Le Parashakti Peetham Kalikovil de Chebel a invité une artiste indienne à participer à une série de cérémonies religieuses, dont le Theemithi Mahotsavam — marche sur le feu — qui a lieu ce dimanche. Cette artiste est la saxophoniste Ankitha Manikandan, dont voici le portrait.
Ankitha Manikandan est née il y a trente ans dans un village du Tamil Nadu habité majoritairement par une communauté de musiciens. Son père P. Kedeeshwaran, qui était un musicien connu qui jouait du tawil — un tambour traditionnel —, encouragea sa fille à faire des études musicales. Plus particulièrement à étudier la musique carnatique, la musique classique du sud de l’Inde. Grâce à son père, Ankitha découvre le saxophone qui, au départ, ne l’intéresse pas beaucoup. « Puis, à l’âge de 15, j’ai vraiment découvert cet instrument et j’ai décidé d’apprendre à en jouer. »
Comment expliquer que le saxophone, instrument de musique européen mis au point au 19e siècle, est utilisé dans la musique carnatique, qui est millénaire ? « C’est ça la beauté de la musique, qui est sans frontières. Depuis longtemps, certains instruments européens sont utilisés dans la musique classique indienne, comme la clarinette et le saxo. Nous avons adapté le saxophone à la musique carnatique, notre musique classique, dont une partie repose sur l’improvisation. » Mais le saxophone n’est-il pas un instrument joué par un homme ? « Ce n’est pas le cas dans le sud de l’Inde, où les femmes en jouent depuis des années. La preuve : j’ai eu trois gurus pour m’apprendre à en jouer au niveau basique : S. K. Devadas, P. K. Ganesh et P. K. Damodhar. J’ai continué mes études de façon intensive sous la supervision de P. K. Ganesh et de son frère pendant une période de cinq ans, avant de commencer à jouer dans des temples. »
La jeune saxophoniste se produit dans plusieurs temples du Tamil Nadu et s’établit une bonne réputation. Quelle doit être la principale qualité d’une bonne saxophoniste ? « Pour bien jouer du saxophone, il faut avoir un bon souffle, mais surtout avoir l’oreille pour comprendre l’intensité, la profondeur et la mélodie de la musique. Il faut aussi maîtriser toutes les possibilités de l’instrument et, pourquoi pas, en inventer de nouvelles en suivant l’inspiration et l’émotion que dégage la musique interprétée. Je lis et je suis les notes de la musique écrite, mais dans la musique classique du sud de l’Inde, une partie repose sur l’improvisation, sur la capacité de respecter l’air de départ, tout en tournant autour, pour faire des variations qui lui donnent une nouvelle dimension. Une bonne artiste doit avoir le feeling : pouvoir faire une immersion totale dans la musique qu’elle interprète et ressentir une émotion qu’elle doit savoir transmettre, partager avec ceux qui l’écoutent. Il ne s’agit pas de reproduire une partition écrite ou un air à la perfection, mais de la ressentir pour la réinterpréter. »
Une « up coming artist »
À vingt ans, Ankitha Manikandan rencontre T. Manikandan, un musicien renommé, qui joue du nadhaswaram — une longue flûte qui fait partie des instruments de musique traditionnelle du sud de l’Inde —, qu’elle épouse et avec qui elle aura une petite fille. Depuis, les deux époux mènent une carrière artistique en duo ou en solo, selon les demandes. Le Swami Umapathy Sivam, responsable du temple de Chebel, qui suit la discussion, intervient alors. « Ankitha Manikandan s’est fait rapidement une excellente réputation en se produisant dans les temples du Tamil Nadu, puis dans ceux d’autres États de l’Inde, avant d’être sollicitée par d’autres temples en dehors de l’Inde, notamment à Singapour et en Malaysie. Dans l’État du Karnataka, elle est ce qu’on appelle dans le métier une up coming artist, qui a un calendrier bien rempli. Nous avons dû attendre plus de six mois pour pouvoir la faire venir à Chebel. »
Ankitha Manikandan n’est pas la première artiste du sud de la Grande Péninsule à être invitée par le temple de Chebel. Quel est le but de cette politique qui consiste à inviter des artistes indiens à se produire dans un temple mauricien ? « Au temple de Chebel, explique le swami Umapathy Sivam, nous faisons les choses de manière différente. Nous invitons ceux qui fréquentent le temple à découvrir d’autres facettes, d’autres instruments, d’autres manières de faire de la musique dans un esprit de partage de connaissances. Le public qui a assisté aux programmes d’Antikha a été surpris parce que, non seulement elle joue d’un instrument européen, mais elle interprète une musique qui existe depuis des millénaires en lui donnant une autre dimension. Une fois la surprise passée, notre public s’est laissé séduire par la beauté de la musique et le talent de l’interprète. C’est une manière de faire de la promotion religieuse et culturelle en offrant la possibilité de découvrir quelques-unes de ses riches et multiples facettes. Notre thème général pour ces programmes s’intitule, fort justement : From music to spirituality. »
Le répertoire d’Ankitha Manikandan ne comprend pas que des pages de musique carnatique. La saxophoniste indienne interprète également des airs de musique de films, des mélodies populaires et même quelques classiques du jazz. Avant son départ de Maurice, à la fin du mois, elle donnera un concert avec un programme de ce quelle appelle fusion music.
Avis aux amateurs.