Fondé il y a 100 ans : Plaisance, un terreau pour l’histoire des villes sœurs…

… et pour l’émergence de jeunes talents

En tant que citoyen, la connaissance de l’histoire de son pays, de sa ville, son village ou son quartier d’origine favorise la prise de responsabilité et l’engagement pour développer sa communauté.

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Le quartier de Plaisance, sis en plein cœur de Beau-Bassin/Rose-Hill, très peu de gens le savent, a été fondé et annexé à la société Roches-Brunes il y a 100 ans. Il doit son nom à l’établissement sucrier appartenant à la famille Hugnin. Ce ne sont pas les moyens d’apprendre sur cette ancienne zone industrielle, jadis parsemée de champs de cannes, d’acacias et d’aloès, qui nous ont manqués. Nul besoin, en revanche, de consulter les archives ou livres d’histoire pour mettre en lumière l’ascension fulgurante de ces artistes et sportifs source de fierté pour les habitants.

À quoi ressemblait Plaisance il y a 100 ou 50 ans ? Comment vivaient les personnes qui y habitaient ? En quelle année l’abattoir bovin et l’ancienne foire ont été inaugurés ?  Grâce aux informations puisées des livres d’histoire de l’écrivaine Lilian Berthelot, des archives des journaux et du Diocèse de Port-Louis, sans occulter l’aide précieuse des plus anciens habitants, il nous est possible d’approfondir l’histoire démographique, économique et sociale de Plaisance, qui a été fondée en 1923 et annexée à Roche-Brunes. Forcément, la présence du domaine sucrier Plaisance au cœur de la cité, jusqu’à sa fermeture au milieu des années 1940, fait que des champs de canne s’étendaient jusqu’à l’actuelle route Hugnin et au lieu-dit de La Chaumière.

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Aussi, les familles Hugnin et Maingard, qui possédaient la quasi-majorité des terres,  avaient fait construire, dans les quatre coins du quartier des filatures d’aloès et d’acacias, dont les ruines impressionnantes bordées d’eucalyptus géants aux troncs rugueux existent encore sur des terrains en friche et abandonnés. Les pruniers, les arbres à pain, les jaquiers et les longaniers y abondaient aussi, dit-on. Ces filatures se réduiront comme peau de chagrin avec l’explosion urbaine et l’aménagement des chaussées dans les années 1960. La fondation de Plaisance, en 1923, s’accompagne de la pose de la première pierre d’un bâtiment en pierres taillées devant abriter un abattoir bovin.

C’est sir Herbert James Read, gouverneur de Maurice de 1925 à 1929, qui procéda à l’inauguration du nouvel abattoir en 1929. Gervais, 85 ans, natif du quartier, se rappelle de cet emplacement qui sera converti en un gymnase (Le Quorum), en 1991 : « Mes cousins, cousines et moi errions autour de l’abattoir, guettant l’arrivée des bovins ou pour cueillir des tamarins. On rigolait bien lorsque les plus jeunes prenaient leurs jambes à leur cou en entendant le meuglement sans cesse répétés des bœufs.

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C’était la belle vie. » Au début des années 1960, le gouvernement colonial et le conseil de ville en place, partageant la volonté de doter le quartier de logements décents, entreprit une série de projets, à l’instar du système de location-vente, dont beaucoup ont bénéficié, de sorte qu’aujourd’hui presque chaque famille de Plaisance possède sa propre maison. Gervais soutient que « jadis, il y a 50 ou 60 ans, les terrains se vendaient à Rs 2.50 ou Rs 3 la toise.

Avec peu d’argent, on pouvait s’acheter un petit lopin de terre et le défricher soi-même. » Se basant sur les archives du Diocèse, Plaisance atteignit une population de 8 000 personnes en 1962.
Un autre lieu incontournable empreint d’histoire et de souvenirs : la foire maraîchère de Plaisance, jouxtant l’ancien abattoir, où jadis les caisses et les sacs de légumes étaient posés à même le sol, jusqu’à ce que la mairie n’entreprenne, à la fin des années 1970, l’aménagement d’étals pour les marchands, qui n’en demandaient pas mieux.

L’inauguration d’une foire moderne, le 15 décembre 2002, par le Premier ministre p.i d’alors, Paul Bérenger, et le maire, Deven Nagalingum, était une bénédiction pour les locataires, qui voient leur clientèle croître de manière exponentielle. Le terrain de football jouxtant la foire, jusqu’à sa délocalisation en 2012, regorge aussi de témoignages de la vie passée qui s’articule autour des matches épiques réunissant chaque week-end hommes, femmes et enfants

Oui, comme dans d’autres quartiers populaires de la périphérie des villes, Plaisance n’est pas épargné par les fléaux gangrénant les sociétés. Le sport, la danse et la musique comme moyen d’éducation, de prévention et de pacification urbaine figurent heureusement en première ligne des réponses apportées face à la dégradation du climat social du quartier.

À partir de la fin des années 1980, il est envisagé de compenser les disparités sociales par une aide publique accrue dans le secteur du sport qui se traduit notamment par la conversion, en 1991, de l’ancien abattoir en un gymnase baptisé Le Quorum. Outre le football, le basket-ball et la boxe sont les sports qui sont les plus prisés par les gamins en proie aux chancres sociaux.

Le dévouement d’anciens sportifs et bénévoles dépourvus d’ambitions mercantiles a valu son pesant d’or dans l’encadrement des jeunes sportifs en herbe. Les noms de Bill Thèrese (basket-ball), Roméo Caliste (boxe) et Guy Bazerque (boxe) reviennent le plus souvent dans la bouche des parents qui ont eu la chance de voir leurs enfants se détourner des fléaux liés à la drogue, grâce au concours desdits dirigeants.

Une aubaine qu’a su saisir le boxeur Bruno Julie qui, sous la férule de l’entraîneur Guy Bazerque, a fait ses gammes au Foyer de l’Amitié, avant de connaître une ascension fulgurante qui l’a conduit à devenir le premier Mauricien à remporter une médaille olympique. C’était le 18 août 2008 à Pékin. Une date à marquer d’une pierre blanche pour les Plaisanciens, qui sont d’autant plus reconnaissants envers Bruno Julie pour avoir emboîté le pas à son mentor en se donnant corps et âme dans l’encadrement des jeunes boxeurs de quartier.

Plaisance demeure également un terreau pour faire émerger de jeunes talents au niveau musical, à l’instar du groupe OSB et ses 31 années d’existence qui, malgré un parcours semé d’embûches, a contribué au rayonnement du quartier. C’est à la résidence de Bruno Raya, fondateur des Street Brothers, et sur le site de l’ancienne foire que les membres de  ce groupe ont planté leurs racines à travers le dancehall, variante du reggae apparue en Jamaïque à la fin des années 1970. Ils en ont fait leur style de prédilection pour faire passer leurs messages s’articulant autour du combat contre la drogue, la prostitution et d’autres maux. Plaisance peut aussi se vanter d’avoir eu en son sein  le ségatier Serge Lebrasse, décédé le 6 avril dernier. Nul besoin d’épiloguer sur l’empreinte indélébile laissée par ce dernier au niveau local et international.

Dans un monde qui va vite, voire trop vite, il est important de savoir regarder en arrière de temps en temps. Histoire de faire prospérer et perdurer la mémoire d’antan. Plaisance constitue un parfait exemple…

Les faits saillants durant ces 100 ans

1860 : Dame Veuve Desglos vend à M. Jean Auguste Amédée Hugnin la moitié indivise d’une propriété érigée en sucrerie, connue sous le nom de « Roches-Brunes », composée de 2 portions d’une contenance totale de 238 arpents et 79 perches. Jean Auguste Amédée et Armand Prosper Hugnin devenaient ainsi copropriétaires de Roches Brunes.
1877 : Le village de Beau-Bassin est fondé.
1895 : Les villages de Beau-Bassin et de Rose-Hill deviennent une seule ville.
1923 : La région de Plaisance, qui doit son nom à l’établissement sucrier appartenant à la famille Hugnin, est fondée et annexée à Roches-Brunes. 313 arpents des terres de ce nouveau quartier avaient été acquis de M. Donald Kent Rogers.
1929 : Lady Read pose la première pierre du nouvel hôtel de ville de Rose-Hill. Son époux, le Gouverneur sir Herbert Read, inaugure le nouvel abattoir de Plaisance, construit par des employés municipaux.
1962 : Cette année marque une addition importante qui va permettre à Rose-Hill de se prolonger au-delà de la rue Hugnin pour aller jusqu’au Corps-de-Garde. Les limites de la ville sont étendues pour inclure Trèfles (4 500 habitants), Stanley (7 800 habitants) et Plaisance, qui atteignait une population de 8 000 personnes.

Le gymnase de Camp Le Vieux portera le nom de Serge Lebrasse

Dans une interview accordée à nos confrères du Mauricien le 23 avril dernier, le leader des Verts Fraternels, Sylvio Michel, a proposé que Plaisance soit rebaptisé « cité Serge Lebrasse. » Cette demande est loin de faire l’unanimité parmi les habitants et les élus de la ville qui,  quand bien même ne nient son grand talent et son amour pour le quartier, trouvent cette démarche « absurde. » Par contre, la motion présentée jeudi par le conseiller Anil Dewee (MSM) visant à ce que le nouveau complexe sportif de Camp Le Vieux soit baptisé du nom de Serge Lebrasse a été votée à l’unanimité au conseil, en présence de Gisèle Lebrasse, veuve du chanteur, et aussi de sa fille. Parmi d’autres propositions qui devraient être débattues prochainement, on note celle d’Armand Hungley (indépendant), qui voudrait qu’une stèle à l’effigie du ségatier soit érigée sur le rond-point de Plaisance… sis en face de la demeure de Gisèle Lebrasse. Olivier Barbe (PMSD) a proposé qu’un concert exclusivement consacré aux chansons de Serge Lebrasse soit organisé sur l’esplanade du Plaza lors de la fête de la musique.

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