— La promotion de sa fille, inéligible au Scheme of Service, au rang de Station Office met le feu aux poudres
— Le CFO avait pourtant reçu une missive du secrétariat du Service civil, le sommant de « launch a fresh advertisement based on the prevailing
Scheme of Service »
Le Chief Fire Officer (CFO) Asok Kumar Kehlary se retrouve actuellement face à une vague de critiques au sein du Mauritius Fire and Rescue Service (MFRS). Ses détracteurs pointent du doigt les faveurs accordées à certains proches dans l’exercice de promotion au rang de Station Officer et de Divisional Officer. Selon eux, Asok Kumar Kehlary a fi du respect du principe de la séniorité relatif au Scheme of Service qui stipule qu’un aspirant au rang de Station Officer doit avoir été « confirmé » à son poste de sapeur-pompier depuis cinq ans. La fille du CFO, qui ne se trouve pas dans cette catégorie, a été autorisée à prendre part aux examens, le 30 avril dernier, qu’elle a complétés avec succès. Cette affaire a mis le feu aux poudres ! Le CFO a poussé l’audace jusqu’à ignorer la missive qu’il a reçue le 20 avril du secrétariat du Service civil, le sommant d’annuler lesdits examens et de « launch a fresh advertisement based on the prevailing Scheme of Service. » Les Senior Station Officers, quant à eux, dénoncent le fait que deux des six candidats qui ont été reçus à l’entretien au poste de Divisional Officer ne sont pas détenteurs d’un diplôme de l’Institution of Fire Engineers (IFE) de la Grande-Bretagne.
Pour le service des pompes, le CFO est l’équivalent du commissaire de police pour la force policière. Asok Kumar Kehlary, qui compte près de 40 ans de service au sein du MFRS, a succédé à Louis Pallen au poste de CFO en mai 2019 après avoir été son adjoint. Au fil des mois, la frustration s’est installée ici et là face à la gestion des affaires du nouveau patron du MFRS. Elle est plus particulièrement vive chez le personnel figurant au bas de l’échelle hiérarchique constituée de sapeurs-pompiers et de sous-officiers qui, pour aspirer à une promotion au rang de Station Officer, doivent passer des examens théoriques et pratiques préparés par la Dicipline Forces Service Commission (DFSC). Préalablement à ces examens qualificatifs, le CFO a le devoir de lancer une Expression of Interest, par le biais d’une missive adressée aux candidats éligibles au Scheme of Service.
Dans ce scheme, il est écrit noir sur blanc qu’un officier doit impérativement avoir été « confirmé à son poste depuis cinq ans » pour postuler… et « non pas avoir cinq ans d’ancienneté au poste. » Or, force est de constater que le lancement et la publication de l’Expression of Interest, en date du 22 décembre 2020, ne s’est pas faite conformément aux règles établies pour les examens du 30 avril 2022. L’actuel CFO, tout en omettant ces détails dans sa lettre, a souligné que ceux qui souhaitent faire l’application doivent appartenir à la catégorie des sapeurs-pompiers et les sous-officiers ayant « cinq années de service » au sein du MFRS.
Au grand dam
de ses collègues
Ayant été mis au parfum de cette incohérence, le secrétariat du Service civil a bien tenté de faire obstacle à la tenue de ces examens en envoyant un courrier officiel à Asok Kumar Kehlary, le 20 avril 2022, afin qu’il relance l’application d’après le Scheme of Service. Sauf que le CFO n’en avait cure et les examens ont bien eu lieu 10 jours plus tard.
Cette attitude très peu conventionelle et de défiance à l’égard des autorités n’est pas anodine. En effet, il n’est un secret pour personne que la fille d’Asok Kumar Kehlary, qui travaille comme sapeur-pompier également, ne remplit pas, à ce stade, les critères d’éligibilité pour gravir les échelons menant à la fonction de Station Officer, cette dernière ayant été confirmée à son poste en 2018. Le sérieux coup de pouce de son proche, au mépris du Scheme of Service, s’est donc avéré décisif pour lui assurer une participation à ces examens, au grand dam de ses nombreux collègues qui n’ont pas eu la chance de bénéficier d’un tel traitement de faveur.
Deux des quatre prétendants inéligibles
Ayant eu vent de ce « passe-droit », un sapeur-pompier a transmis un courrier, le 13 avril 2022, au CFO pour le convaincre de le laisser concourir aux examens : « I am expressing my interest to sit for the exams. Furthermore, I inform you that I was not eligible to sit for the said exams as I had only 3 years since as per Special Order 120 of 2020. As from 13th 2022, I have completed 5 years’ service and am now eligible to sit for the said exams. » Une demande restée lettre morte. On ne sait pas, en revanche, si ce dernier a été mis au parfum des résultats desdits examens, déclarés le 14 octobre dernier, où figure le nom de la progéniture du CFO parmi les officiers propulsés au rang de Station Officer.
Et comme si ça ne suffisait pas, on apprend que le CFO aurait induit les candidats en erreur lors de la publication du syllabus dans l’Expression of Interest en faisant ressortir qu’il y aurait eu « 16 questions supplémentaires » le jour des examens. Sauf que les candidats ont été pris au dépourvu en constatant au final que le programme comportait uniquement « 50 multiple choice questions. »
L’exercice de promotion, réservé aux Senior Station Officers (SSO), au rang de Divisional Officer est également entaché de soupçons de népotisme et de conflit d’intérêts. 10 ans se sont d’ailleurs écoulés depuis la dernière nomination à ce poste jusqu’à ce que le nouveau Scheme of Service lié à ce département soit rendu publique cette année. Pour prendre part aux entretiens menant au poste de Divisional Officer, les SSO doivent concourir et être gradués aux examens organisés par l’Institution of Fire Engineers (IFE), basé en Grande-Bretagne, qui constitue la seule qualification académique reconnue depuis 1992 à la faveur du jugement prononcé dans l’affaire J. G Delano Paul vs THE PUBLIC SERVICE COMMISSION. Parmi les 15 SSO composant le département, six officiers ont répondu à l’appel en vue d’un entretien mené par la DFSC, le 28 septembre dernier. Or, il s’avère que deux des quatre prétendants ne sont pas gradués à l’IFE de la Grande-Bretagne comme le souligne le président de la Federation of Civil Service & Other Unions National Trade Union (FCSOU), Narendranath Gopee, dans une correspondance adressée au Secretary for Public Service, le 29 septembre, auquel il demande de « avoid that the exercise does not depart from the principles of equity and natural justice and that the reputation of the Commission does not get tainted. »
Le CFO est dans le viseur de Narendranath Gopee dans cette affaire. « Pursuant to the DFSC Regulations, the CFO is personally involved in the preparation of the personal files of the officers together with his remarks, to be submitted to the Commission prior to the interview and therfore his presence as a member of the interview panel is not in order as this violates the principle of natural justice that ensures the conduct of an exercise free of conflict of interest according to the doctrine of nemo index in causa, that is, no person can judge a case in which he has a personal interest », peut-on lire dans la missive. Cette nouvelle marque de clanisme irrite les plus anciens officiers qui se donnent corps et âme, au péril de leurs vies, depuis plus de 20 ans. « Li fer rekomandasion e li ena toupe vinn asiz lor komission. Il est grand temps de rétablir le culte du mérite et de l’effort au sein de cette institution », martèle un officier qui dépeint une administration en proie au chaos : « Tou sa bann maldonn ek blokaz promosion-la fer ki ena enn kakofoni pa posib. »