Nash Looftun est un homme perdu. Le regard dans le vide, il ressasse les derniers jours, éprouvants pour sa famille. Pour cause, il a perdu sa benjamine. La jeune Saraah, qui s’en est allée sans crier gare. Elle a perdu la vie lors de l’accident impliquant une voiture conduite par un policier, le 4 octobre, à Pointe des Lascar. Le père de famille n’en revient toujours pas qu’il ne reverra plus sa petite dernière. Celle qui lui était très attachée. Celle qui était très proche des siens. Comme de sa grande sœur qui, elle, a survécu à l’accident, alors qu’elle était dans la même voiture que Saraah. C’est un sentiment partagé qui anime Nash Looftun et son épouse Pretty. Si mari et femme pleurent la disparition tragique de leur benjamine, ils se réjouissent que leur fille aînée soit toujours parmi eux et espèrent que la justice primera.
C’est à son retour du cimetière que nous rencontrons Nash Looftun, à sa résidence à Shcoenfeld Road, Rivière du Rempart. Les traits tirés, le regard vide, il se laisse tomber sur une chaise et pousse un soupir. La vie de toute la maisonnée a basculé, dit-il. En six mois, il a perdu deux êtres chers. D’abord sa mère, partie sur la pointe des pieds, il y a six mois. Et maintenant sa benjamine, Saraah, tragiquement emportée lors d’un accident survenu il y a 12 jours. Rien ne laissait présager une telle fin pour Saraah. C’est à un avenir prometteur que conviaient ses parents à l’adolescente de 17 ans, qui envisageait de devenir médecin.
Elève brillante
“Tout avait été programmé pour qu’elle poursuive ses études et qu’elle ait un bel avenir”, confie Pretty, la maman. Les Looftun étaient confiants du beau parcours qu’allait entreprendre leur benjamine, d’autant qu’à l’école, Saraah avait toujours été une élève brillante. Elle a ramené plusieurs prix d’excellence à la maison. Et Saraah avait ce don de s’occuper des autres. “Elle était non seulement intelligente et débrouillarde, mais elle avait aussi cette nature attentionnée pour les autres. Elle s’occupait beaucoup de sa grand-mère et prenait grand soin d’elle”, raconte Pretty. Mais pas que de sa grand-mère. Saraah, de nature extravertie, était aussi populaire dans les groupes qu’elle fréquentait avec sa mère. Et plusieurs fois, elle est venue en aide à des personnes âgées nécessitant des premiers soins. “Elle aurait fait un très bon médecin”, dit sa mère, laissant poindre un sentiment d’amertume face au rêve brisé de sa benjamine.
Chez les Looftun, c’est aussi la colère. Pourquoi ce jeune homme, qui avait consommé de l’alcool, a persisté pour conduire, se demandent-ils, criant à l’irresponsabilité du jeune policier. Surtout que, de l’autre côté, Saraah était une jeune fille responsable, qui savait faire la part des choses, disent ses parents. Ce mardi, elle avait pris part à l’épreuve de chimie pour les examens de SC. Pretty Looftun confie qu’elle a parlé à ses deux filles aux alentours de 11h30 pour prendre de leurs nouvelles et savoir comment s’était déroulée cette première épreuve pour Saraah. “Tout allait bien”, soupire Preety Looftun. Jusqu’à ce fatidique appel d’un numéro inconnu sur son portable, vers 14h30.
C’était sa fille aînée qui avait emprunté le téléphone d’un passant pour informer sa mère qu’avec sa sœur, elles avaient fait un accident et qu’il fallait qu’elle vienne. “L’appel a été très court et j’ai senti qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas. J’ai rappelé sur ce numéro et la personne m’a dit qu’il y a eu un accident que que ma benjamine était blessée. Quand j’ai voulu parler à Saraah, ne serait-ce que pour la rassurer que j’arrivais, la personne au bout du fil m’a dit que Saraah ne pourrait pas parler car elle était blessée au niveau de sa bouche. Malgré mon insistance, la personne ne m’a pas permis de parler à ma fille. Elle m’a dit de venir directement à l’hôpital et a raccroché”, raconte la mère éplorée. Mais à l’hôpital, la mauvaise nouvelle l’attendait déjà. Saraah n’avait pas survécu à l’accident dont a aussi été victime Kelina Mohono-Naiko, une autre adolescente qui se trouvait avec Saraah et sa grande sœur, ainsi que cinq autres occupants dans la voiture conduite par le jeune policier.
Si ce dernier fait l’objet d’une accusation provisoire d’homicide involontaire et de conduite en état d’ivresse, il fait également l’objet d’une charge provisoire d’enlèvement de mineurs. La police a objecté à sa remise en liberté et sa prochaine comparution en Cour de justice est prévue le 18 octobre. Pour les Looftun, il est primordial que justice prime et que le coupable paye “parski linn pran la vie sa deux zenfan-là et laisse aussi des séquelles à jamais pour ceux qui restent.”
