Sobriété et crise énergétique en France : Les étudiants mauriciens témoignent

Sobriété énergétique. Cette nouvelle expression qui a fait son apparition dans le glossaire écologique occupe depuis quelque temps l’actualité, notamment l’actualité européenne. Face à la crise énergétique mondiale, les pays du monde ont décidé d’appliquer des mesures drastiques pour économiser, voire diminuer au maximum la consommation en énergie, poussant ainsi plusieurs villes de France à renoncer au chauffage, en hiver. Comment les étudiants mauriciens, qui ont pour la plupart un budget serré, s’adaptent-ils à ces nouvelles mesures ? Week-End leur a posé la question.

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Leah Coorjee est une jeune Mauricienne en deuxième année de licence en relations internationales à ESPOL, à Lille, en France. Pour elle, « sobriété énergétique est un terme qu’on entend de plus en souvent à la radio, aux infos et sur les réseaux sociaux. Et là, avec la baisse des températures, chose qui a pris du temps d’ailleurs, car on était souvent au-dessus des normales de saison, on expliquait qu’on verrait vraiment comment la population française prendra en compte cette sobriété énergétique lorsqu’on commencera à allumer les chauffages. Donc, là, c’est le cas, le chauffage, il tourne. Après, le terme sobriété énergétique, je ne me sentais pas forcément concernée, parce qu’au début, ils parlaient de mesures régionales municipales. Par exemple, c’était aux mairies de faire attention, avec Paris qui coupait les panneaux publicitaires, et moi je me suis dit que c’est pas juste une question de sobriété écologique sur le moment, parce qu’il y a la guerre en Ukraine. Il faudrait juste le faire tout le temps, parce qu’il n’y a personne qui regarde les publicités dans la rue à minuit. »

Elle poursuit qu’ « après, petit à petit, le terme a été associé aux grands industriels, aux entreprises et puis aux ménages. Et c’est là où on nous a dit qu’il va falloir faire des efforts et les études montrent qu’ils font effectivement des efforts, et je crois que c’est une prise de conscience générale. » Leah Coorjee explique par ailleurs que la sobriété écologique a été rendue plus concrète avec la création d’application pour indiquer la consommation d’énergie avec les voyants vert, orange et rouge avec les réels risques de coupures. Et qu’en tant qu’étudiants, « on le prend au sérieux, même si des fois on en rit, surtout quand on dit qu’on n’a pas de lumière dans une salle, on dit que c’est pour la sobriété énergétique. » Face aux potentielles coupures en janvier, Leah Coorjee attend de voir si les efforts faits en décembre porteront leurs fruits.

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Réduire le budget alimentaire
Quant à la qualité de vie en Europe actuellement, la jeune femme nous confie que ce « ce n’est pas le fait d’être Mauricien, mais le fait d’être étudiant, peu importe d’où l’on vient. Aujourd’hui, dans la situation actuelle, être étudiant c’est très compliqué. Après, il faut nuancer. Par exemple, si je parle du rapport au prix, pour ma part, au début, je convertissais tout tout le temps, sauf qu’on n’a pas les mêmes marques, on mange différemment, il y a beaucoup d’importations à Maurice, il y a plein de variables. » Pour s’adapter à l’inflation, Leah Coorjee a arrêté de tout convertir, « car au fil des mois, on arrive à se faire une idée du budget et à s’y tenir », même si elle avoue qu’une vie mensuelle de courses a augmenté d’une cinquantaine d’euros.

Elle poursuit que si elle a la chance de payer un loyer qui comprend toutes les charges d’eau, d’électricité, etc., tel n’est pas le cas pour tous les étudiants qui doivent par conséquent réduire leur budget alimentaire pour s’en sortir. « On voit de plus en plus de queues au niveau des épiceries solidaires, puisqu’il y a une vraie précarité étudiante ! » dit-elle. Toutefois, Leah Coorjee se veut rassurante pour ceux qui souhaiteraient venir étudier en Europe, malgré la crise énergétique et économique. « La qualité de vie ne change pas vraiment, c’est plutôt un changement de vie avec un environnement différent et une ouverture au monde tout simplement. »

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Se vêtir chaudement
Julie est une autre étudiante en audiovisuel à Paris. Elle nous confie qu’ « en tant qu’étudiante, je vis avec un budget limité. Je peux dire que la sobriété énergétique, je la pratiquais déjà. Depuis que je suis en France, je n’ai jamais allumé le chauffage en hiver. J’essaie plutôt de me vêtir chaudement. Jusqu’ici, j’ai pu faire avec. Idem pour la plaque de cuisson que je n’utilise qu’une fois par jour. La facture d’électricité pour un étudiant est de 50 euros en moyenne. En roupie cela fait environ Rs 2 250. C’est déjà beaucoup. » Quant au coût de la vie, elle confie que ce n’est pas toujours facile. « Avec la roupie qui a été dévaluée et l’inflation au niveau mondial, c’est sûr que le coût de la vie a beaucoup augmenté. Quand on va au supermarché, on se rend compte que les produits qu’on achète habituellement ont augmenté en moyenne par 50 centimes ou 1 euro. Même le mine Apollo mauricien qu’on trouve habituellement chez Carrefour a augmenté ! »
Et si l’hiver sous les tropiques n’est pas aussi rude que sur le vieux continent, force est de constater que Maurice aussi devra se préparer. D’ailleurs, le rapport Klima de la Mauritius Commercial Bank (MCB) indique que « pour diviser par deux l’intensité énergétique à l’horizon 2050 à Maurice, il faudra miser sur la sobriété énergétique, mais également réduire les distances du transport international et développer l’économie circulaire. »

« Il faudrait le faire tout le temps »
Hans est un Mauricien qui habite à Paris depuis maintenant plusieurs années. Il vient de finir ses études et nous confie que « pour le moment, on ne sent pas encore les effets de la crise, car généralement, on paie les factures deux ou trois mois à l’avance, mais je sens que la note sera salée. » Ce dernier note cependant que le prix de l’essence a encore augmenté et que cela devient de plus en plus compliqué de joindre les deux bouts. Belinda Moraghen, étudiante de Master en études anglophones à Toulouse, ne ressent pas encore les effets de cette nouvelle mesure. « Je ne suis pas impactée pour le moment, car il n’y a rien de très concret qui a été mis en place, à part les lampadaires qui ne sont plus allumés à certains endroits. »

Elle ajoute cependant que, « par contre, je pense que cela est bien beau d’annoncer de telles mesures avec de très beaux discours, etc. Sauf qu’entre-temps, il y a de très grands villages de Noël, hyper éclairés et qui ferment très tard le soir. Donc, c’est un peu hypocrite, même si dans certaines régions, les grosses lumières électriques ont été remplacées par des bougies. En somme, cela ne change pas grand-chose. Je ne dis pas qu’il aurait fallu annuler tout cela, mais cela n’a pas beaucoup de sens. » Quant au coût de la vie pour un étudiant mauricien lambda, en pleine crise énergétique, elle soutient que « le Mauricien est « traceur », car ils ont la culture de travailler et d’étudier en même temps. À Maurice, disons que c’est plus compliqué de trouver un job à temps partiel pour un étudiant, alors qu’en Europe c’est déjà bien ancré dans la culture avec des jobs étudiants et des contrats étudiants, etc. Donc, il y a la possibilité de travailler ici. »

Belinda Moraghen poursuit que « la vie est tellement chère à Maurice qu’on n’arrive pas à voir la différence. Par exemple, il y a deux ans, quand je venais d’arriver à Toulouse, je trouvais que le prix des brèdes Tom Pouce était très élevé, alors que maintenant, ils coûtent presque pareils… le coût de la vie à Maurice arrive presque au même niveau que la vie en Europe, et je trouve cela très chagrinant. »

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