Dhanjay Jhurry : « Nous voulons que l’Uniciti soit le porte-drapeau de l’innovation au sein du groupe Medine »

Après une année passée à la tête de l’Uniciti Education Hub, le pôle éducatif de Medine, Dhanjay Jhurry fait un premier bilan de ses activités. Il évoque son ambition de mettre l’accent sur l’innovation. « Nous voulons que l’Uniciti soit le porte-drapeau de l’innovation au sein du groupe Medine », dit-il. Il explique aussi que la création de l’Uniciti vise à répondre non seulement aux besoins locaux, mais aussi régionaux. « Nous voulons avoir un rayonnement local et régional », affirme-t-il.

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Vous êtes а la tête du pôle éducation de Medine depuis un peu plus d’un an. L’occasion de dresser un premier bilan…
Tout à fait. J’ai pris le poste de directeur de l’Uniciti Education Hub en août 2022. Nous sommes en train de mettre en place tout ce que nous avions prévu. Bien entendu, nous n’avons pas tout réalisé. Lorsque je suis arrivé, il a fallu revoir un certain nombre de choses dans la façon d’opérer et dans la stratégie. Il faut bien comprendre qu’à mon arrivée, nous sortions de la pandémie du Covid-19. Or, nous savons que l’éducation a beaucoup souffert durant cette période. L’Uniciti Education Hub (UEH) n’a pas été épargné. Il a donc fallu revoir notre fonctionnement avec le personnel qu’on avait. Je me suis attelé à cette tâche dès mon arrivée.

En octobre 2022, je présentais à certains membres du conseil d’administration le plan stratégique et les actions que nous allions mener afin de rebâtir l’UEH et le remettre sur les rails avec la consolidation de projets existants et de nouveaux projets. De mon point de vue, nous avons accompli de belles choses. Les résultats financiers qui ont été annoncés la semaine dernière montrent un accroissement de 29% en termes de revenus. C’est déjà très encourageant.

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Nous avons mis en chantier beaucoup de projets. La semaine dernière, nous avons annoncé un partenariat avec Futurelearn, une plateforme d’éducation en ligne basée en Grande-Bretagne et qui offre des cours de 260 universités. Il y a plusieurs autres projets en gestation. C’est de très bon augure et nous envisageons l’avenir avec sérénité.

Vous avez débarqué а l’Uniciti aprиs plus de 20 ans dans le service public, notamment а l’Université de Maurice. La transition a-t-elle été facile ?
J’ai passé 27 ans à l’Université de Maurice (UoM) entre 1995 et 2022. Ceux qui ont suivi mon parcours à l’université peuvent témoigner que j’ai toujours été dans une dynamique de progrès en vue d’aller plus loin. C’est ce que j’ai fait en tant qu’enseignant-chercheur à l’université. J’ai continué au niveau de la National Research Chair, et lorsque j’étais vice-chancelier.

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J’ai toujours voulu viser plus haut. Nous avons tendance à penser que lorsque nous sommes dans le secteur public, nous laissons passer les choses et que nous sommes plus actifs dans le secteur privé. C’est une fausse perception. Cela dépend de chaque personne.
En ce qui me concerne, j’ai toujours été dans une dynamique de progrès et de mouvance. C’est exactement ce que je fais ici, tout en gardant en tête que c’est un business qui ne dépend pas du gouvernement. Il nous revient de nous assurer que le business soit profitable. La conciliation entre la stratégie et la profitabilité fait partie du métier.

Quelle feuille de route avez-vous pour l’UEH ?
Évidemment, dès mon arrivée, j’ai pris connaissance de l’état des lieux afin d’identifier les forces et les faiblesses. Ce qui est normal. Beaucoup de choses avaient déjà été réalisées. Uniciti a commencé en 2013 avec le Medine Education Village. C’était un pari considérable pour un établissement sucrier de se lancer dans l’éducation, et donc dans le social.
Le village a évolué vers l’Uniciti Education Hub afin de mieux répondre à l’écosystème que la société voulait mettre en place. À partir de ce moment, Uniciti a accueilli plusieurs partenaires, dont la Middlesex University, la Paris-Panthéon ASAS, l’école supérieure d’architecture de Nantes, Vatel, qui est le plus ancien partenaire…

D’autres partenaires se sont joints à nous. Chaque université opère selon son modèle de partenariat. Lorsque j’arrive, toutes ces universités sont en place. Elles accueillent déjà 2 300 étudiants. Nous nous rendons très vite compte que c’est un atout à consolider. Tout en se demandant si c’est suffisant et s’il ne faut pas faire davantage et s’il faut diversifier.
Personnellement, j’ai opté pour mettre l’accent sur l’innovation. Pour moi, il ne s’agit pas de voir l’éducation d’un point de vue de rentabilité. L’éducation tertiaire doit aller de pair avec l’innovation. Le plan que je mets en place doit avoir en conséquence des axes porteurs de revenus tout en augmentant notre offre académique, en investissant dans l’Executive Training, qui permet de mettre plus de talents dans nos sociétés.

Mais il n’y a pas que l’éducation. Il y a aussi une cité universitaire, qui tombe sous notre responsabilité. Nous avons voulu revoir son fonctionnement. Nous sommes les seuls à Maurice à avoir un système d’éducation tertiaire intégré à sa résidence universitaire. Ce qui constitue un atout pour que nous puissions faire encore mieux. À cela s’ajoute un cadre environnemental entouré de verdure qu’il faut pouvoir mettre à profit.

Avec tout cela en tête, et prenant en compte l’univers concurrentiel dans lequel nous opérons, nous voulons apporter cette dimension de thougth leadership et de community engagement. Nous n’opérons pas dans un vacuum. Tout en se développant, nous devons pouvoir avoir un rayonnement de manière à permettre aux autres de profiter.

Comment cela se traduit-il dans le concret ?
Nous avons mis en place en octobre de l’année dernière les UEH Lecture Series. Elles consistent à organiser une conférence mensuelle sur des thématiques qui intéressent les gens, comme le développement durable, l’intelligence artificielle, le nouvel ordre mondial, la place de la philosophie dans le monde d’aujourd’hui…

En fin de compte des thèmes susceptibles de permettre aux gens de réfléchir. Ces conférences ne sont pas destinées uniquement aux membres du personnel de Medine, mais aussi aux étudiants qui sont autour de nous, mais au grand public en général, et ce, gratuitement.

N’importe qui peut se connecter sur un lien Zoom afin d’assister à ces conférences. Nous croyons dans cette ouverture et considérons que cela fait partie de notre travail. La conférence du mois de septembre était animée par Ali Michael Mansoor et avait pour thème Implications of the War in Ukraine for the World Order.

Je peux vous dire que sur la base des réactions que j’ai obtenues, la série de conférences a été très bien accueillie. Au point où certaines personnes sont disposées à faire des propositions de thèmes qui pourraient les intéresser. Je trouve cela extraordinaire, car cela démontre que ces conférences répondent à un besoin en termes de connaissances dans le pays. C’est tout à l’honneur de Medine.

Que comptez-vous mettre en њuvre en termes d’innovation sur le plan académique ?
Lorsque je suis arrivé à Medine, j’ai pris connaissance des sept grandes valeurs de la compagnie, à savoir le respect des droits humains, qui sont des valeurs humaines et l’intégrité, d’une part, et la performance, l’entreprenariat et l’innovation, qui sont des valeurs économiques. En vérité, l’innovation est une des grandes valeurs de Medine. Je me suis dit qu’il revient à l’UEH d’être le porte-drapeau de l’innovation. En ce qui nous concerne, l’innovation consiste à Connect the Dots.

L’UEH est appelé à jouer ce rôle de fédérateur. J’ai donc préparé un plan dans lequel la recherche et le développement (R&D) sont partie intégrante, et qui tient compte de la dimension recherche et innovation. Cela peut être un outil pour renforcer nos partenariats. Lorsqu’une université cherche à travailler en partenariat avec nous, elle ne regarde pas que les profits, mais ce que nous apportons en matière d’innovation faisant partie de ces programmes. C’est avec cet esprit en tête que nous avons pensé inviter des étudiants des grandes universités en stage chez vous. Je suis entré en contact avec des connaissances au MIT, qui m’ont référé à MIT Afrique.

Après moult discussions, ils m’ont proposé la visite de deux étudiants. Le premier était affecté à l’agriculture pour développer une nouvelle technique de culture de champignons en utilisant la biomasse, et un autre a travaillé avec Casela en vue de développer une application mobile.

Par la suite, on m’a fait savoir que d’autres étudiants voulaient venir, et ils ont séjourné à Maurice pendant deux mois. Nous sommes prêts à accueillir d’autres étudiants venant d’autres universités à travers le monde. Nous sommes aussi prêts à accueillir des étudiants mauriciens ou étrangers fréquentant les universités locales dans nos Business Units, etc. Nous sommes en train de développer un écosystème, voire une plateforme, pour tester des idées dans tous les domaines, que ce soit l’agriculture, le développement durable, les finances, etc.

Un autre axe qu’on est en train de développer, c’est la Cross Fertilisation. La question est de savoir comment ce que nous développons au niveau d’une Business Unit peut être profitable à d’autres unités de la compagnie.

Un des grands défis aujourd’hui consiste а établir un lien entre l’université et l’entreprise. Comment cela se passe-t-il au niveau de l’Uniciti ?

Auparavant, les universités étaient considérées comme des lieux de partage de connaissances. Nous allions à l’université pour acquérir des connaissances et nus étions assurés d’un travail. Depuis une vingtaine d’années, il se trouve que le programme universitaire ne comprend pas de programme sur la compétence et le Skill; c’est comme si ce programme était appelé à disparaître. Tout cela parce que l’entreprise recherche des talents. Le monde évolue tellement vite que l’entreprise veut s’assurer que l’employé puisse mettre en pratique ses connaissances.

Maintenant, nous parlons de plus en plus de Soft Skills, dont la capacité de travailler en équipe ou de communiquer. Nous cherchons également des compétences techniques. Il faut comprendre cet écosystème. Or, l’université ne peut pas tout donner. En général, les universités locales sont restées conservatrices. Elles sont ancrées dans le Knowledge. Il est très difficile de les faire bouger vers les Skills. Ce que nous apportons avec nos programmes et nos universités étrangères, qui ont beaucoup d’avance, c’est justement ce côté Skills. Si un étudiant dispose aussi bien des Soft Skills que des Technical Skills, et qu’il a l’occasion de suivre un stage en entreprise, il sera mieux formé pour affronter le monde du travail.

Je prends en exemple la Middlesex University, qui a un taux d’employabilité supérieur à 97%, dont 100% en IT. C’est son programme qui permet aux étudiants d’arriver avec la connaissance, les Skills, et les rend compétitifs sur le marché du travail. C’est la raison pour laquelle nous avons conclu un accord avec Futurelearn, qui est une plateforme digitale travaillant avec les universités britanniques, et qui présente des cours à court terme très focalisés sur la compétence. Je suis certain que sur les 1 600 cours qu’offre Futurelearn, vous trouverez des choses qui vous intéressent.

L’intelligence artificielle est-elle enseignée dans le cadre des activités de l’Uniciti ?
Nous avons beaucoup de choses qu’on ne peut pas mentionner tant que nous n’obtenons pas l’accréditation de la TEC. Nous viendrons avec beaucoup de choses, dont Data Science, etc. Nous comptons proposer en collaboration avec un partenaire une formation d’intelligence artificielle dans le droit. Nous ferons une annonce bientôt. Nous sommes intéressés avec l’IA non pas d’un point de vue théorique, mais pour entrer dans le vif et voir comment l’IA peut contribuer au développement. Avant même qu’on ait commencé à réfléchir sur le sujet, certains commencent à émettre des réserves et des critiques, et craignent que les étudiants aillent copier, et ce sera de la folie. Je suis de ceux qui pensent que l’IA s’inscrit dans l’évolution de la connaissance.

Je me souviens qu’à l’époque, nous étions obligés d’apprendre les Log Tables. Nous étions obligés d’apprendre à lire ces tableaux et à les apprendre par cœur. Par la suite, la génération suivante d’étudiants pouvait calculer les Cos, Sin et Tan à partir de calculettes, et cela n’a tué personne.

Les calculettes sont devenues des outils pour résoudre un problème. Maintenant, les mêmes problèmes sont résolus par ordinateur. Est-ce que nous pouvons protester ? Cela fait partie de l’évolution. C’est la même chose pour l’intelligence artificielle. L’étudiant utilise l’intelligence artificielle pour avoir un résumé de ce qu’il est en train de faire et qui pourra l’aider à mieux comprendre les enjeux dont il discutera. Qu’est-ce qu’il y a de mal ? Il ne faut pas se plaindre tout le temps. Il faut être progressiste.

Vous qui êtes un chercheur, quelle est la part de la recherche dans les programmes que vous proposez ?
Qu’est-ce que la recherche ? C’est un état d’esprit qui permet de poser les bonnes questions, d’évaluer et d’avoir du recul sur ce qu’on fait. Un chercheur doit pouvoir discerner et être discipliné dans ce qu’il fait, être patient. C’est l’esprit du chercheur.

Un des objectifs du Medine Education Village et par la suite de l’Uniciti visait а encourager les étudiants а rester а Maurice… Cet objectif est-il atteint ?

Au sein de l’Uniciti hub, que ce soit au niveau primaire, secondaire ou tertiaire, nous avons quelque 3 500 étudiants. Nous visons 5 000. Ce sont les offres qu’on met sur la table qui fera que les étudiants viennent plus nombreux chez nous… ou pas. Dans le plan stratégique, on définit tout une stratégie pour développer ces secteurs universitaires. On a mis en place quatre pôles : informatique et numérique, ingénierie, santé et business innovation, et tout ce qui a un lien avec le business. Nous faisons en sorte de nous différencier des autres. Dans ce qu’on veut faire, on essaie d’être unique. Tout ce qu’on fait tient compte de la différenciation et de l’unicité. Nous travaillons sur ces deux aspects. Medine vient de lancer The West, mais aussi quelque chose d’important qui tourne autour de la pensée positive. Nous regardons tout avec une approche positive. Si nous ne le faisons pas, nous ne réussirons pas….

Sur vos 3 500 étudiants, quel est le pourcentage d’étrangers ?
En université, nous avons 2 300 étudiants, dont 40% d’étrangers venant du continent. La Middlesex University a beaucoup plus d’étudiants étrangers que la moyenne. Les autres partenaires universitaires ont beaucoup plus de locaux.

Nous voulons former des étudiants mauriciens, mais surtout des étudiants africains, notamment dans le domaine de l’ingénierie. La création de l’Uniciti visait également à répondre aux besoins africains. Nous voulons avoir un rayonnement local et régional.

Pour conclure, comment voyez-vous l’Uniciti dans les 5 а 10 prochaines années ?
L’Uniciti International Education Hub, comme on l’appelle aujourd’hui, est un projet extraordinaire où toutes les compétences sont les bienvenues. Dans les cinq ou dix prochaines années, j’espère que tout le monde en parlera à Maurice. Nous nous projetterons alors comme l’Uniciti International Education and Innovation hub.
Nous espérons aussi amener des talents au pays. Maurice donne la possibilité aux étudiants étrangers de travailler trois ans dans l’île après avoir reçu leur diplôme. Ce qui est extrêmement bénéfique, puisque ce sont des talents formés localement et qui mettent leurs talents au service du pays. Il ne faut pas oublier que Singapour s’est développé grâce aux talents étrangers. Dans notre hub éducatif, j’espère qu’on pourra passer à dix avec beaucoup plus de programmes qui se différencient. On espère que demain, des start-up viendront chez nous en s’appuyant sur l’environnement académique, naturel, et d’infrastructure, tout en ayant accès aux talents.

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