Gestion de la violence en structure d’accueil : le Foyer Père Laval revoit son modèle d’encadrement

Allégations d’abus sexuel contre un pensionnaire par ses camarades…, le personnel pas assez formé…
Jean Maurice Labour : “Notre modèle institutionnel ne répond pas aux normes de la Convention des Droits de l’Enfant”

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C’est en toute humilité et franchise que le président du conseil d’administration du Foyer Père Laval, le père Jean Maurice Labour, concède que la structure d’accueil pour mineurs ne maîtrise pas suffisamment la gestion et la prévention de la violence auprès des enfants en placement. Cette semaine, 5 de ses pensionnaires ont consigné une déposition à la police pour abus sexuels par un de leurs camarades âgé de 17 ans. Le comportement atypique de cet adolescent, jugé instable, avait pourtant été décelé auparavant. Il avait même été vu par la Child Development Unit (CDU). Et “il avait été éloigné des enfants dans les dortoirs”, indique le père Labour. Conscient de l’urgence que représente la nécessité de repenser l’encadrement qu’offre le foyer, il annonce l’arrivée de Lakaz Per Laval, un modèle qui repose sur des parents d’accueil.

Le Foyer Père Laval – structure d’accueil résidentiel pour mineurs nécessitant une assistance spécialisée – est appelé à revoir son modèle d’encadrement. Dans quelques mois, Lakaz Per Laval, avec des parents d’accueil, viendra offrir une prise en charge basée sur la cellule familiale. La gestion d’une situation délicate est venue rappeler l’urgence de pallier l’insuffisance du personnel en matière d’expérience. Au début de cette semaine, cinq de ses jeunes pensionnaires, âgés de 9 à 12 ans, ont consigné une déposition au poste de police de Plaine-Verte pour agression sexuelle. L’auteur incriminé ne serait autre qu’un pensionnaire, plus âgé qu’eux, 17 ans. Si les enfants ont porté plainte à la police, lundi dernier, les faits remonteraient à 2022. Les présumées victimes auraient été abusées à plusieurs reprises, c’est ce qu’elles ont confié à une accompagnatrice sociale du foyer.
“Dès que celle-ci a reçu l’allégation, elle en a avisé la CDU, qui a agi promptement en prenant une déclaration officielle des victimes alléguées avant qu’elles ne soient placées en observation à l’hôpital”, explique le père Jean Maurice Labour, président du conseil d’administration du Foyer Père Laval. Quant à l’adolescent qui aurait abusé ses camarades, il a été arrêté par la police avant d’être “éloigné”, dit le père Labour.

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“Notre modèle de fonctionnement est dépassé”
Cette affaire qui est désormais entre les mains de la justice rappelle, d’une part, que la violence sous n’importe quelle forme entre pensionnaires est une problématique à laquelle sont confrontés tous les shelters accueillant des enfants qui y sont placés sur ordre de la Cour. Et, d’autre part, qu’un protocole de gestion et de prévention de la violence est un des maillons faibles de la prise en charge de ces enfants. “Le jeune sur qui pèse une allégation d’agression sur mineurs était en observation depuis un certain temps. Il donnait des signes d’instabilité et de comportements atypiques. Les professionnels de la CDU l’ont rencontré avant les allégations. Il avait été éloigné des enfants dans les dortoirs. C’est la première fois qu’une allégation d’agression pèse sur lui”, indique le père Jean Maurice Labour.
Lequel concède que “nous sommes passés par plusieurs crises qui nous ont révélé que notre modèle de fonctionnement est dépassé. Le Foyer Père Laval est en transition. Nous sommes bien conscients de notre manque de formation professionnelle dans la gestion de ce foyer. Notre personnel à dominance féminine n’est pas qualifié pour la plupart d’entre elles, lesquelles ne possèdent pas le minimum requis pour poursuivre des formations plus poussées. Notre modèle institutionnel ne répond pas aux normes requises selon les recommandations de la Convention des Droits de l’Enfant. Toutefois, nous bénéficions de beaucoup d’aide des professionnels de la CDU et d’autres organismes sollicités par nos soins. L’Ombudsperson for Children  suit de près nos problèmes. Elle est intervenue personnellement auprès de notre personnel pour des formations.”  Le père Labour reconnaît aussi que, malgré leur bonne volonté, les accompagnatrices sociales du foyer n’ont pas la formation adéquate pour gérer des cas comme celui rapporté à la police de Plaine Verte.

“Nous nous sentons parfois coupables”
Actuellement, c’est une ancienne maîtresse d’école qui dirige le foyer. S’agissant de ses compétences dans l’encadrement d’enfants retirés de leur milieu familial, Jean-Maurice Labour affirme: “Comme professionnelle de l’Éducation, elle a eu, pendant plus de 40 ans, la charge de cette catégorie d’enfants en difficulté scolaire avec un background familial difficile. En plus de ses bonnes qualifications, elle a développé au fil des années une approche emphatique envers les enfants en difficulté, nourrie par sa sensibilité et son expérience de maman ainsi que de sa foi chrétienne. Elle a suivi plusieurs formations complémentaires dans ce secteur. Elle donne le meilleur d’elle-même dans cette période de transition avec beaucoup de professionnalisme.”

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Cette affaire n’a pas été sans répercussions psychologiques. “Il revient maintenant aux psychologues de la CDU d’évaluer l’impact psychologique sur les enfants du foyer et de faire des recommandations. C’est très compliqué. Au niveau interne, notre psychologue clinicien fait son travail auprès des enfants. Nous devons aussi procurer à nos accompagnatrices un suivi psychologique pour les aider à vivre ces situations.” Jean-Maurice Labour poursuit: “Ces enfants nous sont confiés afin que, dans un cadre approprié, ils guérissent de leurs blessures d’enfance et soient remis debout. Ils sont affectueux, nous témoignent de leur besoin d’être aimés comme ils en ont le droit. Nous nous sentons parfois coupables d’avoir failli à notre responsabilité. Il faut humblement reconnaître que nous ne maîtrisons pas toutes les conséquences psycho-affectives d’un enfant blessé dans sa dignité.”

Lakaz Per Laval prend le relais
Pour offrir un meilleur service à ses jeunes, le Foyer Père Laval a revu son système d’encadrement.”Nous avons commencé une période de consultation avec le personnel et les autres institutions qui travaillent dans le même secteur d’activité, en 2019. Nous avons produit un projet intitulé La désinstitutionnalisation du Foyer Père Laval que nous avons présenté à l’Ombudperson Office for Children, au ministère de l’Égalité des Genres et à la CDU. En étroite collaboration avec ces partenaires, nous nous acheminons vers la mise en place d’un nouvel encadrement vers avril prochain: Lakaz Per Laval. Les enfants seront répartis dans des petites unités par groupe d’âge sur le modèle de foster parenting. Lakaz Per Laval sera situé à Rose-Hill dans deux maisons séparées avec un personnel qualifié. Nous prenons beaucoup de temps à préparer le cadre, aidés par Terre de Paix et SOS Village”, annonce Jean-Maurice Labour.

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