En 136 pages de son rapport annuel au 30 juin dernier, la force policière dévoile la face cachée Post-Covid-19 de l’île Maurice.
S du côté glossy le commissaire de police, Anil Kumar Dip, s’évertue de se féliciter du fait qu’avec un taux de criminalité de 3,69% du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022 le pays enregistre des chiffres les plus pas de ces cinq dernières années, par contre, si l’on fait la comparaison de l’évolution du Law and Order dans le pays au cours de cette période minimale de cinq ans, les misdemeanours ont progressé de l’ordre de 55,6%.
C’est ce que révèlent les statistiques qui peuvent être consultées dans ce même rapport. D’autre part, pour ce qui est des perspectives, notamment au chapitre des Trend and Challenges, notamment pour le Threat Assessment, les Police Headquarters des Line Barracks, et encore moins l’Hôtel du Gouvernement, ne peuvent se voiler la face. Le cocktail social explosif se décline avec une bonne dose de stupéfiants, conséquence de la montée exponentielle des abus de drogues synthétiques, assaisonné d’insécurité routière en dépit des différentes campagnes de prévention et des soupçons de violence domestique dans les foyers. Un autre détail qui pourrait passer inaperçu aussi longtemps que ce problème ne concerne pas l’individu directement est qu’en une année, 1 193 personnes sont rapportées missing à la police, soit une moyenne de trois par jour, avec 655, soit un sur deux portés toujours manquants à ce jour.
Après une présentation exhaustive, échelonnée sur quatre volets de la performance des différentes divisions de la force policière, le commissaire Dip souligne que « for any Police Force to discharge its responsibilities in the most efficient manner, it is vital that Mauritius Police Force continuously evaluates the challenges and threats that it faces in order to deal with them effectively. » À cet effet, le Threat Assessment en matière de sécurité intérieure et extérieure et de Law & Order identifie les dangers majeurs qui guettent la société, dont :
la prolifération de la drogue dans le pays et ses conséquences sur la jeunesse en particulier,
l’insécurité routière avec le nombre d’accidents, les uns aussi meurtriers que les autres, notamment au détriment des motocyclistes
l’Anti-Social Behaviour de plus en plus évident de la jeunesse, dont des incidents aussi violents que ce soit à la sortie des classes ou dans des lieux publics ou
encore la violence domestique, qui fait toujours rage dans des foyers à Maurice.
À ces ingrédients qui gagnent en intensité en matière de menaces à la sécurité du Mauricien viennent se greffer des délits de violence physique, des cas de fraude et d’infractions aux dispositions sous l’ICT Act, et sans compter les cas d’agression sexuelle avec des mineurs pour victimes. En vue de confronter ces facteurs souvent hors de tout contrôle, le commissaire de police se dit pourtant confiant que « despite the numerous challenges during the past year, police are making good progress on almost all fronts », en ajoutant que le Police Strategic Plan 2022-2025 prévoit des éléments avec pour objectif de « improving our service delivery and at the same time bolstering our effectiveness in the prevention and detection of crimes. »
En attendant, le bilan établi pour l’année se terminant au 30 juin dernier fait état d’un crime rate de 3,69% en une année, contre 3,49% l’année dernière, alors que le nombre global de délits, soit crimes, misdemeanours and drug related offences, rapportés à la police est passé de 52 108 au 30 juin 2011 à 55 208 au 30 juin dernier. « it is to be noted that there is an increase of 5,65% in the number of reported crime, when comparing the last two financial years », affirme le rapport.
Vols : tableau noir
D’une année à l’autre, au titre du Crime Against Persons, la police fait état d’une baisse dans le nombre de cas de meurtres, d’agression avec préméditation et de breach of computer misuse ou autres délits sous la Cybercrime Act. Par contre, les délits de pédophilie et d’agression sexuelle contre des mineurs sont en hausse, soit un total de 385
— au moins un cas par jour.
Néanmoins, si l’évolution du nombre de misdemeanours est analysée sur une période plus longue, soit de 2017 à 2022, la conclusion de sérénité est ébranlée. En effet, le taux de croissance est de 55,6%, soit de 35 471 cas en 2017 à 55 208 au 30 juin dernier. D’ailleurs, le rapport peut difficilement occulter ce fait en soulignant que « ‘the trend is on the rise » au bas du Chart of Misdemeanour Reported pour la période susmentionnée.
Le rapport annuel de la police concède que, « however, the number of offences against property, offences related to fraud and dishonesty and offences under the Bail Act have increased during the financial year July 2021 to June 2022 ». En même temps, 6 917 cas d’infraction ont été enregistrés sous la Bail Act en une année, soit 52% de plus que précédemment.
Le tableau consacré au nom de vol (Larceny) ne cesse de se noircir au fil des années en dépit d’une présence dite dissuasive de la police sur le terrain. De 2017 à 2022, les cas ont augmenté de 13 984 à 15 044. Une nette détérioration est relevée pour cette dernière avec une augmentation de quelque 3 000 cas. Pour la période de 2017 à 2020, la tendance en ce qui concerne le nombre de vols avait connu une réduction, passant de 13 984 en 2017/18 pour descendre à 13 000 à la fin de juin 2020.
Le premier confinement dû au Covid-19 à partir de mars 2020 a eu pour conséquence que les opportunités pour commettre des cambriolages avaient été complètement réduites vu l’interdiction de circuler sur la voie publique sans aucune raison valable. Mais depuis juillet 2021, avec la levée graduelle des contrôles sanitaires, ce chiffre est reparti à la hausse pour atteindre un nouveau sommet, passant de 12 229 au 30 juin 2017 à 15 044 à la fin de juin dernier.
Dans la lutte contre la criminalité et autres activités illicites, la police adopte une Three-Tier, Strategy, notamment des opérations au niveau du Force Level, du Divisional Level et du Station Level. « The strategy is to occupy the ground and monitor wrongdoers constantly and deal with them severely. Such operations comprise patrols, stop and search, HCs check, checking of licensed premises, execution of warrants, seaborne and airborne surveillance, amongst others » , indique le rapport.
À titre d’indication, les membres de la force policière ont mené pour la dernière année un peu plus de 400 000 auto/moto checks sur la route, représentant un millier par jour. Ce chiffre est en hausse substantielle par rapport aux 103 339 de 2020-21, confinement oblige. De ces 400 247 checks de routine sur la route, 41 776 contraventions ont été servies.
« Backlog » de dossiers à compléter
En une année, la police annonce 26 376 warrants pour divers délits, avec le plus grand nombre, soit au-delà de la barre des 5 000, à l’Est du pays (6 049), à la Western Division (5 123), à la Northern Division (5 113) et à Port-Louis (Metropolitan North et Metropolitan South) avec 4 761 warrants. Le Sud a dû se contenter de 3 811 warrants et la Central Division que de 1 524.
Le monitoring des habitual criminals est un aspect crucial dans le travail de prévention de la police. Au 30 juin, le nombre de HCs constituant les fichiers de la police est de 6 377, dont 477 sous supervision directe. La région de Port-Louis, soit la Metropolitan North et South et la Western Division se taillent la part du lion, avec 1 651 HCs et 1 475 respectivement à contrôler de manière systématique.
Dans les autres divisions, le nombre est inférieur à un millier, dont 985 dans le Nord, 879 dans le Sud, 808 dans l’Eastern Division, 579 à la Central Division. Ainsi, en une année, la police a effectué 15 620 contrôles sur ces récidivistes notoires et procédé à l’arrestation de 1 756 pour avoir commis d’autres délits.
L’indicateur de performance de l’efficacité de l’action de l’action de la police se situe au niveau du backlog de dossiers à compléter. Au 30 juin dernier, les Police Headquarters des Casernes Centrales avaient relevé 148 317 outstanding cases, dont 93 206 cas de contravention, 50 894 dossiers de misdemeanour et 217 « crimes ».
Les deux divisions avec le plus grand nombre de dossiers en suspens et devant être résolus sont le Nord avec 49 997, dont 31 090 contraventions, et l’Eastern Division avec 29 543 dossiers in abeyance, y compris 21 398 relevant des infractions au code de la route.
En contrepartie, à la même période, la police avait logé devant les différentes instances judiciaires 97 355 dossiers en vue d’instruire des procès (Main Case), 39 616 dans l’attente des procédures judiciaires, 14 205 inculpations provisoires et 8 380 Provisional Pending Court.
La répartition géographique de ces quelque 100 000 procès au pénal initiés par la police au 30 juin dernier donne Port-Louis (Nord et Sud) : 38 214, Eastern Division : 36 347, et Southern Division : 27 963. Devant les instances compétentes de la Cour intermédiaire, 714 procès ont déjà été disposed (46%), 349 sont en voie d’instruction devant les magistrats (22%) et 503 autres ont été logés, dont au stade préliminaire (32%).
Force est de constater que devant la Cour intermédiaire, « there is an unlimited number of counts under one information ».
Lutte contre la toxicomanie : Saisie de l’ordre de Rs 1 milliard par la police en une année
— L’héroïne caracole en tête avec une valeur marchande de Rs 665 M et le gandia loin derrière (Rs 129 M), mais talonné par les synthétiques, qui se rapprochent de la barre des Rs 100 M
En une année, la valeur marchande de la drogue saisie par la police est de l’ordre de Rs 1 milliard. C’était au 30 juin dernier. Avec les deux récentes opérations d’envergure menées par la PHQ Special Striking Team de l’assistant-surintendant de police Ashik Jagai, avec un Price Tag de l’ordre de Rs 300 millions, la question qui se pose dans la conjoncture est de savoir si la barre de Rs 1 milliard sera crevée lors du prochain bilan annuel au 30 juin 2023. Il n’empêche que pour l’instant, l’héroïne règne en maître, alors que la gandia se cale en deuxième place avec des risques de se voir doubler par la valeur marchande des différentes drogues synthétiques mises hors marché. L’on notera que durant les douze mois se terminant au 30 juin, le nombre d’arrestations pour des délits de toxicomanie est en baisse, soit 3 059, contre 3 476 au 30 juin 2021.
Le bilan des opérations antidrogue indique que la police se retrouve avec de la marchandise d’une valeur de Rs 930 229 407 comme suit :
Héroïne : Rs 656 066 085 pour 44,3 kilos
Gandia : Rs 129 632 412 pour 216,1 kilos, avec 59 332 plants de cannabis déracinés, contre 45 582 au 30 juin 2021
Drogues synthétiques (Medley) : Rs 93,7 millions
Haschisch : Rs 40,9 millions pour 13,7 kilos.
Outre la dimension de répression et compte tenu de la pénétration parmi les jeunes, l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) s’est engagée dans des campagnes de sensibilisation. Toutefois, compte tenu de la gravité de la situation sur le terrain, l’on peut qualifier la démarche de la police comme étant très timide. En une année, le nombre d’étudiants touchés par les causeries de l’ADSU n’est que 14 055, principalement dans 69 collèges et trois institutions supérieures.
Pour devancer les Marsan Lamor qui rodent das les parages des institutions scolaires, les autorités doivent se rendre compte qu’il faudra un bon coup d’accélérateur au tableau de la prévention et de la sensibisation.
Sur les routes: Un Learner sur deux recalé au Driving Test de la Trafic Branch
L’insécurité qui prévaut sur les routes, même si le nombre de victimes au 30 juin est inférieur à celui de la précédente année, continue de préoccuper non seulement les autorités, mais également les usagers. Le rapport annuel de la Mauritius Police Force compilant les chiffres révèle que durant ces douze derniers mois, 7 521 accidents de la route, faisant 102 victimes dans 97 collisions fatales, ont été rapportés à la police En 2020-21, toute proportion gardée, le nombre était de 6 688 avec 120 décès.
Les motocyclistes paient un lourd tribut sur les routes, car encore une fois « out of 97 fatal road accidents, riders remain the most vulnerable group of road users and represent 49% of the total number of victims killed ». Sur ce nombre d’accidents fatals, une quarantaine sont survenues en cours de soirée, soit de 18h à minuit et 54 autres en pleine journée. Une victime sur quatre est âgée de moins de 25 ans, de même qu’une proportion similaire dans la tranche d’âge de plus de 60 ans.
Un détail intéressant découlant des données disponibles à la Traffic Branch est qu’un Learner sur deux est systématiquement recalé lors des driving tests. Au 30 juin dernier, les policiers affectés aux Traffic Examination Centres, soit trois au total, les Line Barracks, Forest-Side et Argy à Flacq, ont mené 68 190 driving tests. Mais le nombre de réussites est de 33 395, contre 34 795 qui ont dû reprendre le driving test à une date ultérieure. La majorité de ceux qui s’inscrivent à ces tests est à la recherche de permis de conduire pour voiture.
Sur les routes, la police continue à sévir, avec 94 311 contraventions en une année, représentant une moyenne de dix par heure. La grosse majorité de ces infractions au code de la route concerne les excès de vitesse, dont 35 701 verbalisés par le truchement de Hand Held Speed Detector et 15 803 par les Fixed Speed Cameras installées à travers l’île.
En parallèle, 756 cas de conduite sous influence de l’alcool ont été sanctionnés, principalement par des éléments de l’Emergency Response Service.
La force policière en chiffres
Effectifs : 13 167 officiers répartis dans 71 Police Stations, 12 Police Posts et 20 National Coast Guard Posts. Entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2022, 249 officiers ont quitté la force ou sont décédés, alors qu’au 12 mars dernier, 558 ont été décorés par les National Awards, dont 69 du President’s Long Service and Good Conduct Medal (18 ans de service),
176 du First Clasp to the President’s Long Service and Good Conduct Medal (25 ans) et
313 Second Clasp to the President’s Long Service and Good Conduct Medal (30 ans).
1 199 policiers ont bénéficié de promotion, dont entre autres dix surintendants promus au grade d’assistant-commissaire, 22 à celui de surintendant, 35 à celui d’assistant-surintendant, quatre Woman Assistant Superintendent, cinq Woman Chief Inspector, 68 chefs inspecteurs, 587 sergents, 21 Woman Police Sergeant, 243 caporaux et 24 Woman Police Corporal.
Transport : la fotte de la police comprend 1 690 véhicules, excluant 236 devant être mis en vente et cinq motocyclettes volées. 1 206, soit trois sur quatre, de ces véhicules ont moins de dix ans avec 204 plus de 15 ans.
Les véhicules de la police ont couvert un peu plus de 26 millions de kilomètres, soit 650 fois le tour de la terre, lors des missions et patrouilles alors que ceux de la Special Mobile Force sont à un peu plus de deux millions de kilomètres parcourus.
En une année, la force policière a consommé 2,5 millions de litres de carburant, soit une moyenne de 10,3 kilomètres par litre. La facture de carburant est de Rs 324 millions en une année.
Du côté de la SMF, la facture est plus modeste avec Rs 10,3 millions pour une consommation de 240 246 kilomètres.