“Aucun climat de frayeur ni de terreur dans le pays”, avance Pravind Jugnauth
“Ce sont les trafiquants, ceux qui sont impliqués dans des transactions de blanchiment de fonds et autres actes criminels, qui doivent craindre”, dit-il
Alors que le Premier ministre, mardi dernier au Parlement, n’a pipé mot durant la Private Notice Question qui était cette fois répondue par le ministre suppléant aux Finances, Sunil Bholah, en l’absence de Renganaden Padayachy, le Prime Minister’s Question Time a été plus animé, Pravind Jugnauth défendant bec et ongles la Special Striking Team (SST) de l’ASP Jagai. Il se pourfend même qu’il n’existe pas de climat de frayeur dans le pays. Mais déjà, le chef du gouvernement avait montré une certaine agitation lorsqu’il a fallu répondre à la question de Reza Uteem entourant la compensation de Rs 1 092 000 à être versée à Me Kailash Trilochun pour la rupture de contrat en tant que Chairperson de la FIU.
Mardi dernier, le Premier ministre n’a pas été sauvé par le temps, même si à différents intervalles le Speaker, Sooroojdev Phokeer, a tenté de mettre un frein à l’opposition. Mais en dépit de sa longue réponse au député MMM Reza Uteem par rapport à la première question figurant à l’ordre du PMQT, Pravind Jugnauth a eu à répondre à une deuxième question. En l’occurrence celle du leader du Rassemblent Mauricien, Nando Bodha, entourant la SST. L’éclairage du PM à ce sujet — surprenant à plus d’un titre quant à son appréciation de la situation dans le pays — a laissé plus d’un sur sa faim. À la hauteur des réponses fournies par Pravind Jugnauth, il ressort que cette unité de la police, aux méthodes controversées, dispose du “full support” du chef du gouvernement. D’ailleurs, à une interpellation supplémentaire de Nando Bodha, le PM a laissé entendre de manière catégorique qu’il n’y a aucun climat de frayeur ni de terreur dans le pays. “Ce sont les trafiquants, ceux qui sont impliqués dans des transactions de blanchiment de fonds et autres actes criminels, qui doivent craindre”, a-t-il prévenu.
Faisant état des principales divisions de la police — la Special Mobile Force, l’Anti-Drug and Smuggling Unit, la National Coast Guard, la Central Crime Investigation Unit, la Brigade pour la protection de la famille, la Special Support Unit et la Traffic Branch —, Pravind Jugnauth a expliqué que la SST dispose de 33 officiers de police, dont un ASP, deux inspecteurs, cinq sergents, un caporal et 24 constables, dont cinq femmes. Elle a été constituée le 3 août de l’année dernière, sur ordre du commissaire de police, Anil Kumar Dip, dans le sillage du Strategic Plan 2022-25.
La SST ne remplace aucune section existante au sein de la police, a affirmé le chef du gouvernement, soulignant que la principale raison de la création de cette équipe est de lutter contre les crimes majeurs tels que le trafic de drogue, le blanchiment d’argent et d’autres crimes organisés. La SST est équipée de sept véhicules et dispose des armes et des munitions nécessaires pour les besoins des opérations.
Le cas Trilochun suscite des étincelles
Pravind Jugnauth a aussi révélé que les officiers affectés à la SST bénéficient des allocations recommandées dans le rapport du Pay Research Bureau, à savoir une Risk Allowance de Rs 1 890, une Detective Allowance de Rs 450, une Clothing Allowance de Rs 505 et une Driving Allowance. Ils perçoivent également une allocation de Rs 2 000 comme leurs collègues de l’ADSU.
C’est notamment à la question supplémentaire de Nando Bodha que la tension dans la chambre est montée d’un cran, le PM récusant — contrairement à ce qu’a avancé le leader du RM — que “la SST crée un climat de frayeur et de terreur dans le pays.” Pravind Jugnauth a pris et cause en faveur de cette escouade de la police, avançant “I don’t see any climate of fear”. Il souligne que “it’s the drug traffickers, those involved in money laundering and other crimes, that are the ones fearing the climate”. Avant que le sujet ne soit clos par le gong de fin du PMQT, le chef du gouvernement a aussi soutenu que “there is no special treatment. Ceux qui violent la loi dans l’exercice de leurs fonctions devront répondre de leurs actes. Comme c’est le cas dans n’importe quelle situation. Nous sommes dans un État de droit”.
On a ainsi pu voir un Pravind Jugnauth plutôt agité durant cette tranche. Ce sont surtout les questions de Reza Uteem qui lui ont fait perdre son calme. Principalement avec l”interpellation à l’effet que le Premier ministre condamné jointly and in solido avec l’État était dans l’obligation d’assurer le versement d’une partie de la compensation de quelque Rs 1,9 million, obtenue par Me Trilochun, suite au jugement de la Cour suprême après la rupture du contrat en tant que Chairperson de la Financial Intelligence Unit (FIU). Reza Uteem, souhaitant savoir si le Premier ministre compte personnellement contribuer à payer la somme due à Kailash Trilochun, tenant compte du fait que ce n’est pas au contribuable d’en faire les frais.
“Don’t jump like a shark”
On a pu alors entendre un “To pe revée” provenant des bancs de la majorité. Visiblement offusqué, Pravind Jugnauth, tout en rappelant que la décision de mettre un terme à un contrat est couverte par les dispositions de l’Interpretation and General Clauses Act, a cité de larges extraits du jugement en faveur de l’homme de loi. Il a tenté de renvoyer Reza Uteem à la loi, l’exhortant de lire attentivement le jugement de la Cour suprême et pas celui de la Cour intermédiaire. Mais le député du MMM ne s’est pas laissé intimider et a répondu du tac au tac. “J’ai tout lu. Je suis un Long Standing Member of the Bar, avec davantage d’années d’expérience que le Premier ministre. Je n’ai pas de leçon à prendre du Premier ministre…”
Si le Speaker a essayé de l’interrompre, Reza Uteem a tout de même ajouté que la cour a déclaré que le paiement doit être fait par le Premier ministre et l’État mauricien. Pravind Jugnauth, piqué au vif par la remarque du député du MMM quant à son titre d’avocat, a tenté de le reprendre en affirmant : “Je ne donne pas de leçon au membre qui supposément déclare être …” mais il a immédiatement été interrompu par le leader du MMM, qui s’est élevé en demandant : “Ki sa sa ? Ki sipozeman to pe dir ?!” D’où la réplique de Pravind Jugnauth “Don’t jump like a shark”. Venant à la rescousse du PM, et souhaitant sans doute provoquer l’opposition, la députée de la majorité Subhasnee Luchmun-Roy a avancé une question supplémentaire, recherchant à savoir si Kailash Trilochun a un lien de parenté avec un député. À quoi le PM a déclaré qu’il est le beau-frère de Nando Bodha. Mais la pique n’a pas atteint l’opposition, qui est restée de marbre, sauf pour Arvin Boolell, qui devait faire remarquer à l’adresse de Pravind Jugnauth “to mem to nom li, aster to vinn koze.”