Entre l’homélie coup de poing du dimanche des Rameaux du Cardinal Maurice Piat et la petite phrase qu’il a prononcée, lors de la messe chrismale du Jeudi Saint sur son départ prochain en tant qu’évêque, l’impression qui se dégage est que les deux occurrences ont été entrecoupées par des séquences troublantes, qui ne sont pas nécessairement liées les unes aux autres, mais qui sont quand même l’objet de moult interrogations des Mauriciens.
Ce n’est pas que le carême chrétien ait été contrarié ou que la fête de Pâques ait été gâchée par cette suite d’agitations, mais le questionnement reste de mise. Convocation ou pas au bureau du Premier ministre, la confusion a été totale après la visite nocturne de Steve Obeegadoo, le “messager” – pour ne pas dire autre chose tellement les ministres se montrent d’une abjecte servilité devant Pravind Jugnauth –, lundi soir, le lendemain du message fort du Cardinal et l’annonce d’une rencontre au bâtiment du Trésor, le mercredi suivant.
C’est essentiellement dû à un déficit de communication de la part du diocèse de Port-Louis, certainement plus habitué à des homélies soigneusement travaillées pour qu’elles résonnent et fassent débat qu’à gérer l’information au quotidien.
À la sortie du bureau de Pravind Jugnauth, le vicaire général a essayé de dissiper la confusion. Sans entrer dans le détail des discussions, Jean-Maurice Labour a néanmoins effleuré les thèmes abordés, à savoir l’homélie du dimanche précédent, les échanges qu’il a lui-même qualifiés de “musclés”, alors que la doxa initiale voulait que ce soit une rencontre prévue de longue date pour discuter de deux dossiers précis portant sur les rapports entre l’État et l’Église. Le dossier de l’éducation avait, d’ailleurs, été évoqué pour expliquer ce rendez-vous annoncé à la dernière minute.
Que l’homélie du dimanche 2 avril ait provoqué du bruit, rien de bien inhabituel. C’est fait pour. Le Cardinal nous a maintenant habitués à ces sorties qui correspondent à l’humeur de la nation et pas seulement à ce qu’attendent ses ouailles.
C’est le même genre d’allocation auquel on eu droit à la messe de commémoration de la naissance du bienheureux père Laval après l’épisode du Wakashio, lors du message de Noël 2021, censuré par la MBC ou l’homélie des Rameaux. Les homélies, rares et réservées pour les grandes occasions, ont d’ailleurs pour but précis de favoriser la réflexion, d’éveiller les consciences et d’obtenir des réponses sur les problèmes du moment. Et lorsqu’il dit “pleurer”, cela ne peut qu’interpeller et bouleverser.
Qu’a dit Maurice Piat ou Jean-Maurice Labour que la presse, les observateurs de la société mauricienne ou des agences internationales n’aient pas encore dénoncé ? Le hasard a voulu qu’au lendemain de l’homélie des Rameaux, les grandes lignes du rapport du département d’État américain sur les dérives autocratiques du régime actuel, la confiscation partisane des institutions, le ciblage des opposants, la persécution de ceux qui portent une voix contraire et le sort que réserve la police aux gens qui sont socialement stigmatisés, ont gagné la place publique.
Ces constats sont à peu près les mêmes que ceux de V-Dem, de Reporters sans frontières qui dénonce la chasse aux journalistes qui dérangent et le monopole de la MBC propagandiste pendant que Transparency International fait reculer, année après année, le pays au classement de la corruption devenue endémique.
Drogue, corruption, injustice flagrante, absence de méritocratie, la transformation de l’Assemblée Nationale en succursale du Sun Trust avec un Speaker d’un ridicule qui est sans limites et une impression de protection de la mafia, dans le milieu hippique, notamment. Pas avéré tout ça? Qu’est-ce qu’il faut de plus ?
Alors que chaque jour donne raison à ceux qui dénoncent les penchants dictatoriaux et les mœurs glauques du régime. L’homélie du Cardinal Piat est intervenue en pleine affaire Franklin qui n’a pas encore révélé toutes ses ramifications, malgré une incursion inattendue en chasse gardée.
Et le ministre de l’Intérieur veut faire croire que ce sont seulement les “procédures” qui expliquent le retard dans le traitement du dossier de quelqu’un qui a été interpellé ici même en 2016 pour possession de stupéfiant, qui a été condamné à La Réunion pour trafic de drogue et qui a pu tranquillement voyager dans des pays d’où transite le commerce de la mort ? Il y a une limite à l’enfumage.
La sortie du chef de l’Église catholique est intervenue au moment où le nom d’un ministre et d’un Parliamentary Private Secretary sont mentionnés dans une sombre affaire de pots-de-vin autour de l’octroi d’un bail sur la chasse de Mangin et Dayot avec, au moins, une soirée où l’alcool a coulé à flots et que le cerf était à toutes les sauces.
Mutique parce que certainement embarrassé depuis que l’affaire a éclaté il y a quinze jours, Maneesh Gobin a été contraint d’aller s’expliquer au micro complaisant de la MBC à la veille de la célébration des 40 ans du MSM qui s’est déroulée dans sa circonscription du numéro 7.
Et qu’a-t-il raconté ? Que les enquêtes de l’ICAC sont confidentielles. C’est tout ? Se souvient-il de sa convocation au CCID en mars 2008 pour soupçon de fuite d’informations, alors qu’il était le conseil légal de… l’ICAC et que, par ailleurs, la commission Glover, qui s’était penchée sur le complot ourdi contre Nirvan Veerasamy, alors directeur d’Air Mauritius, avait conclu que c’est sur avis du conseil légal de l’ICAC Maneesh Gobin qu’Indira Manrakhan avait reçu à son domicile les invités venus dénoncer le CEO de MK et qu’elle avait enregistré les conversations.
Et c’est cette même ICAC qui, aujourd’hui, enquête sur son ancien Chief Legal Officer, alors qu’il occupe le poste de conseiller légal du gouvernement. On s’étonne qu’Ivan Collendavelloo ne rue pas dans les brancards, lui qui a été sommairement bouté hors du gouvernement comme un dernier malpropre sur la base “d’un bout de papier”.
Les hommes de peu d’honneur et d’amour propre, voilà qui devrait aussi agrémenter une prochaine homélie, qu’elle soit du Cardinal Piat ou de son successeur à l’Évêché.
Séquences troublantes
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