Est-ce que le yoga peut nous aider à « être connectés » au réseau naturel et vivre de façon responsable, en union avec l’univers ? (2)
Huit ans après le lancement officiel de l’ouverture de la première Journée internationale du yoga en faveur de la paix et l’harmonie dans le monde, la Maison de l’Unesco a célébré la journée du 21 juin 2023 en compagnie de Sadhguru Jaggi Vasudeva. En nous faisant l’honneur de sa visite à Paris, le grand maitre mystique a transmis un message pragmatique et puissant en lançant un appel pour que le yoga devienne accessible dans toute sa pureté au monde entier. Il a précisé qu’assumer une telle responsabilité revient à la génération actuelle en vue de la construction d’une « planète consciente » ; cette chance pour le développement personnel, le bien-être et la libération intérieure serait le plus beau cadeau qu’on ferait aux futures générations.
Célébrer le yoga et s’engager
Le yoga est actuellement une pratique inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco. Pour Sadhguru, le yoga, qui veut dire « union », est une science qui nous permet de nous aligner sur la géométrie cosmique pour le bien-être de tous. Le yoga favorise la réalisation de notre vraie nature, qui est de nous sentir profondément unis à l’univers. Lorsque nous éprouvons un tel sentiment d’union (oneness), le bien-être de tout l’univers devient la nôtre et la sauvegarde de la biodiversité relèvera de notre responsabilité. En soulignant la montée des troubles dépressifs dans le monde, Sadhguru a fait ressortir l’intérêt de préserver la santé, en particulier notre santé mentale. Selon lui, la pratique du yoga serait favorable au développement conscient d’une planète saine, épanouie et plus responsable.
Le 21 juin, pour célébrer la Journée internationale du yoga, plusieurs manifestations ont eu lieu dans le monde entier. Lors de cette journée du solstice d’été dans l’hémisphère nord où l’énergie solaire est la plus puissante, Sadhguru a encouragé tout le monde à prendre l’engagement pour son propre bien-être. Se mettre en phase ainsi avec l’univers favoriserait la croissance de son énergie vibratoire. Sadhguru, praticien assidu et enseignant du yoga, a souligné qu’il ne suffit pas de se tortiller dans tous les sens mais de se poser en silence pour avoir une meilleure perception intérieure de soi et du monde. Selon son rythme et ses capacités, chacun peut commencer par quelques postures physiques (asanas) suivis d’exercices de respiration. Alors que l’équilibre s’installe dans le corps et l’esprit, chacun pourra faire progressivement l’expérience de la communion avec l’univers. Et, grâce à ce sentiment d’union, il se sentira « connecté » à son entourage et pourra transcender toutes ses rancœurs et ses peurs pour devenir joyeux, pleinement productif et créatif. Sadhguru a précisé que la perception d’une expérience profonde et personnelle est essentielle dans le yoga. Ce n’est pas seulement le fruit d’un raisonnement intellectuel.
Le yoga, une discipline millénaire
Comme dit Patanjali (3), le yoga n’est pas uniquement une activité physique mais aussi, un véritable mode de vie. Le sage qui a écrit le Yoga sûtra, premier traité d’aphorismes sur le yoga, nous révèle les moyens de dépasser les tourments du corps et de l’esprit à travers une meilleure connaissance de soi et la purification du mental. Patanjali prône l’ashtanga yoga qui se décline en huit principales facettes. D’abord, il y a les règles de vie dans la relation aux autres (yama) comprenant la non-violence, le respect de la vérité, la non-convoitise, la modération et le lâcher prise. Puis, il y a les règles de vie dans la relation à soi-même (niyama), les postures (asanas), la pratique de la respiration (pranayama), l’écoute intérieure (pratihara), l’exercice de la concentration (dharana), la méditation (dhyana), et l’état d’unité (samadhi). Cet art de vivre n’est lié à aucune religion. Le yoga permet au praticien d’avoir un meilleur contrôle du mental par une concentration qui favorise la paix intérieure et la sérénité engendrant une grande efficacité dans toute action. Cela résulte en une meilleure union entre le corps et l’esprit de l’homme qui évoluera en symbiose avec la nature et la société.
Patanjali présente le yoga comme un miroir (darshan) pour l’homme afin qu’il ait une perception de l’union de lui-même avec l’univers. Il décrit également les symptômes des sources d’agitation et les soins pour retrouver une stabilité mentale. On trouve dans les aphorismes I.30 à I.39 les neuf obstacles qui entrainent la dispersion mentale nuisible à l’équilibre de l’homme : la maladie (vyadi), la langueur (styana), le doute (samsaya), la précipitation (pramada), l’apathie (alasya), l’intempérance (avirati), l’erreur de jugement (bhranti darshan), le manque de concentration (alabdha bhumikatva), l’instabilité (anavasthitattva). Pour guérir de toute forme d’agitation, il faut également identifier les symptômes de la dispersion mentale tels que la souffrance (dukham), le désespoir (darumanasya), l’agitation (angamejayatva), la respiration irrégulière (svasa-prasvasa). Le yoga apporte la focalisation stable de la pensée entrainant le développement d’une lucidité sans faille pour atteindre le bon équilibre.
Shoonya, la présence « illimitée »
Lors de la huitième célébration de la Journée mondiale de yoga à l’Unesco, les enfants du Project Samskriti, de la Fondation Isha créée par Sadhguru, ont présenté « Shoonya », un spectacle de danse axé sur le thème du yoga. Quel meilleur moyen pour illustrer le rôle que pourrait avoir le yoga dans notre vie ! Une dizaine de jeunes gens ont évolué avec grâce sur une chorégraphie particulièrement intense, illustrant la réconciliation avec soi-même et l’univers dans un chatoiement de couleurs. Tout en enchaînant des pas du bharat natyam au rythme de la musique, ils ont présenté des postures de yoga telles que la salutation au soleil (surya namaskar), la posture en tailleur (sukhasana), idéale pour la méditation et la posture du guerrier (virabhadrasana) pour bien s’ancrer au sol. Ce magnifique spectacle décrivait la réalisation d’un état d’équilibre par le passage de l’impétuosité à la conscience, de l’agitation à la sérénité. Sadhguru nous invite à entrer en résonance avec « Shoonya », cet état de présence « illimitée » à laquelle on pourrait aspirer en brisant les liens qui nous enchainent à notre corps et à notre esprit. On est si peu de choses dans cette vaste existence. Le grand maitre nous pousse à nous ouvrir et à nous dépasser car l’intérêt du yoga ne réside pas seulement dans l’apprentissage d’une philosophie mais dans la force d’une transmission pratique aux autres au sein de l’immense espace cosmique.
1.En yoga, les fluctuations du mental se calment, un meilleur discernement de la réalité se développe.
2.Cette interrogation m’est venue après la lecture de l’article très intéressant de Rachna Bhoonah sur l’importance de vivre de façon responsable avec son environnement (cf. Forum du « Mauricien » 20 juin 2023).
3.Bernard Bouanchand, Miroir, itinéraire vers soi-même à travers les Yoga-sûtra de Patanjali, 1995.
Juin 2023
