La monarchie britannique : le coût associé, les prérogatives du monarque, sa raison d’être et surtout comment a-t-on pu réduire si considérablement le pouvoir du souverain, autrefois puissant et régnant en maître ?
Cela fait plus d’un mois depuis que la reine Elizabeth II a été inhumée et que Charles III a accédé au trône. Depuis le décès de la reine, le nombre de personnes militant pour une république en Angleterre a considérablement augmenté. Une Anglaise a posté sur sa page Facebook qu’elle a toujours été contre la monarchie mais elle était juste attachée à sa reine. Maintenant qu’elle n’est plus, elle ne voit aucune raison pour continuer à financer la famille royale alors que cet argent aurait pu être redirigé, en forme d’aide humanitaire, s’est-elle exclamée.
Au fait, la monarchie aurait coûté £ 102.4 millions aux contribuables anglais durant l’année financière 2021/22, soit une augmentation de 17% sur l’année précédente selon le rapport financier sur le ‘Sovereign Grant’. Charles III a déclaré qu’il compte réduire, voire éliminer certaines allocations destinées aux membres de la famille royale. Quelques observateurs politiques pensent que le nouveau roi a dû sentir l’hostilité des Anglais à son égard et sa démarche n’est qu’une tentative de conserver son trône.
Dans ce papier nous allons naviguer sur les prérogatives les plus importantes parmi les 55 restantes du monarque, sa contribution au développement de l’empire britannique et la légitimité de sa raison d’être dans une société moderne, ayant l’idée de la démocratie dans ses fondements. Est-ce que cette monarchie améliore, entrave ou ne fait aucune différence dans un État de droit?
Le pouvoir du souverain
Le roi d’Angleterre a très peu de pouvoir comparé aux souverains charismatiques, puissants et seuls maîtres qu’ils furent autrefois. Aujourd’hui les prérogatives royales sont limitées à 55. Comment en est-on arrivé là?
La prérogative royale serait les pouvoirs, droits, privilèges et immunités conférés au monarque. Des juristes et universitaires qualifient ceci de vestiges et résidus de pouvoirs qui restent dévolus à la Couronne. Aujourd’hui, c’est le parlement qui est suprême en Angleterre et les décisions sont prises à la lumière d’une société démocratique. Le concept de prérogative royale remonte à l’époque antérieure à la souveraineté parlementaire, où les monarques étaient de puissants dictateurs régnant sur le principe des droits absolutistes et divins des rois. Ils pouvaient déclarer arbitrairement la guerre, décider des traités, nommer des ministres et des hauts fonctionnaires et imposer des lois et des impôts aux citoyens. Non pardon, aux ‘sujets’.
La quête de dépouiller le monarque des droits absolus a commencé au 13ème siècle lorsque certains barons féodaux ont contraint le roi de l’époque, Jean, à reconnaître les droits des citoyens, ‘les sujets du roi’; la Magna Carta 1215. Il s’agissait d’un premier pas vers les fondements de l’État de droit. L’accord apportait certaines limitations au pouvoir du monarque. Les luttes se poursuivirent au fil des ans et divers événements ont suivi: la destitution de Richard II en 1399 et le vote du ‘Statut des proclamations’ en 1539 supprimant le pouvoir du monarque de gouverner par proclamation.
Le tournant fut cependant le 17ème siècle, lorsque les nobles et le parlement ont conclu un pacte avec Guillaume d’Orange et son épouse Marie, fille du roi Jacques II, et ont organisé une invasion massive, connue sous le nom de ‘la révolution glorieuse’ de l’Angleterre. Le couple fut constitué monarque en échange de la signature de la ‘Déclaration des droits’ de 1689 qui reconnaissait la suprématie parlementaire sur le monarque dans l’élaboration des lois.
Nomination du
Premier ministre
Théoriquement, selon la loi, le monarque est toujours très puissant. La suprématie parlementaire est certes reconnue aujourd’hui mais le monarque a le pouvoir de nommer le Premier ministre et d’autres ministres, des juges, il décide de l’ouverture et de la clôture du Parlement, il peut déclarer la guerre et signer les traités, sans compter sa discrétion à la sanction royale, la miséricorde et l’octroi des honneurs. Dans la pratique, cependant, la plupart de ces pouvoirs sont strictement réglementés par des conventions afin que l’esprit de l’État de droit ne soit pas entravé. Donc, c’est la convention constitutionnelle qui dicte la décision du monarque plutôt que son propre libre arbitre.
Prenons l’exemple de la nomination du Premier ministre et des ministres en vertu des lois ; la loi de 1975 sur la Chambre des lords, la loi de 1972 sur les pensions parlementaires et autres et la loi de 1991 sur les pensions et les salaires ministériels et autres, le monarque a un pouvoir illimité pour nommer le Premier ministre et d’autres ministres. Toutefois, en vertu des conventions constitutionnelles, le monarque nomme la personne qui a la confiance de la majorité à la Chambre des communes. Par conséquent, le Premier ministre est normalement le chef du parti politique majoritaire et est élu démocratiquement. Le monarque, sur l’avis du Premier ministre, nomme ensuite les ministres qui devraient être membres de l’une des chambres, celle des Lords ou des communes.
Sanction royale
(Royal Assent)
La sanction royale est obligatoire pour qu’un projet de loi devienne loi. Théoriquement, le monarque a son mot à dire dans le processus législatif. Mais en réalité, la sanction royale n’est jamais refusée une fois qu’un projet de loi est passé par les procédures parlementaires. La tentative de refus de la sanction royale en 1708 par la reine Anne, à la ratification de l’Acte d’Union de 1707, a catalysé la réduction des prérogatives royales et des actes de réforme du XIXe siècle, a rendu les pouvoirs du monarque purement symboliques et cérémoniels.
La nomination des juges est régie par la loi. Le monarque a le pouvoir de révoquer les juges, à la demande des deux Chambres, s’ils transgressent leurs limites.
L’immunité
de la couronne
Le monarque ne peut pas être poursuivi en cour car tous ceux poursuivis le sont au nom du monarque. Cette immunité a été affirmée et réaffirmée dans diverses affaires, dont ‘Mersey Docks and Harbour Board v Cameron [1865]’, ‘BBC v Johns [1965]’ et ‘Lord Advocate v Dumbarton District Council [1990]’ entre autres. Cette immunité est même étendue aux fonctionnaires de la Couronne dans certaines circonstances.
Même si le monarque ne peut pas être poursuivi, la Couronne (l’institution) n’est cependant pas à l’abri des poursuites civiles à la suite de la loi ‘Crown Proceedings Act’ de 1947.
La clémence
La loi de 1967 sur ‘le droit pénal’ contient une disposition législative qui permet au monarque d’accorder la grâce pour toute infraction. Cela devrait se faire par le biais d’un mandat signé par le souverain et contresigné par le secrétaire d’État. En fait, même si le monarque signe le pardon, il n’a aucune implication dans son attribution. La Commission de révision des affaires criminelles de 1997 identifie les cas et les soumet à la cour d’appel pour examiner les éventuelles fausses couches. Si de nouvelles preuves obtenues ne sont pas admissibles devant les tribunaux, la clémence royale reste une option car elle est flexible.
Les Honneurs
Le Souverain en tant que chef de l’État est la source des honneurs. Toutefois, les candidats sont sélectionnés par le cabinet. Les différents critères de présélection des candidats sont les suivants: bravoure, mérite, talent, service rendu à la nation ainsi de suite. Les médailles sont généralement remises par le Souverain lui-même.
À ce stade, vous direz certainement que les prérogatives du monarque ne sont nullement une entrave à la démocratie. Toutefois, celles conférées au Premier ministre et aux autres ministres sont considérées comme un danger par les observateurs.
Sur la plate-forme internationale, la Couronne peut conclure des traités, déclarer la guerre ou la paix et déployer des troupes. À l’ère moderne, c’est l’exécutif, principalement le Premier ministre, qui assume ces tâches. Ce dernier est beaucoup plus reconnu comme le ‘chef de l’État’, bien que ce soit le monarque, et prend la tête dans des négociations internationales.
Déclarer la guerre, la paix et le déploiement des troupes ont également été pris par l’exécutif plutôt que d’être laissés au monarque. Il s’agit plutôt d’une convention constitutionnelle élaborée au fil du temps. Par exemple, la guerre du Golfe en 1990 était une décision du parlement. Ce dernier devait également approuver le financement de cette guerre. Il en a été de même pour la guerre en Irak de 2003 sous le gouvernement Blair.
Les prérogatives
et l’État de droit
Les pouvoirs de prérogative se sont affaiblis au fil du temps, que ce soit par le biais de lois ou de conventions constitutionnelles. De nombreux parlementaires et universitaires critiquent toujours l’existence de ce pouvoir. Jack Straw, ancien ministre, a déclaré que ‘les pouvoirs de prérogative restent un problème et n’ont pas leur place dans une démocratie occidentale moderne’. En 2004, deux députés avaient fait une représentation auprès du Comité de l’administration publique puisque la prérogative passée aux ministres est une menace car cela ne donne pas au parlement son mot à dire sur la façon dont elle est exercée. En 2007, le député William Hague a déclaré que ‘les pouvoirs de prérogative ne sont pas appropriés dans une constitution moderne’.
Les critiques s’enchaînent mais la monarchie tient toujours, et au modique coût de quelques malheureuses centaines de millions. Ceux en faveur de la république se posent toujours la fameuse question : cette monarchie connaîtra-t-elle un jour le sort du Chêne de La Fontaine face à l’Aquilon?
Références
https://www.lawteacher.net/free-law-essays/constitutional-law/the-royal-prerogative-in-the-uk.php
https://www.tutor2u.net/politics/reference/sources-of-the-uk-constitution-royal-prerogative-powers
https://watermark.silverchair.com
https://www.ucl.ac.uk/constitution-unit/explainers/what-royal-prerogative