Linion Moris abat ses cartes au sujet des réformes au système judiciaire. À cet effet, ce parti s’est lancé dans une série de consultations, dont le principal intervenant n’a été autre que Me Jacques Panglose, membre de Linion Moris, fêtant ses 50 années au Barreau. L’occasion pour lui d’exposer la vision d’une justice dont le peuple aurait la souveraineté. « C’est la loi et ses institutions qui doivent être au service des hommes, et non pas le contraire », dit-il.
Me Panglose indique dans son intervention, intitulée Une justice pour l’Homme mauricien, que Maurice est un État démocratique et qui, comme le définit la Constitution, le peuple est souverain. « Mais en cherchant dans la Constitution la notion de peuple, c’est plutôt flou et vague », fait-il ressortir. Aussi demande-t-il en premier lieu que cette notion de « souveraineté du peuple » ait un sens dans la Constitution. Ce qui nécessite, selon lui, une modification de la section 10 de la Constitution, établissant qu’une personne doit obtenir justice dans un délai raisonnable devant une Cour impartiale et indépendante.
Le droit d’obtenir un verdict rendu par un jury composé de citoyens ordinaires doit être inscrit dans la Constitution, selon lui, ce qui démocratisera le système de justice, « vu qu’à ce moment-là, des représentants du peuple auront leur mot à dire dans des décisions de justice ». Or, de tels jurys sont uniquement utilisés au niveau de la Cour d’Assises en cas de meurtre, souligne-t-il, avant de préconiser l’extension de ce système. « Cette réforme mettra le citoyen mauricien au cœur de notre justice », maintient-il.
Il préconise également que la notion de « délai raisonnable », auquel la Constitution fait référence en cas de procès, soit mise en pratique, par exemple en établissant des échéances. Ainsi, il se demande s’il ne faudrait pas proscrire toute poursuite cinq ans après tout délit.
Un autre point évoqué demeure les appels du Directeur des Poursuites publiques après les acquittements. Me Panglose demande qu’il y ait davantage de restrictions en ce qui concerne de tels appels. Il fait aussi part de ses appréhensions à l’effet que le système judiciaire accorde la liberté sous caution « sur des principes monétaires », ce qui porte davantage d’attention « aux droits des gens indigents », dit-il. Alors que d’autres pays ont adopté des approches « plus rationnelles et humaines » dans ce domaine.
Il a par ailleurs soulevé la notion des appels devant le Privy Council, qui constitue la Cour d’appel finale 55 ans après notre indépendance, dit-il. Ce que critique Me Panglose : la cherté de tels appels, mais aussi le fait que c’est le Privy Council lui-même qui décide de ses critères pour entendre une affaire.
De fait, il demande que l’on envisage une Cour d’appel finale, où les Mauriciens pourront avoir un meilleur accès à la justice. « Ce ne sont pas des affaires que l’on juge, mais des hommes. La loi et ses institutions doivent servir les hommes, et non l’inverse », a-t-il conclu.
Me José Moirt, avocat et membre de Linion Moris, avait ouvert la causerie. D’emblée, il a expliqué que cette démarche s’inscrit dans l’objectif de cette formation politique de tenir des discussions sur des sujets d’intérêts nationaux. Ainsi, en ce qui concerne la justice, les deux principes clés pour Linion Moris sont un meilleur accès à la justice et sa décentralisation.
Plusieurs réformes urgentes doivent être apportées au judiciaire, estime Me Moirt, surtout en ce qui concerne l’absence de recours des citoyens à l’encontre des pouvoirs publics. Aussi demande-t-il que l’on envisage que les justiciables puissent avoir un recours généralisé contre toute décision des pouvoirs publics, comme noté dans l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Ivor Tan Yan, membre de Linion Moris et négociateur syndical, a pour sa part fait l’historique des grandes étapes du développement de la justice humaine à travers les âges, pour en arriver aux défis auxquels est actuellement confronté le système à Maurice. La question actuelle, selon lui, est de savoir « si tous les Mauriciens ont accès à la justice ».
Nando Bodha a pour sa part rappelé que le judiciaire demeure « un rempart contre la dictature », mais que « certaines réformes urgentes doivent y être apportées pour que Maurice devienne un modèle aux yeux du monde. » Il a fait état de plusieurs problèmes fondamentaux, dont les sempiternels retards. « Justice delayed is justice denied », dénonce Nando Bodha. Il a plaidé pour une justice « plus égalitaire » et pour que l’État garantisse la gratuité de la justice, afin d’en permettre un meilleur accès.
Me Rama Valayden a quant à lui fait ressortir que ses confrères avocats des Avengers et lui vivent pleinement leur serment d’avocat, qui est de défendre les intérêts de leurs clients « fearlessly ». Il a ensuite dressé un portrait de Me Panglose, « un avocat profondément humain et pétri de justice; un juriste brillant et un esprit libre. »