant que président pendant plus de sept ans. Et c’est un honneur. Je dois au PTr et à son leadership beaucoup de choses, en termes d’achievements, d’ambitions politiques, de pousser en avant mes idées… C’est pour cette raison que je fais tout — même au détriment des fois de certaines personnes ou de ma relation avec le Dr Ramgoolam — dans l’intérêt du PTr. Tant que les membres et la direction du PTr penseront qu’il est important que je serve le parti en tant que président, je serai là. Peu importent les positions où je serai, mes convictions restent les mêmes.

— On connaît vos convictions à l’effet que Navin Ramgoolam demeure le leader du parti. Pensez-vous que cela fasse toujours l’unanimité, car on a vu certains lobbies tenter de pousser quelques ambitions ?

— J’ai mes convictions, mais je peux dire haut et fort que je dis au Dr Ramgoolam ses quatre vérités quand il le faut. Bien souvent, nos discussions sont hot. Ma fidélité et mon admiration pour Navin Ramgoolam ne font pas de moi un paillasson ou un béni-oui-oui. Je crois toujours que Navin Ramgoolam est non seulement un Premier ministre de la transition, mais aussi un leader de la transition. Avec son expérience, avec tout ce qu’il a acquis comme savoir-faire, comme vision, comme coups dans la vie aussi, et les développements qu’il a apportés dans le pays, avec son âge, je pense qu’il prépare la relève. Tôt ou tard, que ce soit en termes de leader, secrétaire général, président, direction du parti… le flambeau du PTr sera passé à un jeune. Et c’est important pour nous de donner la chance à certaines personnes de commencer à apprendre au sein du PTr. C’est ce que nous faisons : nous nous assurons qu’il y ait un bon dosage de jeunes dans l’exécutif d’abord, ensuite au sein du BP, pour qu’ils apprennent comment le parti fonctionne, quels sont ses points forts, son impact dans la vie de tous les jours et ses faiblesses aussi. Et cette équipe, ensemble avec le leadership, tôt ou tard, désignera un autre leader. Mais l’heure n’est pas encore arrivée. Le leadership de Ramgoolam fait l’unanimité. Aujourd’hui, nous sommes dans un contexte où nous avons à affronter un Premier ministre MSM, qui joue de l’argent, des menaces, du népotisme… Nous devons nous assurer que nous ayons un PM qui répondra à l’attente de la population face à tous ces enjeux. Cela apporte la stabilité, la vision et le développement dont un pays a besoin. Ce n’est pas un choix basé sur un coup de tête. Et à cet égard, le PTr est un parti responsable.

Ce congrès va-t-il aborder la question du front patriotique pour « fer gouvernma ale » et des alliances pour les municipales et les générales ?

— Ce congrès va permettre beaucoup de choses. Il va permettre le renouvellement de l’exécutif et aussi de jeter les grandes lignes des années à venir, l’orientation politique du PTr vers la reconquête du pouvoir. Et nous pensons dans la conjoncture qu’il faut un regroupement autour du PTr. Ce n’est pas une question d’ego ou d’être faiseur, d’arrogance ou d’ambition. C’est une question qu’il faut un moteur dans toute chose, et ce moteur-là doit être le PTr, pour qu’autour de cela se greffent nos partenaires dans l’opposition, et qu’on puisse présenter l’alternance et l’alternative à la population. S’il faut que le PTr se montre humble vis-à-vis de ses partenaires, il faut aussi reconnaître sa contribution et son importance dans le paysage politique mauricien et à l’Assemblée nationale. Nous représentons ce que nous représentons aujourd’hui, et on ne peut pas en faire fi. Le travaillisme, c’est une philosophie de vie, tout comme le MSM représente la décadence, le népotisme. Aujourd’hui, le pays a besoin de quelqu’un et d’un parti qui inspirent confiance à la majorité de la population. Pour cela, il faut regrouper autour de nous les autres tendances, les autres sensibilités, qui ont déjà dirigé le pays et qui sont importantes dans le pays. Ils ont une expérience du pouvoir. Ils ont un vécu. Ensemble avec nous, et peut-être avec d’autres acteurs de la vie politique mauricienne, pas nécessairement au Parlement, nous pouvons créer un front pour sauver le pays. Le pays demande à être sauvé. Kot ou pase partou, ki Morisien pe dir ? Nepli kapav. Les Mauriciens sont las.

Du coup, le PTr envisage-t-il toujours une “alliance” avec l’Espoir, incluant Bodha ?

— Nous ne sommes pas là pour exclure qui que ce soit. L’exclusion n’a jamais été dans la philosophie du PTr. Que ce soit sir Seewoosagur ou Navin, les Ramgoolam ont une philosophie : live and let live. Les deux Ramgoolam que nous avons eus comme Premiers ministres ont tout le temps rassemblé. Nous ne sommes pas là, à deux ans et demi des élections générales, à fermer l’option du MMM, de l’Espoir ou de qui que ce soit. Nous n’avons rien de personnel envers M. Bodha. Mais nous disons que toute chose doit avoir un rationnel. Si vous ne reconnaissez pas le poids du PTr dans l’histoire et son poids électoral, nous n’arriverons pas à quelque chose de concret. Comme le MMM et celui de ses dirigeants et leur contribution dans l’histoire. Idem pour le PMSD. Nous reconnaissons aussi certains partis extraparlementaires comme Rezistans ek Alternativ qui a une conviction, une constance… Nous avons dit que si nous construisons quelque chose autour du PTr, 90% du travail est fait et pensons que le prochain PM doit être issu du PTr. Le prochain PM doit être quelqu’un qui a de l’expérience, une vision et qui est un rassembleur. Quelqu’un qui a déjà vécu 80% de sa vie, qui n’a rien à prouver et qui est là pour passer le flambeau.
Nous avons un Premier ministre novice qui est passé par l’imposte en 2017, et nous savons dans quelles conditions Pravind Jugnauth est devenu PM en 2019. Nous avons vu le résultat catastrophique aujourd’hui. Avec ce GM, tout est possible. Parfois, j’ai honte d’être appelé honorable membre quand un honorable membre pe bat enn infirmie en toute impunité, comme si de rien n’était. Où allons-nous ? Les institutions sont politisées à outrance. Qu’est devenu le Parlement ? Je suis une victime du Parlement et du speaker. Comme Shakeel, j’ai aussi une grande gueule. Je n’ai pas été envoyé là-bas pour fermer ma bouche quand Veena Ramgoolam est attaquée bassement. Zame mo pa pou ferm mo labous. Si c’est à refaire, je le referai. Mais il y a certaines choses sur lesquelles il ne peut pas y avoir de compromis !
Quand on regarde ce qu’est devenu le Parlement, nos institutions, le PMO, kot ou trouve let anonim pe sorti biro Premie minis pou abat enn président de la République, vous réalisez où nous sommes parvenus. Tout cela fait que nous ne devons pas faire du rassemblement de l’opposition une affaire d’ego, une guerre de sièges, de députés, de ministres… Le plus important, c’est l’équipe et le programme de rupture que nous avons.

Malgré les scandales où il a été mis en cause, Pravind Jugnauth arrive tout de même à galvaniser son gouvernement et ses partisans lors des meetings en marge du 40e anniversaire du MSM. Votre sentiment ?

— À la veille de 2014, nous avions rempli le centre Vivekananda à flots avec un déversement de la population, avec des milliers et des milliers de partisans. Quelques mois plus tard, nous avons été balayés. Pravind Jugnauth donne l’impression d’être serein. Il donne l’impression d’être aimé et soutenu par la population, alors que nous savons que la vérité est tout autre. Tout le monde le voit. Tout le monde sait combien d’autobus sont « importés ». Tout le monde témoigne des mêmes discours chaque jour, des mêmes visages dans les congrès. Il ne faut pas croire que 1200-1500 partisans dans un congrès sont en train d’apporter leur soutien à un gouvernement de Pravind Jugnauth, kot à la fin, il y a cette carotte d’un travail, d’une promotion, de tir case lapolis…

Parallèlement, le PM tire à boulets rouges sur ses dénonciateurs : Sherry Singh et ses business à Maurice ou à l’étranger et Akil Bissessur, arrêté dans une histoire de possession de drogue alléguée. Qu’avez-vous à dire ?

— Pravind Jugnauth ment. Akil Bissessur n’a jamais été dans les instances du PTr. Akil Bissessur est assez grand, et ses avocats aussi pour s’occuper de son cas. Nous avons entendu du négatif à l’encontre d’Akil Bissessur et du négatif à l’encontre de la police. L’enquête, le magistrat, la cour décideront. Au PTr, nous avons un respect des institutions. Celui ou celle qui a fauté paiera. Celui ou celle qui a fait de mauvaises choses, que ce soit la police ou Akil, devront prendre leurs responsabilités.

Pravind Jugnauth tente de salir et d’embarrasser le PTr avec cette affaire de drogue. La vérité, c’est que chaque fois que le MSM est au pouvoir, il y a une recrudescence de la drogue dans le pays. Il devrait balayer devant sa porte. Rappelez-vous de l’affaire brown sugar en 1983-85. Savez-vous que la drogue synthétique a fait son apparition en 2014-15, alors que le PTr avait quitté le pouvoir ? Vous souvenez-vous d’un certain Deodanee ki ti pe may likou Pravind Jugnauth ? Le rapport de la commission Lam Shang Leen cite 13 personnes, dont certains étaient des ministres, des membres du Parlement, mais pas un membre du PTr. Je m’arrête là, jusqu’à dimanche. Et je n’ai pas parlé des bonbonnes de gaz, de Kistnah, de tractopelle…. Le PTr a plus de 60 ans d’histoire, et jamais il y a eu un soupçon de quoi que ce soit relatif à la drogue sur nous. Loin de là. Peroumal Veeren a été arrêté quand le Dr Ramgoolam était PM, et il a fait des allégations extrêmement graves à l’encontre de Pravind Jugnauth…

Quant aux affaires liées à Sherry Singh, Pravind Jugnauth se ridiculise. Il lui reproche une affaire de 2018, mais qui était PM en 2018 ? Pravind Jugnauth. En tant que Premier ministre, toutes institutions tombent sous lui. C’est lui qui procède aux nominations à l’ICAC, à la FSC, à la FIU, la police, l’ADSU, la Banque de Maurice…. Kan ou ena tou sa bann institision-la dan ou lame, ou agir comme Premie minis ! Ou pa al lor kes kamion. Zordi ki li pe dekouver Lamerik lor map ? Ou les ou bann bo-paran ou proches parents aste ek fer transaksion imobilier avek Sherry Singh alor ki ou kone so larzan — manier mo pe ekout Pravind Jugnauth koze — c’est l’argent sale ? Ou bann bo-paran finn aksepte larzan sal ? Dans un cas similaire, celui qui donne et celui qui reçoit, les deux commettent un délit. Il a fallu que l’ex-CEO de MT vienne dire que Pravind Jugnauth est mêlé à l’affaire de snifffing et ait fait une haute trahison pour que le Premier ministre vienne aujourd’hui parler de ses transactions immobilières…

Pravind Jugnauth n’est pas crédible. Il aurait été crédible s’il s’était rendu devant les institutions du pays et déposer les preuves. Là on aurait dit que c’est un PM qui means business et qui a envie de nettoyer le pays. Mais non ! Pouvez-vous me dire quand ils vont s’attarder sur le problème des prix, des devises étrangères, du Covid, de la gestion des écoles au lieu de rameuter des troupes pour les meetings ? Rien n’empêche la tenue des municipales aujourd’hui. Au lieu de faire des congrès bazar, donnez les élections municipales ! Laissons au peuple décider qui doit diriger sa ville. Pravind Jugnauth ne fait que se sauver. Il craint ki balie li aux prochaines élections générales.

Pravind Jugnauth a déclaré que son seul challenger au poste de PM aux prochaines élections générales c’est Navin Ramgoolam. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Pravind Jugnauth donne l’impression d’être serein, tranquille dans sa tête, droit dans ses bottes. Mais dans son for intérieur, il panique. Kan lamor aprose, ena dimounn bat so bann dernie batman et Pravind Jugnauth le fait lui politiquement. Un PM qui a autant de problèmes dans un pays ne peut pas perdre son temps tous les jours dans des congrès. Quand travaille-t-il pour le pays ? Kifer li pe bizin fer Navin Ramgoolam vinn so sib prinsipal en l’attaquant dans tous ses congrès ? Cela veut dire qu’il y a un problème quelque part. Pie ki pena frwi pa gagn kout ros. Dimounn pa avoy kout ros lor pie tamarin. Dimounn avoy kout ros lor pie mang. C’est pour cette raison que nous disons que pour gagner les élections générales, nous devons avoir un PM rassembleur, qui sait diriger le pays, un PM avec ses faiblesses, comme un humain, qui peut transformer le pays là où il est aujourd’hui pour le faire devenir un pays où les jeunes ont le goût de vivre. Et pour cela, il faut que nous mettions tous la tête ensemble.

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