Désiré Elliah, AHRIM : « Nos équipes sont fatiguées, essoufflées
et quelquefois découragées… »
Le DPM Steven Obeegadoo annonce un atelier de travail sur la problématique du tourisme avant la fin de l’année et l’élaboration d’un blueprint de 10 ans pour l’industrie
695 000 arrivées touristiques enregistrées entre janvier et la mi-octobre
Les hôteliers — qui étaient réunis pour l’assemblée générale de l’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’Ile Maurice (AHRIM), mercredi dernier, à l’hôtel Sugar Beach, à l’issue de laquelle Désiré Elliah, Chief Executive Officer (CEO) de Lux* Island Resorts, a été reconduit à la présidence — ont profité de cette réunion à laquelle le Deputy Prime Minister Steven Obeegadoo était présent pour tirer à nouveau la sonnette d’alarme.
Si malgré le climat d’incertitude les indicateurs sont aujourd’hui au vert, le manque d’effectifs dans les établissements hôteliers et l’amélioration de la connectivité aérienne sont les problèmes prioritaires auxquels il est urgent de s’attaquer pour pérenniser la reprise du secteur touristique, disent-ils.
Ce à quoi le Premier ministre adjoint s’est dit “à l’écoute”, annonçant un atelier de travail sur la problématique du tourisme avant la fin de l’année. Parallèlement, le ministère s’est engagé dans l’élaboration d’un blueprint de 10 ans pour l’industrie. Une annonce que le Premier ministre lui-même a rappelée lors de l’inauguration de l’établissement 5 étoiles Lux*
Grand-Baie, vendredi soir.
Après deux années de vaches maigres et pratiquement sans opérations, le secteur hôtelier a renoué avec la profitabilité, certains mieux que d’autres, a observé le président de l’AHRIM, qui se réjouit qu’avec ce regain d’activité, l’industrie peut de nouveau permettre à l’économie et aux 125 000 personnes qui vivent directement et indirectement du tourisme de recommencer à respirer. Mais si la bonne performance du secteur — avec 695 000 arrivées touristiques enregistrées entre janvier et la mi-octobre, dont une pointe de 95% enregistrée en octobre, contre 115 000 visiteurs entre janvier et novembre 2021 — dépasse les espérances (certains marchés excédant même le niveau prépandémique) et que le secteur s’apprête à franchir la barre du million de touristes, certaines conditions sont essentielles pour maintenir la relance.
C’est le message passé par le président de l’AHRIM, qui s’appesantit sur la nécessité de la main-d’oeuvre étrangère dans le secteur. Surtout que pour pérenniser la relance et relever les défis du « new normal », il est primordial de s’attarder sur le client lui-même. D’où l’importance de la qualité de l’accueil, aujourd’hui deux fois plus importante qu’elle ne l’était avant la pandémie, dit Désiré Elliah, qui explique que le touriste d’aujourd’hui “n’est plus tout à fait le même.” Outre une tendance à prendre l’avion moins souvent et mais pour des séjours plus longs, le client veut de l’excellence, explique-t-il.
Accueil légendaire en péril
Or, l’accueil est mis en péril par le manque d’effectifs hôteliers. “Nos équipes sont fatiguées, essoufflées et quelquefois découragées. Elles se retrouvent de devoir compenser l’absence de leurs collègues qui, à la veille de la réouverture, ont choisi de quitter leurs postes. Aujourd’hui, nos hôtels travaillent tous, sans exception, avec 10 à 15% de personnel en moins. Cela se ressent forcément sur cette excellence qu’attendent nos visiteurs”, avance l’AHRIM. Cela, alors que pour un service d’hôtel de luxe, c’est un ratio de trois personnes pour une chambre, souligne Désiré Elliah, considérant qu’il faut réagir rapidement, car “opérer un établissement avec un effectif réduit, c’est risquer de compromettre le sourire mauricien.” D’où la demande des hôteliers pour un recrutement temporaire de travailleurs étrangers qui, si bien formés en service hôtelier, peuvent sauver l’image de la destination.
“La relance ne peut attendre. Nous devons saisir les opportunités du moment et nous donner maintenant les moyens de réussir pleinement la relance”, fait ressortir le président de l’AHRIM. D’autant que les prévisions pour les trois prochains mois sont des plus rassurantes et que les 1,4 million de touristes projetés par les autorités semblent bel et bien à la portée de l’industrie. Cela, si tous les moyens sont mis à contribution, estime l’AHRIM. Désiré Elliah en profite pour faire un plaidoyer pour une meilleure connectivité aérienne avec la nécessité de maintenir les efforts pour décrocher des vols supplémentaires qui permettront d’atteindre 1,4 million de visiteurs l’année prochaine. « L’attractivité dont bénéficie ces jours-ci notre destination va certainement attirer l’attention des compagnies aériennes. Rétablir pleinement Air Mauritius nous permettra de consolider cette confiance et de concrétiser de fructueux partenariats pour de nouvelles dessertes », estime-t-il.
« Promenade bouleversante au Jardin botanique… »
L’attractivité de la destination, c’est aussi les produits proposés aux clients ,dont l’attente est désormais différente. « Ils ont une envie décuplée d’oxygène, d’expérience et de partage. Ils veulent sortir des hôtels, sentir la destination. La crise doit être un accélérateur dans la transformation de notre offre. Nous devons donner à notre destination plus de substance », souligne l’AHRIM. Dans le contexte, il est important que les monuments, les sites historiques, le transport public, les cœurs de village… tous ces points de contact qui laisseront des souvenirs aux touristes soient tout aussi soignés que l’accueil.
« Ce n’est pas normal que le touriste s’extasie devant un jardin d’hôtel et revienne complètement bouleversé d’une promenade dans notre mythique jardin botanique… », déplore Désiré Elliah, qui plaide pour une analyse commune des solutions « pour réduire l’écart malheureux entre les structures privées et les structures publiques », avec l’objectif de « réinsuffler de la magie à la destination. »
Steven Obeegadoo s’est pour sa part réjoui des efforts conjoints des secteurs public et privé pour la progression du secteur ces derniers mois, après la période de pandémie qui a largement impacté l’industrie. Affirmant être à l’écoute des demandes de l’industrie touristique, il laisse comprendre que les questions de manque d’effectifs et de connectivité doivent être examinées avec attention et de manière consensuelle. Faisant ressortir que « gouverner impose de prendre des décisions courageuses et parfois de manière très rapide », le ministre du Tourisme explique qu’il faut néanmoins prendre le temps nécessaire afin de bien comprendre la situation.
Et « si nous sommes très attentifs et sommes conscients de l’urgence de la question, nous ferons les choses avec vous et avec tous les autres partenaires », dit-il, annonçant dans le sillage l’organisation d’un atelier de travail sur la problématique du tourisme avant la fin de l’année. Steven Obeegadoo évoque également la nécessité de développer une vision stratégique commune et pleinement assumée par un partenariat public-privé. Cela devrait se concrétiser à travers un plan de stratégie touristique s’échelonnant sur dix ans en élaboration.