Portrait : JP Chronic, l’âme mauricienne d’Ibiza

L’enfant de La-Tour-Koenig a participé aux plus grosses soirées internationales, mixé dans de prestigieux Night Clubs en Europe et ailleurs. A 42 ans, JP Chronic a regagné la paisibilité de son île natale. Une phase naissante de transmission fuite de ses paroles. Ses ambitions désormais : servir de pont entre l’île Maurice et Ibiza, haut lieu de la night life où il a vécu pendant plusieurs années. De : Joël Achille.

« Au cas où il ne me reste pas beaucoup de temps à passer sur cette terre, je souhaite partager mon expérience ». JP Chronic a dû se résoudre. Son corps ne peut plus tenir les années de fiesta qui ont forgé sa réputation locale et internationale. Aux oubliettes les week-ends interminables à enchainer les évènements du matin jusqu’au soir. A carburer au vodka/redbull pour animer des soirées les unes plus dingues que les autres. Ce destin de Dj, il l’a vécu à plein régime depuis ses 18 ans. Vingt-quatre étés plus tard, il a ralenti la cadence, mais d’autres ambitions l’animent depuis la maison de ses parents, à Albion.

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Rien ne laissait présager pareil parcours à l’international pour cet enfant de La-Tour-Koenig. « Quand je marchais à Ibiza, les gens me connaissait. Ils m’appelaient en pleine rue et prenaient des photos avec moi ». Même parmi les Dj mauriciens, JP Chronic jouit d’une solide réputation. Un guru pour certains, une inspiration pour d’autres. Car lui a vécu ce rêve que beaucoup envient.

Les chupitos sont désormais proscrits. De graves maux d’estomac le menacent s’il se risque à avaler le moindre alcool. Des séquelles indélébiles qui témoignent de ses années endiablées. Désormais, c’est une bouteille d’eau que JP Chronic garde à porter de main. Tout comme son matériel pour découvrir de nouvelles sonorités et explorer le monde de l’électro, en évolution constante. Sa coupe afro identitaire affiche des signes de l’âge.

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Toutefois, son regard distille la même énergie communicative qui lui a aidé à endiabler des foules, dont en Espagne, à Ibiza, en Suisse, en Angleterre, et même au Costa Rica.
La graine de passion pour la musique cultivée depuis son enfance l’a porté jusqu’aux scènes internationales. Petit, se rappelle-t-il, « j’écoutais tous les vinyles et albums que mon père avait ramenés de France ». Deux mallettes pleines pour se lancer dans la quête des musiques de ce monde, à une époque où les recherches devaient se faire « physiquement ».

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Des heures à glaner dans les Music Shops, à s’adonner à du « digging » parmi CD et cassettes afin de dénicher des perles. L’élève du collège Eden consulte également Dj Mag – qui « venait toujours avec un CD » – « pour savoir tout ce qui se passait » à travers le monde.

Les remix à cette époque se faisait « sur cassette » avec les moyens du bord, des équipements rafistoler par des moyens peu orthodoxes. A peine ses dix-huit bougies soufflées que JP Chronic est embauché au Paladium, boîte de nuit populaire de Trianon. Il agit comme sorte de communicant et en profite pour toucher aux platines. « Je mixais une ou deux fois quand le Dj allait aux toilettes ».

C’est aux côtés de Patrice Davrincourt et de Bernard Desmarais qu’il s’accoutume aux variétés à proposer aux foules. Il y avait également Pascal Pierre et sa Boite Tapaz », l’émission immanquable du samedi soir. « J’apprenais tout le temps », indique JP Chronic entre deux gorgées d’eau. « J’ai pris au moins trois ans pour apprendre à bien mixer… seulement bien, pas top. A l’époque, il fallait s’entrainer ».

Au début de la vingtaine, il s’envole pour l’Angleterre et y découvre une flopée de disquaires. « J’y passais des heures », confie-t-il. « Des fois je me demandais si je devais manger ou m’acheter un vinyle ». Pour mixer dans des soirées, il distribue des CD de ses mix à divers acteurs du monde de la nuit. Quand enfin quelqu’un accroche, le jeune homme prépare « des guests lists » et invite des gens en personne. « Le froid » l’éloigne cependant de ces terres. Mais le wagon était déjà lancé.

« The world’s largest nightclub »

C’est l’Espagne qu’il choisit pour poursuivre son parcours. Cette nouvelle étape passe une nouvelle fois par les disquaires « pour savoir qu’est-ce qui marche » aux abords de la méditerranée. Tout prend place au restaurant Montgo di Bongo, en la ville côtière de Xàbia, qui lui donne une chance. JP Chronic attire les foules et l’attention des acteurs de la Nightlife. Des liens se tissent, le réseau de contacts s’élargit et son nom circule. Les années consacrées à sa passion le portent vers un nouvel eldorado, rejoint en quelques heures en ferry. JP Chronic s’installe à Ibiza pour sept années.

La presse espagnole parle de ce phénomène mauricien aux cheveux afro, à l’énergie communicative et au répertoire musical éclectique. Dans le même temps, le Mauricien parcourt l’Espagne et les discothèques européennes. Il se présente devant des foules composées de milliers de personnes toutes massées dans d’immenses discothèques, comme au Privilege (Ibiza), décrit comme « the world’s largest nightclub ». « J’ai déjà mixé devant environ 8 000 personnes. J’avalais du redbull et de la vodka parce que le trac me prenait ».

Des bassistes et percussionnistes l’accompagnent parfois dans des shows qui mêlent des jeux de lasers. Des années folles. « Je mixais de 11h à 16h. Puis j’enchainais dans des clubs de 17h à 8h le lendemain, et ensuite avec l’After de 9h à 15h. Les week-ends débutaient le jeudi et finissaient le lundi. Alors je dormais les lundis, mardis et mercredis ». La question de vie privée dessine un sourire sur son visage. « Comment ? C’était cela ma vie. J’ai eu la chance de n’être que Dj jusqu’ici. Dieu m’a dit ‘tu ne vas faire que ça’ ». Sa jeunesse et la course à pied lui permettent de tenir le rythme. Mais pour combien de temps ?

D’une gueule de bois intenable naît « un lundi » le tract I Will Never Drink Again. Posté il y a huit ans sur YouTube, l’opus porte cette voix des lendemains de cuite et ironise sur ce mantra de « je ne vais plus jamais boire »… jusqu’à la prochaine soirée. Jusqu’au prochain « wanna have a drink ? »

Son corps lui somme peu à peu de ralentir. Les multiples avertissements découlent sur une chute en Suisse et une grave blessure qui nécessite des mois de rééducation. De plus, l’alcool que « j’ai eu en illimité depuis mes 18 ans » ne convient plus à son système, qui le lui rappelle au moindre écart. Il y a cinq ans donc, JP Chronic a regagné l’île Maurice.
L’apprentissage se poursuit dans le milieu hôtelier, avec une playlist sur laquelle « les gens peuvent également s’asseoir et apprécier ». Pour début octobre, deux importants évènements annoncent JP Chronic. L’homme pour qui les nouvelles technologies ont rendu « facile » le mix s’y présentera peut-être sans casque. Dans un monde de clics et d’instantanés, n’importe qui peut se prétendre Dj. Mais qui l’est réellement ? « Sur dix personnes qui se disent Dj, il y en a peut-être un seul qui aime vraiment la musique. Beaucoup font cela pour suivre la mode ».

Qu’adviendra-t-il cependant des années d’expérience acquise loin de sa terre natale ? « Je veux faire les gens de l’île Maurice découvrir les sons d’Ibiza ». En somme, résume-t-il, « agir comme un pont entre Maurice et Ibiza », notamment par l’entremise de Chronovision Ibiza, plate-forme de musique fondée avec le Dj Luis Cossene. JP Chronic espère en outre apprendre à son fils les enseignements d’années derrière les platines, « s’il le souhaite ».

Un ambitieux projet d’école est également en gestation. « Je veux donner l’opportunité aux meilleurs d’ici d’aller mixer à Ibiza ».
Ainsi se pérennisera l’âme mauricienne à Ibiza.

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