À Dubreuil : Vaches, trésor vénéré de Surya Narayan Das

Ceux qui visitent la maison de retraite de Surya Narayan Das sise à l’entrée de Dubreuil pourraient voir dans la vache un simple animal qui a été sauvé de l’abattoir. Mais l’homme âgé de 64 ans y voit une mère universelle qui donne son lait à tous, un être sensible et sans défense qu’il faut protéger, un être sacré.

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Avant de prendre sa retraite, ce recteur de profession, qui ne compte pas se séparer de ses bovins, lance un appel à l’aide, afin de continuer à s’occuper et à nourrir sa soixantaine de pensionnaires.

Son veau n’est pas passé inaperçu samedi dernier lors de la marche pacifique organisée à Port-Louis par les défenseurs des animaux pour demander l’arrêt de la capture et de l’exportation des macaques. Tout comme le singe protégé et vénéré dans l’hindouisme sous forme du dieu Hanuman, la vache, associée à différentes divinités, est également considérée comme étant sacrée.

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Ainsi, pour Surya Narayan Das, servir une vache est un acte de foi. Depuis 25 ans, il a accueilli dans son refuge environ 250 vaches et veaux destinés à l’abattage. Aujourd’hui, il compte une soixantaine de bêtes. Le cheptel finira sa vie dans cette maison de retraite entourée de patûrages sur une superficie de 9 arpents.

Le temps est pluvieux, ce lundi-là, à Dubreuil, village peu fréquenté situé entre La Chartreuse et Belle-Rive et où se trouvent le Midlands Dam et le réservoir Piton du Milieu. Les quatre pattes dans la boue, un troupeau de bovins se déplace aux abords d’un abri, certains cherchant de la nourriture dans les bacs qui y sont disposés. Parmi eux, vaches et taureaux présentent une maigreur qui saute aux yeux, laissant apparaître les côtes.

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Une vingtaine d’autres se trouvent dans l’étable presque collé au modeste domicile de Surya Narayan Das et où se dégage une forte odeur de bouse. Hormis la grosse bosse que portent les vraies vaches laitières, ils sont plusieurs à être décharnées, les os pointant au niveau de l’échine et des hanches. L’une d’elles semble mal en point, la tête contre le mur. Présentant une maigreur inquiétante, elle a du mal à se tenir sur ses quatre pattes. Un autre présente un œdème aux yeux. Le globe oculaire est tellement gonflé qu’il semble sortir du visage. Les stalles où logent les plus gras semblent parfois trop petites et ne correspondent pas aux dimensions corporelles des animaux. Vaches et taureaux semblent coincés et ont du mal à se coucher confortablement. « J’aimerais qu’ils se délient un peu les pattes, mais ils refusent de sortir de leurs stalles pour aller gambader et pâturer dehors. Dans les élevages, ils ont été maintenus trop longtemps dans des stalles exigües qu’ils ont fini par s’y habituer », se justifie Surya Narayan Das.

Trop sacrée pour être tuée
Qu’ils soient gras ou décharnés, c’est comme ça qu’il les aurait tous récupérés. L’histoire de ces animaux est la même. Confiées par les propriétaires, les vaches trop vieilles pour la traite ou pour se reproduire, par conséquent, ne servaient à rien ; des taureaux trop vieux et pas rentables ou trop malades, et des veaux, tous ont échappé à l’abattage.

Quel que soit leur état, les pensionnaires de cette maison de retraite n’ont aucune crainte d’être égorgés. Tous finiront leur vie ici aux côtés de leur bienfaiteur et protecteur. « La vraie destinée d’une vache commence à la fin de sa vie de productrice. C’est là que son sort sera décidé, car ne pouvant plus produire du lait, elle devient inutile et encombrante, trop chère à entretenir. Elle sera, donc, abattue. Pareil pour les autres bovins qui sont malades ou trop maigres. Car le prix des animaux dépend du poids de sa viande. Penser qu’une vache est simplement bonne à produire du lait et qu’ensuite il n’y a qu’à s’en débarasser, ou penser qu’un bœuf n’est bon que pour sa viande, c’est faire preuve d’une grande ignorance. C’est inhumain d’égorger un animal innocent et sans défense. C’est pour mieux les protéger et leur offrir une fin de vie meilleure que je les ai reccueillis. Dans la religion hindoue, la vache est comme une mère pour nous. Nous nous devons de bien nous occuper d’elle », dit l’homme enclin à la spiritualité et passionné de toute entité vivante.
Ici, les bêtes sont nourris trois fois par jour, dit cet habitant de Dubreuil. « Ceux qui n’ont pas accès au pâturage sont nourris au pumak. Ils consomment en moyenne trois balles par jour : au petit déjeuner, déjeuner et dîner. Je leur achète également des fruits », affirme-t-il. Mais malgré toute la bonne volonté de ce bienfaiteur, entretenir tout un cheptel a un coût. « Les frais s’élèvent en moyenne à Rs 120 000 tous les mois : Rs 60 000 pour la nourriture et Rs 60 000 pour la main-d’œuvre. Tout mon salaire y va. J’ai besoin d’aide, surtout pour l’achat de pumak », dit-il. Pour sauver les bovins, constituer tout un cheptel et leur offrir une vie meilleure, l’homme dit avoir également vendu ses deux terrains. Parfois, il recueille du paillage d’une autre plantation qu’il possède plus loin dans le village. Mais pour nourrir tout ce beau monde, le pâturage ne suffit pas.

Depuis plus de deux décennies, sa maison n’a jamais bénéficié d’électricité ni d’eau. De même que son exploitation. « Pour l’approvisionnement en eau, je dois compter sur l’eau de pluie. J’ai acheté un générateur, qui envoie l’eau directement dans mon réservoir. Il y a également une rivière à proximité ainsi qu’un bassin. Si j’ai de gros soucis, je fais transporter deux tanks d’eau dans mon camion. Midlands Dam et le Piton du Milieu ne sont pas loin, alors l’eau n’est pas un gros souci », dit-il. Et pour sa propre consommation, l’homme se procure de l’eau minérale. « Je reçois des packs d’eau des volontaires et dévôts également », dit-il. Ces personnes viennent à la maison de retraite pour plusieurs raisons : certaines pour des Satsangs qui sont organisés le dimanche dans une grande pièce, et d’autres pour l’urine de vache qui possèderait de multiples vertus. « L’urine de vache est consommée par ceux qui pensent qu’elle purge le corps de ses toxines. Elle purifie le corps et peut permettre de soigner de graves maladies. Faites un Google search et vous serez surpris », dit cet homme qui en consomme « quand la vache me l’offre ».

Bien qu’il prendra bientôt sa retraite, Surya Narayan Das reste dévoué à ses vaches sacrées. Sa journée sur l’exploitation commence très tôt. Et les tâches pour cet homme qui doit se rendre au collège chaque jour ne manquent pas. La matinée est exclusivement réservée à la nourriture et au nettoyage de l’étable. L’homme enchaîne les tâches jusqu’à l’arrivée de son employé.

Malgré le fait qu’il n’a pas accès à l’eau potable ni à l’électricité, cet homme a créé une unité qu’il envisage de louer à ceux qui souhaiteraient passer une nuit ou un séjour au milieu des pâturages et entourés de vaches sacrées. En espérant bénéficier d’une rentrée d’argent supplémentaire pour continuer à s’occuper de ses pensionnaires pendant sa retraite

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