OLIVIER PRÉCIEUX
« J’ai joué de la flûte sur la place du marché….Toi qui m’as entendu, viendras-tu danser ? », avait chanté Maurice Piat au début de sa mission d’évêque devant l’assemblée des fidèles réunie à Marie Reine de la Paix. Aujourd’hui à la veille de son départ, ce chant a été dans une grande mesure entendu par les catholiques respectifs et des Mauriciens au-delà de leurs confessions religieuses respectives.
Quand le cardinal Maurice Piat parle, cela a un retentissement au sein de la société mauricienne. Il a su marquer l’Ile Maurice par son empreinte durant son épiscopat. Son prédécesseur, le cardinal Margéot, était un géant tant sur le plan spirituel que par son engagement dans les enjeux ayant touché notre société. Ainsi Maurice Piat, jeune évêque coadjuteur en janvier 1991 du cardinal Margéot, a appris beaucoup de celui-ci sur les subtilités de la gérance de notre Église locale avec ses complexités sociétales. Ce n’est qu’en 1993 que Maurice Piat devient évêque du Diocèse de Port-Louis. De là s’enchaînera un trajet épiscopal marqué par beaucoup d’évènements.
La chose qu’on retient du cardinal Piat est son don de la parole et aussi sa compréhension profonde de l’Ile Maurice dans sa réalité. À chaque moment de crise sociétale, le cardinal a su mettre les mots sur les « maux ». Cela, sans peur aucune ! Ces prises de paroles ont été comme un Jean le Baptiste qui crie dans le désert ; qui dénonce les travers de notre société mais aussi annonce toujours cette espérance chrétienne.
Les lettres pastorales du cardinal Piat ont été la transcription de la vision de sa mission évangélique. Par exemple, dans un regard panoramique lucide de son épiscopat, la lettre pastorale sur le malaise créole en octobre 1993, « Réflexions sur le Malaise Créole », reste une référence d’orientation et d’éclairage sur le « fait créole ». Ainsi, dans son sermon du premier février 2023, on a pu retrouver cet attachement à comprendre avec une humilité évidente le monde créole dans une Église Catholique mauricienne. La thématique créole a été le sujet de ses premières années en tant qu’évêque. Il a su avoir une oreille évangélique à la souffrance et la joie des créoles.
Plus encore, le cardinal Piat a été un évêque de proximité. Sa contribution à la création et l’accompagnement du Groupe 40 a permis à cette formation du Diocèse de Port-Louis de perdurer. Dans un autre domaine, ses rencontres avec les familles touchées par la drogue restent une pierre angulaire de sa mission. Plus encore en étant si proche de son peuple que le cardinal Piat a compris que le clergé vieillit ; il a su trouver une solution créatrice en ouvrant la porte au diaconat au sein du diocèse. Une innovation audacieuse et réussie dans notre société mauricienne si souvent traditionaliste et conservatrice. Les diacres ont su relever le défi et ont permis à l’Eglise Catholique mauricienne de se mettre au diapason de notre société moderne.
Maintenant, dans notre société en pleine ébullition socio-politique, les prises de paroles du cardinal Piat sont comme un phare qui éclaire au milieu de la tempête. Une lumière qui a comme socle l’évangile. Ainsi, au milieu du tintamarre médiatique et des « buzz », ses paroles sont comme une « carangue » (image souvent prise dans les homélies du cardinal Piat) qui coupe au travers des vagues des difficultés et continue sa route.
L’heure de la passation du témoin arrive pour Maurice Piat. Les spéculations diverses vont bon train sur son successeur. Mais dans ce monde ‘rationnel’ où l’on tend à intellectualiser toute chose, il est important de comprendre le fonctionnement de l’Église Catholique. Laquelle est inspirée par l’Esprit Saint. Le choix se fera par les humains mais ce sera toujours l’impulsion de l’Esprit Saint qui aura le dernier mot.
Au-delà de cet aspect mystique, il reste une chose concrète et indélébile : le Cardinal Piat a ‘chanté’ par ses sermons et écrits une mélodie d’amour évangélique et universel pour le peuple mauricien.
