Guillaume Jauffret (fondateur et créateur du projet) – House of Art : un dispositif technologique à la disposition des artistes

La Galerie du Génie, située au 6 rue Edith Cavell, à Port-Louis, accueille depuis fin juin une sélection d’installations artistiques qui garantissent une expérience immersive aux visiteurs grâce à un système technologique complexe qui comprend des jeux de son et de lumière, des projections vidéo ou de motion design, d’art cinétique, des sculptures acoustiques et de réalité augmentée.

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L’exposition interactive sera présente pendant une année, suite à laquelle le fondateur et concepteur du projet, Guillaume Jauffret et son équipe en proposera une autre. « Nous avons voulu créer un dispositif – il y a la technologie, la lumière et le son – où les artistes peuvent amener leurs créations et nous les aidons à les produire », a déclaré Guillaume Jauffret, lors d’une rencontre avec Le Mauricien, à la Galerie du Génie.

Le duo Astrid Dalais et Guillaume Jauffret, qu’on ne présente plus, avait séduit les Mauriciens par leurs projets innovants avec Porlwi by Light et à l’occasion de la fête nationale dans un passé récent. House of Digital Art a été imaginée et conçue durant la période de crise sanitaire du Covid-19 avec l’apport d’un collectif d’artistes et de professionnels de Maurice et de La Réunion.

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« Nous avons eu le temps, et surtout l’envie de le faire. Cela fait dix ans que nous travaillons sur l’idée d’un lieu culturel pérenne à Maurice. Nous avons fait beaucoup d’événements avec un dispositif qu’on monte et qu’on démonte. C’est beaucoup de travail et cela dure deux ou trois jours seulement. L’idée était d’avoir une programmation qui dure dans le temps, où on peut venir en famille », fait ressortir Guillaume Jauffret.
En outre, dira ce dernier « l’emplacement de la Galerie du génie est accessible par le transport en commun, bus ou métro, et offre un cadre sécurisé pour les enfants, avec une cour intérieure où ils peuvent jouer ». Et d’ajouter : « Il s’agit d’un lieu de vie. » Dans cette optique, les lieux accueillent également un espace où le visiteur a l’occasion de découvrir les ouvrages figurant sur la bibliographie des artistes. Il servira aussi à la formation. Six résidences d’artistes sont prévues durant cette période.

Questionner l’espace-temps

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L’idée de monter la House of Digital Art est d’offrir une expérience sensorielle multiple aux visiteurs tout en les interpellant sur la place qu’ils occupent dans le monde.

« On questionne l’espace-temps », dira Guillaume Jauffret. Tout commence par cette citation d’Édouard Maunick : « If you were a territory between noon and midnight », sur laquelle tombe le visiteur dès qu’il pénètre dans ce foyer de l’art numérique. Il s’oriente vers les deux écrans interactifs émouvants intitulés Trashdwellers. L’un évoque la vision des artistes Xenoangel d’Europe, de ce que pourrait être la Terre avec l’envahissement du plastique qui se reproduit et qui vit aux côtés de l’homme. L’autre donne l’occasion aux visiteurs de s’engager dans le nettoyage du monde.

Guillaume Jauffret note que ce projet numérique a été adapté pour les besoins de l’exposition. « Au départ, il avait été créé en casque virtuel. Les deux artistes sont à Maurice pour un atelier avec ceux qui sont en résidence et au cours duquel ils partageront leurs connaissances concernant le fonctionnement avec le casque et la navigation 2D et 3D. On aura quelques jours d’expérience immersive avec les casques », fait-il ressortir. Sinon, c’est au toucher et à l’écoute d’une histoire, que le visiteur en fera l’expérience. Il s’oriente ensuite vers Lavwa Shalmali, pour découvrir les légendes du continent perdu, à travers des paysages sonores du groupe Patyatann.

C’est ensuite la récréation du monde qu’il expérimentera par le biais d’une fresque lumineuse projeté dans un bac à sable avec des pierres. « Il suggère la topographie des îles. C’est interactif. Si on bouge les roches, la topographie se reforme. Elle nous rappelle la genèse de nos îles avec la coulée des laves. »
Multivers and Portals, comme le nom le suggère, entraîne le visiteur dans de multiple univers à travers des portes. Cela se fait par le biais d’une application qu’il installe sur son téléphone et à partir duquel il y entre. Selon Guillaume Jauffret, l’artiste réunionnaise Mathilde Fossy a travaillé avec un développeur d’application pour offrir cette expérience de réalité augmentée aux visiteurs, notamment pour le premier portail sur l’univers. « Elle est graphiste et elle a développé son schéma visuel. Le développeur a travaillé sur l’interactivité. Pour le deuxième pan de mur, c’est elle qui a tout fait », affirme-t-il, vouant une admiration pour la multidisciplinarité dont font preuve les artistes.

« Il y a aujourd’hui un croisement de connaissances dans l’art où l’artiste peintre fait un tableau, y ajoute de la musique, etc. »

Le tunnel de lave impressionne par son jeu d’apparition et de disparition des lignes de couleurs sous l’effet de la lumière. Il a été réalisé par Kid Kreol et Boogie. Ce tunnel quasi magique mène au centre de la galerie pour une immersion dans le monde de MotionWip, d’Europe, avec Genesis IO, et Secondnature, de l’océan Indien, avec Fler. Une des installations les plus complexes de ce foyer.

« C’est un système complexe avec un méga serveur qui permet de mettre 14 vidéos projecteurs en interaction », souligne Guillaume Jauffret en parlant de la technicité liée à la concrétisation des deux projets. Pour Fler, dit-il, il s’agit d’un ensemble de vidéos de tournage adaptées et mises en immersif alors que pour Genesis IO, c’est de la motion design, du 2D et du 3D. « Ce sont des créations numériques et non des vidéos. »

L’expérience prend fin avec une visite de la galerie Lislet Geoffroy, Reboot, selon une scénographie d’Ashveen Khemraz. « L’idée est de montrer l’interprétation du monde vue par les sociétés et les philosophes de 1500 à ce jour », indique Guillaume Jauffret. Et de souligner que la première carte la plus juste a été dessinée par Lislet Geoffroy.
Le collectif occupe cet espace pour deux ans. L’exposition en cours se tiendra sur une année. Guillaume Jauffret annonce un changement à partir de septembre. La Galerie du Génie accueillera des spectacles : concerts, théâtre, lecture de poésie pour ne citer que cela.

Après la première année, d’autres artistes seront invités à occuper les lieux. Ils bénéficieront d’un accompagnement technologique similaire et pourront ainsi offrir de nouvelles expériences au public, conclut Guillaume Jauffret.


Dans les coulisses : cinq mois de travaux, 3 000 personnes

La mise en place de la House of Digital Art aura nécessité cinq mois de travaux intense allant de 18 à 20 heures par jour pour arriver à bon port, a souligné Guillaume Jauffret, fondateur et concepteur du projet. Elle aura mobilisé une équipe de 3 000 personnes dont des menuisiers, des ingénieurs son et lumière, des informaticiens et des techniciens dans divers domaines.

Aujourd’hui l’équipe compte une quinzaine de personnes impliquées dans la gestion de la communication, le nettoyage et la billetterie. Le matin, « tout s’allume automatiquement ». Lorsqu’il y a un bug « qui est tout à fait normal », soutient le concepteur qui fait appel à un ingénieur. Ou « on l’accepte et on relance la machine ». Sur un ton humoristique, il lance :

« Le bug c’est normal, quand ça marche, c’est extraordinaire. »
Sa concrétisation a été rendue possible grâce au soutien financier de Ignite culture, un programme subventionné par l’ACP-UE, pour la promotion des industries culturelles et créatives en Afrique, aux Caraïbes et dans le Pacifique et des entreprises mauriciennes.

Une heure pour la visite

Selon Guillaume Jauffret, en moyenne, il faut compter environ une heure pour faire toute la visite des lieux.

« Cela peut aussi se faire en 45 minutes, si on n’a pas beaucoup de temps. Mais il y a des gens qui restent trois heures », constate-t-il. La House of Digital Art est ouverte six jours sur sept de 10h à 17h30 sauf les vendredis et les samedis, elle ferme à 23h. Les lundis, elle est fermée. Différents tarifs sont proposés à différents publics. Ainsi, pour les adultes locaux, il est de Rs 250, adultes étrangers, Rs 550 ; les enfants et les adolescents, Rs 150 ; étudiants et personnes âgées, Rs 200 ; et ceux portant un handicap, Rs 200. Ceux qui souhaitent bénéficier d’une visite guidée doivent compter Rs 150 additionnelles.

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