Alors que la jeunesse, l’adolescence et l’insouciance de cette tranche de vie que l’on passe généralement à l’école sont considérées comme l’une des plus belles périodes de la vie, aller à l’école peut parfois devenir un cauchemar. Un cauchemar que vivent de plus en plus de jeunes, plus particulièrement dans les collèges, même si les enfants du primaire n’en sont pas épargnés. Un cauchemar pour nombre de ces enfants devenus le souffre-douleur de leurs camarades.
Si le mot “harcèlement” semblait jusqu’à il y a une dizaine d’années réservé à une pression exercée entre adultes, il s’applique aujourd’hui à des relations entre élèves dont la violence peut avoir des conséquences physiques et psychologiques dramatiques sur les jeunes. Or, ce que certains pensent n’être qu’un “jeu d’enfant” peut avoir de très graves répercussions. En témoignent ces trois jeunes qui s’étaient donné la mort en 2021 parce qu’ils étaient victimes de harcèlement de leurs pairs. Ou encore, plus récemment, la violence dont a fait usage un jeune étudiant envers son camarade en le poignardant d’un couteau, car il n’en pouvait plus, a-t-il confié, d’être harcelé. Le phénomène du harcèlement scolaire est omniprésent dans les écoles aujourd’hui. D’autant qu’avec les réseaux sociaux, les persécutions ne s’arrêtent pas lorsque l’on rentre chez soi.
Selon les chiffres d’Action for Integral Human Development (AIHD), parmi les 601 adolescents qui ont bénéficié du service d’écoute individuel au sein des 17 collèges dans lesquels opèrent les psychologues et councelors rattachés l’association, 59 étaient victimes d’intimidation scolaire, soit 9,8%. En 2022, le taux était de 13% soit, 127 victimes d’intimidation sur 966 adolescents en suivi individuel. De manière générale, la proportion filles et garçons est la même, même si les garçons rapportent moins les agressions. Quoi qu’il en soit, le nombre d’agressions est en hausse et si le taux enregistré (inférieur) en 2021 pourrait être expliqué par le fait qu’en période de Covid les élèves n’étaient pas à l’école, les chiffres en hausse de 2022 reflètent la situation courante aujourd’hui, car le harcèlement ou l’intimidation en milieu scolaire est désormais chose quotidienne. D’ailleurs, selon les psychologues, ces chiffres ne représentent pas la réalité, car non seulement il y a des élèves toujours sur liste d’attente, mais aussi nombreux sont ceux qui ne se confient pas et qui subissent en silence.
Comme l’ont vécu Mélanie et Jasbeen, deux anciennes victimes qui racontent ici leur “histoire”. Une histoire qui a marqué leur parcours scolaire et dont les séquelles sont à jamais gravées en eux. Une histoire que Mélanie et Jasbeen ne souhaitent pas voir se répéter et en veulent faire des exemples pour que d’autres ne subissent pas le même calvaire et ne se laissent plus faire et recherchent de l’aide, et que es agresseurs, arrêtent, et cherchent aussi de l’aide…
« Tout le monde le fait. C’est fun… »
Mélanie et Jasbeen ont tous deux vécu l’enfer. Des moqueries, des insultes, des menaces, au collège comme sur les réseaux sociaux. Pour Mélanie, le cauchemar a duré presque trois ans. Il y a quatre mois encore, elle ne voulait plus se rendre l’école. Elle voulait en finir, dit-elle, le regard dans le vide. D’un revers de la main, elle balaie ses mèches, comme pour balayer cette période douloureuse et commence son histoire. Elle avait 14 ans quand tout a commencé. Et c’était avec ses amis. Des amis qu’elle connaît depuis le primaire. Pourtant… À cette époque de l’adolescence, où le corps commence à changer, ses “amis”, qui eux aussi changeaient, lui ont fait penser et croire qu’elle n’était pas comme les autres. “Au départ, on rigole, on plaisante. Tout le monde le fait. C’est fun. Je tolère. Je rigole aussi. Et je pratique même l’autodérision. Je voyais mes camarades rire et j’étais heureuse. Je me disais que j’arrivais à faire rire les gens. Même que la source principale de la blague c’est moi ! Donc, c’est super. On s’intéresse à moi… ”, confie Mélanie.
Mais les blagues sont toujours concentrées sur la jeune adolescente. “Ça partait d’une simple blague sur mes cheveux, ou mes boutons et puis tout le monde faisait des commentaires. Ce qui était discuté dans notre groupe d’amis, faisait le tour de la classe. Des autres classes… Et finalement, même si je rigolais, cela me faisait réfléchir. Lorsque je me retrouvais seule ou même des fois, juste après, en plein cours, lorsque je repensais à la blague, je me posais des questions : pourquoi mes cheveux sont comme ça ? Pourquoi ils ont trouvé que mes baskets n’étaient pas tendances ? Pourquoi je suis laide ?… ” poursuit-elle.
Au fil du temps, Mélanie réalise que ce n’est qu’avec elle que ses camarades de classe “pran plezir”. Elle tente de se convaincre que “c’est comme ça… ils te considèrent comme quelqu’un de la bande, c’est pour ça qu’ils te charrient !” Et elle tolère. Mais l’ambiance devient de plus en plus pesante pour l’adolescente qui se remet constamment en question, parce que justement, pour ses camarades, c’était devenu un exercice permanent de la rabaisser. “Il y avait tout le temps des questions sur moi. Ils me disait tous les jours “pourquoi t’es comme ça ? Pourquoi tu portes ça ? Tu ne sais pas t’habiller ! Pourquoi ton visage est comme ça ? Tu sais, il existe des crèmes pour soigner ça… ”, se souvient Mélanie, qui s’interroge alors elle aussi, cherchant toujours — malgré ses doutes quant à la sincérité de ses amis — à se dire : “Mais non ! Ils te conseillent, c’est pour que tu sois comme eux !”
« Seule, je ne suis pas le vilain petit canard »
Les moqueries continuaient de plus belle. « Tu n’as jamais essayé de lisser tes cheveux ? Non, parce que là ça ressemble à rien enfin… tu ne ressembles à rien ! On dirait que tes cheveux ont brûlé ! Regardez ses cheveux !… » Mélanie n’en peut plus de ces rires, moqueries, insultes… “Je me sentais encerclée. Je n’arrêtais pas de penser à ces remarques permanentes. Tout ce qu’il y avait autour avait disparu. Dans mon champ de vision, il n’y avait que mes camarades me regardant avec leur sourire narquois… ”, raconte-t-elle. Et elle sombre en se disant “pourquoi je ne suis pas comme les autres filles ? C’est sans doute pour cela que personne ne s’intéresse à moi ?”
Elle se mure dans le silence et se cache tout en faisant semblant devant les autres. Mais aller à l’école est un calvaire. “Je n’avais envie de rien. Je n’avais plus d’appétit. Je me disais à quoi bon manger si cela va me faire grossir… Je n’avais envie de voir personne”, raconte Mélanie. Avec ses parents, elle fait aussi semblant. “Lorsqu’on me disait : Pourquoi tu dors ? Je répondais : Je suis un peu fatiguée maman, mais ça va. Ou lorsqu’on me demandait : Pourquoi tu ne veux pas manger avec nous ? Je disais que je n’avais pas très faim papa, ça ira”, poursuit-elle. D’ajouter : “J’aimais être seule, parce que quand je suis seule, je ne suis pas le vilain petit canard”. Et dans la tête de Mélanie, les questions se bousculent. “Pourquoi est-ce que j’étais différente ? Et si c’est ainsi, est-ce si difficile de m’aimer ?”
Elle ne voulait pas en parler à ses parents, de peur de les décevoir, jusqu’au jour où elle craque et décide de briser le silence. C’était l’année dernière. Presque trois ans après que tout a commencé. Elle commençait à songer au suicide, ne comprenant pas pourquoi ses amis agissaient ainsi envers elle. “Ce n’était plus qu’une question de temps… je me disais : Je m’en irai pour de bon et je ne manquerai à personne, parce que personne ne s’intéresse à moi”, dit l’adolescente. Ce jour-là, elle n’arrive pas à retenir ses larmes. “Je pleurais constamment. Je n’arrivais plus à me retenir et les murs sont devenus mon punching-ball et les larmes
mon antistress. Je voulais juste que ça s’arrête”, raconte-t-elle.
« Je veux m’en aller, laissez-moi partir »
Heureusement, sa mère est là. “Ma chérie, qu’est-ce qui ne va pas ?” demande cette dernière à Mélanie, qui répond : “Pourquoi on ne m’aime pas maman ? Pourquoi c’est si difficile de m’aimer ?” La colère éclate à cet instant. “Je ne veux plus aller à l’école maman ! Je ne veux plus voir ces gens papa ! J’en ai marre de cette école, marre de tout, marre de ma vie ! Je veux m’en aller, laissez-moi partir, c’est tout ce que je demande.” Les parents de Mélanie, quoique déboussolés devant cette crise, parviennent à la calmer. Et la rassurer. “Avec leurs mots, je réalise que ce que les autres disaient de moi n’était pas vrai. Je suis aimée et la preuve, mes parents étaient là, auprès de moi. J’avais tout. J’étais une enfant comblée de ses parents. Je n’avais pas besoin de ces camarades. Je m’étais laissée emprisonner dans un monde qui n’était pas le mien. Mes parents étaient là, c’est tout ce qui comptait”, dit l’adolescente, qui commence une phase de remise en question réelle. Non pas par rapport à tout ce que lui faisaient croire ses camarades, mais par rapport à elle-même. “Je me suis dit si ces gens ne m’aiment pas, pourquoi je m’efforce à vouloir qu’ils m’aiment ? Ils ne méritent pas mes larmes ! C’est décidé ! Je ne fréquenterai plus ces personnes ! J’ai mieux à faire que de ruiner ma santé et mes études pour des gens. Je vaux mieux que ça. Et puis mes parents m’ont suffisamment vu souffrir, dès demain, je serai une nouvelle personne et je vais les ignorer ces soi-disant camarades”, dit Mélanie.
Mais c’était mal les connaître. À l’école, le calvaire continue. “Lorsqu’ils réalisent qu’ils ne parviennent plus à t’atteindre, ils utilisent d’autres moyens. Les moqueries sont plus coriaces. Ils lancent des rumeurs. Ils t’isolent. Et les regards sont comme des lames transperçantes”, explique Mélanie. Une situation tellement pesante pour la jeune fille qui ne trouve d’autres recours que se replier encore sur elle-même. Et elle tombe de plus en plus souvent malade. Un prétexte pour ne pas aller à l’école. Mais heureusement, ses parents sont là. Ils cherchent alors de l’aide pour lui redonner confiance en elle et Mélanie est amenée à voir un psychologue. Ce qui lui permet de mettre un mot sur ce qu’elle a vécu des années durant.
Avec le psychologue, les mots sortent, la douleur sort. Mélanie est apaisée et petit à petit, grâce au travail, elle reprend vie. Aujourd’hui, Mélanie se reconstruit tout doucement, même si la blessure est encore à vif. “Je reprends confiance en moi et je suis une nouvelle personne. Aujourd’hui, ces amis, je ne les vois plus, même s’ils sont en cours avec moi. Je vis ma vie et celle qu’ils voulaient que je vive. Je m’aime et j’aime mon corps. J’aime mes cheveux. J’aime ma façon de m’habiller. J’assume mes choix”, dit-elle. De poursuivre : “Finalement, j’ai compris que tout n’est qu’une question de confiance en soi. Je réalise qu’au final, c’est eux les faibles. Ils ont peur. Ils font tout en groupe et chacun suit ce que l’autre dit pour ne pas être différent.”
Stigmatisé, car pauvre
Jasbeen, lui aussi, est devenu plus fort. Heureusement, dit-il, car ce qu’il a vécu a été l’enfer. Pendant de longues années. Depuis le primaire. Il y a exactement 11 ans. « J’étais dans une classe où le statut social déterminait beaucoup le choix des amis, se souvient-il. Si tu n’es pas riche, ça voulait dire tu ne vaux rien… Si tu n’as pas les jeux vidéos, une grande maison, une grosse voiture ou un nouveau jouet, ça voulait dire tu es pauvre et tu n’as pas ta place ici. C’était ça à l’époque. Aussi froid que ça. ». Pourtant, ses amis le connaissaient à peine… Et le petit bonhomme de l’époque, comme tous ses camarades d’ailleurs, voulait se faire des amis…
« Mais on m’avait déjà marqué, stigmatisé. Sans me connaître. Parce que je n’étais pas comme les autres », dit-il. Ainsi, tout au long de sa scolarité, souvent, on lui volait son sac et prenait son déjeuner, car selon ses intimidateurs, « les pauvres n’ont pas le droit de manger parce qu’ils sont pauvres ». « Ma bouteille d’eau était la victime aussi. On jetait mon eau pour la remplacer avec l’urine des toilettes avec un mélange de papier toilette déjà utilisé parce que encore une fois : les pauvres boivent l’eau des toilettes non pas de l’eau claire », dit-il. D’ajouter : « À midi, les camarades se regroupaient derrière l’école pour me passer à tabac, parce que pour eux, les pauvres devaient être maltraités. » Un jour, ses agresseurs lui ont pris le billet de Rs 200 qu’il avait sur lui.
« J’avais économisé pendant deux mois les Rs 10 que j’avais pour aller à l’école, ce qui m’a fait Rs 200. Mais les amis l’ont pris et ils ont dit à notre professeur que j’avais dû voler cet argent. Le prof m’a emmené au bureau du directeur pour que je sois puni », raconte Jasbeen. Il a enduré ces injustices et autres moqueries jusqu’au secondaire. « Des fois, je me battais contre eux pour leur faire comprendre que je suis un humain comme eux. Mais rien n’y fit. Il y a des jours où je faisais semblant d’être malade pour ne pas aller à l’école, parce que je ne voulais pas vivre cet enfer. Je passais tellement de temps au bureau que le maître d’école avait installé un pupitre et une chaise dans son bureau pour que je vienne apprendre », raconte le jeune homme.
« Se battre pour survivre »
Lorsqu’il quitte le primaire et fait son entrée au collège, Jasbeen pensait que « ce serait meilleur et que ce serait une opportunité de changer de vie. » Mais il se trompait largement. « Le calvaire a recommencé dès le premier jour d’école. Il y avait un redoublant dans ma classe. Il n’arrivait à me « cadrer » comme il le disait et dès le premier jour, il m’a menacé de me faire payer si je ne me conformais à ses règles », dit Jasbeen. Comme l’adolescent ne se laissait pas intimider, il était souvent passé à tabac par son intimidateur. « Des fois, si l’humeur était favorable, ce garçon jetait mes affaires par terre pour que quand je les ramasse, il puisse me cracher sur la tête et me donner un coup de pied dans le dos », raconte-t-il. Plus les années passaient, plus ça empirait. « Il y a des jours où les autres me mettaient ma capuche sur ma tête et ils me passaient à tabac. Je retournais souvent à la maison avec des bleus ou avec des égratignures. Des fois, on me jetait dans les escaliers », poursuit-il.
Jasbeen n’a pas honte aujourd’hui de dire qu’il pleurait souvent dans son coin. « J’ai tenu bon pendant deux ans et demi, et puis j’ai perdu tout contrôle de mes émotions.
À 14ans, j’avais décidé de blesser ceux qui me faisaient du mal à mon tour.
Ce n’était peut-être pas la meilleure solution. Mais si tu veux sortir de cet enfer, il faut te battre pour survivre, et c’est ce que j’ai fait », dit le jeune homme, conscient toutefois que la violence n’est pas la meilleure façon de régler ses comptes. Aujourd’hui, il n’est plus ce petit garçon qu’on écrasait tous les jours. « On me respecte. Et c’est mieux ainsi. Je ne me fais pas beaucoup d’amis, parce que j’ai toujours un peu de mal à faire confiance aux gens qui m’entourent, mais j’ai réussi à surmonter le mal-être qui m’animait à cause des autres », dit-il.
Aux jeunes qui traversent des moments difficiles comme ceux qu’il a connus, Jasbeen est catégorique : « La violence n’est pas la solution. Nous sommes tous intelligents, il faut utiliser notre cerveau pour nous aider à réfléchir sur nous-mêmes et comprendre que peu importe notre statut ou celui des autres, nous avons tous des capacités, et ce n’est pas en voulant faire comme les autres ou en voulant dominer les autres qu’on deviendra quelqu’un. Il faut avoir confiance en soi pour sortir du trou et ne pas se laisser écraser. »AMÉLIE SAULNIER, PSYCHOLOGUE : « Un enfant à qui on apprend à gérer ses émotions, s’arme pour la vie »
“Quand on parle de harcèlement scolaire, on se réfère à ce qu’on appelle l’intimidation en milieu scolaire, une violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique. Elle est le fait d’un ou de plusieurs élèves à l’encontre d’une victime”, explique Amélie Saulnier, psychologue du développement de la petite enfance à l’adolescence, opérant aussi au sein de l’organisation Action for Integral Human Development (AIHD) du Diocèse de Port-Louis.
Les formes d’intimidation par des élèves sur leurs pairs au sein des établissements scolaires sont diverses, dit-elle, citant “les brimades avec des moqueries, les commentaires désobligeants sur le physique, leurs performances, les vêtements… les insultes, les humiliations, les mises à l’écart, voire des agressions physiques à l’abri des regards et même en public”.
« L’intention première n’est pas de nuire… »
Un phénomène qui est plus traduit dans l’adolescence, même si des élèves du primaire peuvent aussi en être victimes. D’autant qu’avec la nouvelle génération, cela se retrouve vite sur les réseaux sociaux, ou en interne sur les chatgroups. Mais toutes les formes d’intimidation scolaire ont un impact terrible sur la vie des enfants harcelés et souvent sur leur vie d’adulte.
Des fois, ajoute la psychologue, l’intention première n’est pas de nuire ou faire du mal à l’autre. “Cela peut partir d’une blague qui est prise dans une spirale et finalement ça peut aller très loin, car avec l’effet de groupe, Il y a le suivisme”. L’enfant qui intimide l’autre ou qui lui-même se fait intimider est en fait “pris au piège” dans un “effet de groupe” et qui agit par peur d’être exclu. C’est pourquoi la Méthode de la Préoccupation Partagée (MPP), élaborée par Marie Quartier et Jean-Pierre Bellon, du Centre de Ressources et d’Études Systémiques contre les Intimidations Scolaires (ReSIS), est privilégiée par les psychologues d’AIDH, qui opèrent le service d’écoute et d’accompagnement individuel dans 18 collèges qui accueillent un psychologue ou un counselor au minimum deux fois par semaine pour le service d’accompagnement des victimes dans leur souffrance.
Car effectivement, il y a une grosse souffrance dans laquelle vivent les victimes, précise Amélie Saulnier. “Ce rapport de force et de domination sur un ou plusieurs élèves s’étale d’habitude dans la durée. Et cet état de choses n’est pas sans conséquence sur les victimes. Maux de ventre et de tête, troubles alimentaires, difficultés à dormir, troubles de concentration, l’enfant victime ne veut plus aller à l’école, se renferme sur lui-même, est irrité, agressif même… L’anxiété, la dépression et les tendances suicidaires ne sont pas à écarter”, dit-elle. Autant de signes à ne pas surtout pas prendre à la légère pour pouvoir venir en aide aux victimes, mais aussi à son harceleur ou aux suiveurs.
Ainsi, à travers la MPP inspirée de la méthode Pikas, les psychologues procèdent à des entretiens individuels qui consistent à partager avec l’élève intimidateur une préoccupation pour son camarade qui ne va pas bien, et à l’amener à cesser les brimades pour faire quelque chose de positif envers lui, avec en parallèle un accompagnement de l’élève intimidé.
« Faire réagir l’intimidateur en empathie »
“L’idée n’est pas de sanctionner l’intimidateur, mais de sonder sa réaction et le faire réagir en empathie. Si nous mettons des sanctions, cela peut découler en une révolte et aller en escalade. Les victimes veulent juste que ça s’arrête. C’est pourquoi il est important de faire cet exercice avec les intimidateurs qui sont, dans bien des cas, victimes elles-mêmes d’autres intimidations”, explique Amélie Saulnier.
Cette méthode permet aussi aux suiveurs ou autres camarades de ne pas être des témoins passifs. “Un enfant à qui on apprend à gérer ses émotions et se comporter face aux autres est un enfant qui s’arme pour la vie”, dit la psychologue, qui pense également qu’il y a un travail à faire à la maison, où les parents doivent réussir à avoir une relation de qualité avec leur enfant et garder un lien d’écoute afin que ce soit plus facile pour l’enfant de se confier.